Luigini

 

Né à Modène de parents qui émigrèrent à  Lyon en 1831, naturalisé français en 1873, Joseph Luigini ( 1822-1898) fut un instrumentiste polyvalent, un chef d'orchestre et un compositeur. Il commença et termina sa carrière au Grand Théâtre de Lyon.

Son fils Alexandre (1850-1906) sera plus célèbre que lui.

Le recueil 1847 de la Revue maçonnique publiée à Lyon donne en ses pp. 97 à 104 le compte-rendu de la célébration en commun par les deux Loges lyonnaises Equerre et Compas et Etoile Polaire, le 21 mars, de la féte solsticiale d'hiver. 

(97) ... les principaux artistes de la première scène lyonnaise, les Frères Georges Hainl, Chaunier, Alteyrac, Albertini, Luiggini, occupaient une place qui leur avait été réservée ...

(98) ... le Frère Georges Hainl a joué un solo de violoncelle avec une verve, une inspiration qui ont enthousiasmé l'assemblée t enlevé à plusieurs reprises de vifs applaudissements ; nous avons souvent entendu cet artiste, nous l'avons vu rarement mieux inspiré ; il avait oublié tout ce qui était autour de lui pour s'identifier avec son instrument. Le Frère Luiggini tenait le piano.

(104) ... Après ce discours, le Frère Albertini a chanté, avec la suavité qu'il met dans tous ses morceaux, un appel à la bienfaisance, paroles du Frère Kauffmann [ndlr : Vénérable de Equerre et Compas] sur une musique nouvelle du Frère Luiggini.

Le 1er avril 1866, La Lanterne magique a publié, outre la caricature ci-dessus, l'article suivant, sous la plume de Jules CELÉS :

Joseph Luigini est nè à Modène, le 19 juin 1822. 

Après les événements de 1831, sa famille quitta l'Italie et vint se fixer à Lyon. 

A peine âgé de treize ans, Joseph était engagé à l'orchestre du Grand-Théâtre pour tenir le pupitre de trompette et rendait déjà de grands services en exécutant sur son instrument des solos écrits pour des instruments de timbres opposés.

Il se livra très jeune au professorat, comme pianiste et harmoniste, et devint l'accompagnateur et le répétiteurde toutes nos célébrités musicales. 

En 1849, sous l'administration de M. Réveil, alors maire de Lyon, il organisa la musique municipale : son savoir dans l'arrangement, la transposition de l'orchestre pour musique militaire et diverses compositions donnèrent de la réputation à ce corps que l'on désignait sous le nom de Fanfare Lyonnaise et qui fut supprimé en 1852, lors de la réunion des faubourgs à la ville. 

Ayant écrit quelques partitions de musique religieuse, Luigini, à qui il ne manquait qu'un poème pour faire un grand opéra, — et qui sait ? peut-être une œuvre méritoire — composa plusieurs ballets : La Fille du Ciel, Lore-Ley et Quasimodo qui charmèrent le public lyonnais pendant six années consécutives, et qui actuellement sont encore représentés avec grand succès sur le théâtre royal de Bruxelles. 

Mais le plus beau titre de gloire de Joseph Luigini c'est la réorganisation de la Fanfare Lyonnaise.

Cette société fondée en 1857 et composée seulement d'amateurs, débuta l'année même et l'année suivante de sa création dans la division supérieure, au concours d'Orphéons réunis à Dijon remporta, les deux fois de suite, le premier prix sur des sociétés rivales, de création plus ancienne. 

En 1860, elle concourut à Châlons-sur-Saône, sa supériorité sur les autres la fit mettre hors concours, et sa brillante exécution de l'ouvertune de Zampa, transcrite par Luigini, lui fit décerner par acclamation, et à l'unanimité, la médaille d'or, prix exceptionnel envoyé par l'empereur et destiné à la société qui aurait concouru avec le plus de mérite à cette solennité musicale. 

Depuis cette époque, la réputation de la Fanfare Lyonnaise n'a fait que grandir ; aussi de tous côtés les autres sociétés amies recherchent-elles son patronnage pour une fête ; car son nom, sur l'affiche d'un concert, influence autant sur la recette, que celui de l'une de nos étoiles en vogue. 

En 1864, Joseph Luigini fut appelé par acclamation du public à tenir le poste de chef d'orchestre du Grand-Théâtre, en remplacement de Georges Hainl, nommé chef d'orchestre du Grand Opéra de Paris. Mais, peu après, Raphaël Félix, jaloux de la popularité de son chef d'orchestre et vexé de lui voir tenir double emploi, l'obligea, à force de taquineries et de menaces, à donner sa démission de chef de la Fanfare Lyonnaise. 

Luigini en se retirant voulut conserver à la fanfare tout le prestige et l'éclat dont son nom jouissait alors, et se choisit lui-même un successeur capable de maintenir et même d'élever la réputation de cette société d'élite : il présenta à sa troupe Aimé Gros, un jeune artiste très aimé du public, et dont les débuts, tout en sanctionnant l'heureux choix du maître, firent naître les plus brillantes espérances pour l'avenir. 

Lors du grand concours musical qui eut lieu à Lyon le 22 mai il y a deux ans, Luigini fut nommé, à l'unanimité, président d'honneur ; et les sociétés instrumentales, qu'il a presque toutes créées, ont applaudi au titre glorieux qu'on lui décernait en récompense de tant d'années de travail et de dévouement. 

Il a fait jouer, pour la dernière fête de l'empereur, au Théâtre Impérial, une cantate de sa composition qui produisit un très grand effet et lui valut, — outre des éloges flatteurs — une médaille de Sa Majesté. 

Les productions musicales de M. Luigini étant extrêmement goûtées, des connaisseurs aussi bien que du public amateur, nous nous demandons pourquoi, faute d'un libretto d'opéra — il laisse sa verve inactive et ne se met pas à composer des mélodies pour romances.

Les lauriers de Paul Henrion sont-ils tant à dédaigner que cela ? 

Comme homme du monde, Joseph Luigini est des plus considérés, et s'il maniait la parole avec autant de facilité que le clavecin, sa personnalité aurait encor plus d'éclat ; car le désintéressement qu'il met dans ses directions de sociétés musicales et le poste important qu'il occupe au théâtre, lui vaudraient assurément nombre d'invitations gracieuses ; mais l'homme n'est pas parfait, et il n'est pas donné à tout le monde d'être en même temps compositeur émérite et orateur distingué, de faire indifféremment des partitions musicales et des dissertations oratoires. Du reste, — que ceci soit une consolation pour l'artiste dont nous entretenons aujourd'hui nos lecteurs, — Jean-Jacques Rousseau qui passe, avec raison, pour le plus puissant et le plus spirituel écrivain du XVIIIe siècle, était en société le plus sot personnage que l'on puisse imaginer, et Corneille, qui ne savait pas placer un mot dans une conversation, n'en est pas moins un grand homme. 

En 1898, Le Passe-temps et le Parterre réunis a publié l'avis nécrologique suivant dans son n° du 17 juillet :

M. Joseph Luigini, père de M. Alexandre Luigini, chef d'orchestre à l'Opéra-Comique, vient de mourir. Joseph Luigini était né en 1822. Son père avait été chef de musique d'un régiment italien au service de la France sous Napoléon Ier. Le jeune artiste se fixa de bonne heure à Lyon où il introduisit, chose peu connue, l'usage du cornet et de la trompette à pistons. C'est en qualité de cornettiste que Joseph Luigini figure sur le tableau de l'orchestre du Grand-Théâtre en 1837, année où les Huguenots furent créés à Lyon. En 1863, Joseph Luigini monta au pupitre de chef d'orchestre en remplacement de M. Georges Hainl appelé au poste de chef d'orchestre de l'Opéra et des concerts du Conservatoire de Paris ; il créa à Lyon d'importants ouvrages notamment l'Africaine, fit représenter plusieurs ballets de sa composition, entre autres les Filles du Gros-Guillot et fonda la Fanfare Lyonnaise. Puis il vint à Paris, devint chef d'orchestre des Italiens, où il monta, entre autres pièces importantes, l'Aïda de Verdi ; puis chef d'orchestre à l'Opéra populaire, au Théâtre-Lyrique, au Théâtre des Arts de Rouen, aux grands théâtres de Bordeaux et de Nice, aux Folies-Dramatiques où il créa les œuvres principales d'Offenbach, de Lecocq, de Varney, de Suppé, etc, etc. Joseph Luigini était infirme et aveugle depuis quelques années et une représentation à son bénéfice avait été organisée à Paris il y a quelques mois ; il laisse le renom d'un artiste de valeur et d'un homme estimable.

(avec mes remerciements à Paul VdV qui a attiré mon attention sur l'existence de ce compositeur maçon).

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