Couplet d'accueil à Hesdin (1784)

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L'ouvrage (1914) d'Émile Lesueur, La franc-maçonnerie artésienne au XVIIIe siècle, publie (p. 225) ce court couplet d'accueil pour un nouvel initié, trouvé dans le Livre d'Architecture de la Loge la Fidélité d'Hesdin, et concernant une réception en date du 24 février 1784. Il se chante sur l’air de La Baronne. Cette Loge avait été créée en juillet 1749.

Le nouvel initié est le Frère Despommare, sous-lieutenant au régiment de Ponthièvre-Dragons en garnison dans la ville ; il doit s'agir de Jean-Nicolas-André II des Pommare (1761-1846).

Dans votre loge,
Heureux qui peut se voir admis ;
Le vénérable en fait l'éloge
Et l'on ne voit que des amis,
Dans votre loge.

Lesueur publie aussi une charmante lettre adressée au récipiendaire par sa mère à cette occasion. Celle-ci y exprime toute son admiration pour la maçonnerie, qu'elle révère même si elle en connaît peu les mystères. Elle en vante particulièrement l'universalisme, qui permet au maçon de n'être étranger en nul pays et de trouver partout des amis.

Même si ce n'est pas une chanson, mais une pièce en vers, nous croyons intéressant de reproduire cette lettre pour compléter cette page :

Rien ne coûte, mon bon ami,
Pour obliger ce que l'on aime,
Surtout quand c’est un fils chéri ;
Mon cœur n'aime point à demi,
Soyez sûr qu'il paiera de même
Et les entours et la façon
Du nouveau frère franc-maçon.
Il est donc vrai, par votre lettre,
Mon cher fils, qu’on va vous admettre
Dans la douce société
Au secret, au serment fidèle,
Qui cimente avec la truelle
Les douceurs de l'égalité
Et les droits de l’urbanité.
C'est un ordre que je révère :
Le maçon et le militaire
Pour l’honneur ont tant de rapports
Qu'on les croirait un même corps,
Tant l’un à l’autre est nécessaire. 
En effet, veut-on voyager,
Visiter le lointain rivage,
Quel agrément, quel avantage !
Et le guerrier, fait pour changer,
En nul pays n’est étranger ;
Il retrouve, sur son passage,
Un essaim de nouveaux amis,
Par qui l’on est partout admis
Et traité selon son mérite.
Qu’il est doux, sans frais et sans suite,
Voyageant du Sud au Japon,
S’amuser en cosmopolite,
Sans employer d’autre patron
Que les signes d'un franc-maçon !
Je connais trop peu les mystères
Pour pouvoir vous aider, mon fils,
De mes conseils ou mes avis, 
Mais je les crois peu nécessaires :
Et dès que l'aimable major,
Mon digne ami, votre mentor,
Qui vous tient lieu de second père,
Veut bien vous appuyer encor
De son suffrage tutélaire,
Le seul aveu de Chambonas
Vaut pour vous cent certificats.
Apprenez de ce grand modèle
A manier également
L'épée ainsi que la truelle ;
Elle devient un ornement
Quand on s’en sert utilement.
Ménagez une santé chère,
Evitez l'écueil de Cithère ;
Et que l'équerre et le compas
Dirigent et règlent tous vos pas.

Le Chambonas mentor du récipiendaire serait-il celui-ci (le marquis Victor de la Garde de Chambonas), ou plutôt son frère cadet (le chevalier), qui était précisément major au régiment de Ponthièvre-Dragons ? Il faut également noter qu'un Zacharie-César-Elisabeth de Crottier de Chambonas fut à l'époque lieutenant-colonel de ce même régiment.

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