De Volder

En cliquant ici, vous entendrez le début du 2e mouvement (adagio) de son concerto pour violon, interprété par Paul Klinck accompagné par le PKF-Symfonieorkest dirigé par Daniel Gazon (CD PKP 008)

 

Le Tableau de la Loge de la Félicité Bienfaisante à l'Orient de Gand pour 1807 nous informe que l'intendant de sa Colonne d'Harmonie à ce moment s'appelait De Volder ; il est précisé à la p. 7 que celui-ci se prénomme Pierre, est artiste et Maître, et réside rue de la Madelaine.

Il ne peut manifestement s'agir que du facteur d'orgue, violoniste, chef d'orchestre et compositeur Pierre De Volder (1767-1841), qui demeurait à Gand à ce moment.

On lit à son sujet en 1823, à la p. 89 des Annales du salon de Gand et de l'école moderne des Pays-Bas :

M. Pierre de Volder, né à Anvers en 1767, eut pour maître M. Redein, premier violon de la cathédrale d'Anvers. A l'âge de seize ans, il occupait déjà la place de premier violon à l'église de St. Jacques. Il resta à Anvers jusqu'en 1794 ; pendant cet intervalle il étudia et se perfectionna dans la composition et dans l'exécution instrumentale ; il inventa pendant son séjour dans cette ville, l'orgue à crescendo et à diminuendo, qu'il présenta en 1796 au Conservatoire de Musique à Paris, et qui y reçut l'approbation des artistes les plus distingués. Il sollicita un brevet d'invention, mais le prix exorbitant que le Gouvernement Français exigeait, le fit renoncer à une faveur qui devenait onéreuse.

Appelé à Gand en 1794 pour y diriger le grand concert, il y forma par des soins assidus un ensemble d'orchestre, qui reçoit aujourd'hui les plus grands éloges des artistes et amateurs étrangers qui visitent les exercices de l'Académie de Musique, établie en cette ville depuis 1812 par la Société royale des Beaux-Arts, et dont la direction est confiée à M. De Volder.

Son orgue à crescendo lui valut la première distinction à l'exposition des produits de l'Industrie Nationale de 1820. La Commission, dans son rapport, rendit justice au talent de cet artiste qui est parvenu, y est-il dit, par un long travail à nuancer les sons de l'orgue à crescendo et à diminuendo et à leur faire produire les effets de l'harmonica, de manière qu'on peut les renforcer et diminuer à volonté, sans se servir de registres. C'est dans la facture d'orgues une nouvelle et très-importante amélioration, qu'on ne peut trop apprécier.

M, De Volder a inventé aussi et exécuté pour l'église de St. Michel à Gand, un orgue où une simple pédale suffit pour obtenir l'effet en forte et en piano, un seul clavier y fait le même effet que s'il y en avait deux ; il est moins compliqué et moins sujet à se désaccorder. La Commission, à qui ces découvertes ont paru très-ingénieuses, très-utiles et très-importantes, proposa pour son auteur une médaille d'or.

M. De Volder est membre de l'Institut et de la Société royale des beaux arts de Gand ; des compositions d'un mérite éminent lui valurent cette honorable distinction ; parmi les plus estimées on cite plusieurs messes, entr'autres une qui passa longtemps pour être l'ouvrage d'un célèbre compositeur italien ; il composa plusieurs symphonies, quatuors, divertissemens, etc. qui sont recherchés par les amateurs ; la grande bataille de Waterloo, qu'il dédia à S. A. R. le Prince d'Orange, est un morceau qui a mérité d'être distingué et a obtenu les suffrages du public et l'approbation des connaisseurs.

Le Dictionnaire des facteurs d'instruments de musique en Wallonie et à Bruxelles de Malou Haine et Nicolas Meeùs nous en apprend plus (p. 135) sur la suite de sa carrière : s'étant consacré exclusivement à la facture d'orgues, il construisit environ 150 instruments et s'installa à Bruxelles dans les années 1830. Son fils Henri (1794-1865) et ses petits-fils Charles et Léon poursuivirent l'entreprise.

On a pu lire ci-dessus que l'une de ses messes passa longtemps pour être l'ouvrage d'un célèbre compositeur italien. Il s'agit d'une histoire assez cocasse, que nous avons trouvée (p. CIX) au Précis historique de la Société royale des Beaux-Arts et de Littérature de Gand d'Edmond De Busscher :

Nul n'est prophète en son pays est un proverbe banal, qui restera longtemps encore une triste et honteuse vérité ... le compositeur De Volder l'éprouva quelquefois, et nargua un jour de la manière la plus adroite et la plus plaisante un préjugé si funeste aux artistes. Pour une circonstance extraordinaire, des amateurs gantois désiraient une partition sacrée, supérieure à ce que l'on pouvait composer en Belgique ; ils prièrent Mr De Volder d'écrire à Zingarelli, réputé alors comme l'un des meilleurs compositeurs de musique religieuse, pour lui demander ce morceau. Mr De Volder accepta complaisamment ce mandat ; il fit plus, il composa lui-même l' œuvre importante, l'envoya à Milan, où elle fut copiée par une main italienne, puis adressée par intermédiaire aux soi-disant connaisseurs, qui l'attendaient avec impatience. La pièce fut aussitôt répétée, exécutée et jugée : c'était ce que Zingarelli avait produit de plus mélodique, de plus majestueux ; il s'était surpassé ! — L'erreur dura longtemps, et l'enthousiasme se soutint ! Une indiscrétion d'ami fit découvrir enfin la spirituelle vengeance de Mr De Volder : il fallut bien applaudir encore la musique que l'on avait tant exaltée, ou ne la plus jouer ... ce fut ce dernier parti que l'on adopta !

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