Hymne de Saint-Jean de Jérusalem (Nancy 1864)

Comme le spécifiait en 2020, dans une interview au blog Hiram, son directeur Eric Saunier, l’IDERM (Institut d’Études et de Recherches Maçonniques) se voue depuis sa création en 1974 à la recherche historique maçonnique.

On peut regretter que cet organisme n'ait plus sur le web qu'une présence fantomatique, et que ses antennes régionales de Région Nord (Septentrion) et de Lorraine n'en aient plus aucune, cependant que le site de l'antenne Var est inactif depuis ... 2013 ; mais l'antenne toulousaine est restée active, sous le nom d'ITEM.

L'antenne lorraine est également restée active puisqu'elle continue à publier son bulletin Chroniques d’Histoire maçonnique lorraine. C'est dans le n° 5 de celui-ci, daté de 1998, que nous avons trouvé (pp. 53-5), dans un article signé de Jean-Claude Couturier, cet Hymne de la Respectable Loge Saint-Jean de Jérusalem à l'Orient de Nancy, Paroles du Vénérable Eugène Marchal, musique du Frère Holtzem, 1864.

Ce compositeur, Holtzem, désigné comme un des Frères illustres de l'atelier, pourrait-il être le ténor-compositeur Louis-Alphonse Holtzem (1827-1897) ? Il a fait carrière à Paris et Lyon, mais nous n'avons pas d'indication d'une éventuelle présence à Nancy.

Cet hymne est repris par Sylvain Chimello, sous le n° 8, dans son remarquable ouvrage La Fraternité en choeur.

La Loge Saint-Jean de Jérusalem existe toujours mais, début 2020, nous constations que son site n'avait plus été mis à jour depuis 2017.

HYMNE DE LA RESPECTABLE LOGE SAINT-JEAN DE JERUSALEM A L'ORIENT DE NANCY

Quand de l'objet de nos mystères,
Nous allons fêter le retour,
Je vous apporte très chers Frères
Pour mon tribut un chant d'arnour.
Notre œuvre avec poids et mesure
S'élève sous nos yeux charmés,
Et comme tout dans la nature,
Nous n'avons qu'un mot d'ordre,
Aimer !

Refrain

Salut ! O ma loge chérie,
Ce jour rassemble tes enfants.
Salut ! éternelle patrie
Des justes et des cœurs aimants.

Frères, ainsi que des apôtres
Des hommes libres des maçons,
Aimons-nous bien les uns les autres
Et disons ce que nous pensons
Pour fuir du mal la tyrannie
Et des passions les écarts,
Du cœur nous avons le génie,
Celui du bien et des beaux-arts.

Courage ! ô mes amis courage !
Sans craindre les rigueurs du sort,
Aux vertus que le monde outrage,
Ouvrons nos temples comme un port
N'oublions pas notre devise,
Une immortelle trinité,
C'est dans nos coeurs que Dieu l'a mise,
Travail, Justice et Charité.

Voici les commentaires de Jean-Claude Couturier dans son article :

Cette oeuvre a été exhumée par Magali Bailleul d’un fonds d’archives à Strasbourg à l’occasion d’un travail universitaire de recherche sur la Franc-Maçonnerie. Nous devons à Agnès Galas le travail sur la partition, son adaptation et son interprétation.

Dans cet hymne, le Vénérable Marchal invoque le nom de Dieu. De quel Dieu s’agit-il ? La connaissance que nous avons du Frère Marchal, grâce aux nombreux écrits qu’il nous a légués, nous permet de répondre à cette question.

Le Frère Marchal est un déiste convaincu, militant. S’il est également foncièrement anti-clérical, la Maçonnerie n’en est pas moins pour lui par essence déiste. Abandonner la référence au Grand Architecte de l'Univers, c’est renoncer à la spécificité et à l’âme de l’institution, c’est la dénaturer. Il va donc, dès 1865, s’engager dans un combat pour endiguer la déferlante rationaliste qui emporte le Grand Orient de France. Lors du congrès des Loges de l’Est à Metz, en 1869, il va croiser le fer avec des Frères tels Jean Macé et Edmond Vacca qui militent pour la suppression de la référence au Grand Architecte de l'Univers. Dans plusieurs brochures qu’il fera éditer, il développera courageusement ses arguments et répondra aux polémiques suscitées par ses prises de position. Quand le Grand Orient de France, lors du convent de 1877, franchira le Rubicon, les Frères de la Loge finiront par rentrer dans le rang. Mais le Frère Marchal tentera encore d’infléchir la décision en exhortant, sans succès, l’obédience à maintenir au moins l’invocation du Grand Architecte de l'Univers dans les rituels. Le Frère Marchal proposa aux membres de l’Atelier de quitter le Grand Orient et de s'affilier au Rite écossais. L’Atelier repoussa cette proposition et le Frère Marchal donna sa démission motivée dans laquelle il disait quitter la Loge avec regret. Nous ne savons s’il se fit affiler au rite écossais. Il entretint avec les Frères de l’Atelier des contacts réguliers. Sa femme et sa Soeur, deux bigotes de l’avis du Frère Alfred Krug, Vénérable de la Loge Saint Jean de Jérusalem à cette époque, le feront enterrer religieusement et feront à cette occasion un don substantiel à l’Eglise. Cette dernière cherchera à en tirer profit, Marchal étant notoirement connu comme Franc-Maçon à Nancy. Le Bulletin de l'Union Catholique consacrera à cet événement une large place, évoquant notamment la conversion de ce dernier. On en trouvera également une mention dans la Semaine religieuse.

Le Frère Krug, lors de la tenue du 5 février 1900, après avoir fustigé l’attitude de l’Eglise en la circonstance, termine son discours en s’écriant : Les cléricaux ont eu son corps et sa bourse, mais j‟affirme que son coeur est resté parmi nous.

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