Voluptés du maçon

 

Ce texte apparaît, pour la première fois à notre connaissance, dans deux chansonniers hollandais de 1806, celui de Holtrop, où il occupe les pages 462-3 et la Muse maçonne (pp. 206-7). C'est du deuxième que sont extraites les images ci-dessous.

Il sera recopié dès la même année à Paris dans le recueil d'Eleusine (p. 50)

Aucun des trois ne donne d'indication d'air.

A part le titre, ce texte n'a rien de spécifiquement maçonnique. C'est très explicable, puisqu'il s'agit en fait du piratage d'un texte profane, paru en 1804 ; il s'agit, dans le chapitre Epicure du Cours de morale de Charles Albert Demoustier (1760-1801), d'un extrait d'un discours que l'auteur place dans la bouche de ce philosophe. Nous n'avons aucune indication que cet auteur (qui n'est d'ailleurs pas mentionné dans l'ouvrage de  François Cavaignac, Les francs-maçons au théâtre : de la Révolution à la Belle Epoque - Véga, 2011) ait lui-même été maçon.

Mais, dans la mesure où il exalte la volupté de l'amitié pure d'une part, de la bienfaisance de l'autre, il va évidemment dans le sens de la doxa maçonnique de l'époque, et il n'est donc pas étonnant qu'il ait été récupéré en tant que texte maçonnique - du moins en partie (car selon Epicure revu par Demoustier, la volupté pure se trouve également dans l'amour fidèle et dans le sein de la nature ; mais cela a sans doute été jugé moins maçonnique par Holtrop ? )

Demoustier s'attache à démontrer que l'épicurisme est aussi éloigné de l'excès de rigueur stoïcien que du sybaritisme jouisseur qu'on confond trop souvent avec lui (et notamment dans le chansonnier maçonnique, voir par exemple cette chanson).

Voluptés du Maçon.

Dès que je connus le plaisir,
La peine ou l'espérance,
Mon coeur éprouva le désir
D'en faire confidence.
Partageant ma felicité,
J'en doublois la mésure,
Et je me dis : la volupté
Est dans l'amitié pure.

Je vis pleurer des malheureux :
Sensible à leurs alarmes,
Je pleurois d'abord avec eux,
Puis j'essuyois leurs larmes.
Jamais mon coeur n'avoit goûté
Si douce jouissance,
Et je me dis : la volupté
Est dans la bienfaisance.

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