CANTIQUE
Par le frère
Pirault-des-Chaumes.
Air : Aussi-tôt que la lumière.
Pour être
foudres de guerre,
Les humains audacieux
Ont dérobé le tonnerre
Aux mains du Maître des Dieux.
Mieux inspiré, bien plus sage,
Un mortel avait osé
Leur emprunter leur breuvage,
Ce nectar que j'ai versé.
Armé trop tard
de sagesse,
Aux rives de l'Achéron,
Le guerrier hait son ivresse,
Maudit l'effort du canon ;
Sur le néant de la gloire
Il dit, instruit à la fin,
Hélas ! il valait mieux boire :
La gloire est moins que le vin.
Lorsqu'un enfant
de Bourgogne
Lentement va chez les morts
Leur montrer sa rouge trogne,
Chanter ses joyeux accords,
L'onde qu'un zéphir agite,
Accompagnant ses chansons,
Lui renouvelle au Cocyte
Le glouglou de ses flacons.
Ainsi les Dieux
équitables
Ont partagé les mortels ;
Au guerrier des pleurs durables,
A l'ivrogne des autels.
Pour celui-ci, dont on cause,
Qu'il faudrait déifier,
Cerbère est un virtuose,
Caron un cabaretier.
Courageux
missionnaires,
Courons affronter les camps,
Allons porter à nos frères
De plus heureux passe-temps.
Offrons-leur, bons camarades,
La poudre de la gaîté ;
Tirons-y des canonades
Au bien de l'humanité.
C'est ainsi que
dans l'histoire
Nous vivrons pour nos neveux,
Dans le temple de mémoire
Il est trop de furieux.
Dénichons ces misantropes
Tous souillés de sang humain,
Plaçons-y des philantropes
Trébuchant le verre en main.
La terre
entière est un temple
Où Bacchus devrait régner ;
Les Maçons doivent l'exemple,
Frères il faut le donner.
Créer le bonheur au monde,
D'un Maçon c'est la vertu ;
Courons la machine ronde,
Couvrons-la du bois tortu.
Revenus de ce
voyage,
Sous le pampre réunis,
Nous attendrons le vieil âge
En buvant à nos amis ;
Et quand la Parque farouche
M'aura chanté son refrain,
Vous graverez sur ma couche :
Ci-gît un tonneau de vin.
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