Chanson du Secret de l'Harmonie (Montpellier)

L'abbé Jean-Baptiste Castor Fabre (1727-1783), dit Saint-Castor (images ci-contre), est un célèbre écrivain de langue d'oc ; considéré comme adversaire des philosophes et anti-voltairien, il a aussi la réputation d'un humaniste tolérant.

La Bibliothèque Municipale de Montpellier a mis en ligne notamment (cote MS251) le volume VI d'un manuscrit intitulé Oeuvres de Saint-Castor. On y trouve, aux pages 167-173, cette longue chanson pour les francs-maçons de la Loge de S.R.

L'existence de ce texte, petite synthèse en 13 couplets de la morale maçonnique de l'époque (et qui ne manque pas de se terminer, selon la tradition, par une vigoureuse invitation à boire), donne à penser que Favre était maçon, même s'il ne semble pas qu'on dispose d'autre indication confirmant cette appartenance.

On remarquera que toutes les rimes sont masculines, et que chaque couplet de 8 vers (de successivement 85566655 pieds) présente la même structure utilisant 3 rimes selon le schéma aaabbccc.

Même s'il est explicitement indiqué qu'il s'agit d'une chanson, il n'y a pas de mention d'air.

Le texte a également été reproduit :



Chanson pour les francmaçons de La Loge de S. R.

 

 

 

dans ce temple majestueux
rien de fastueux
n’eblouit les yeux ;
mais sa simplicité
offre plus de beauté
que l’Éclat faux et vain
du plus grand dessein
de l’orgueil humain.

 

 

 

 

la Sagesse le massonna,
la vertu l’orna,
l’amour y regna ;
le vice en est dehors,
et malgré ses efforts,
il ne viendra jamais,
par de noirs forfaits,
en troubler la paix.

 

 

 

 

le Silence, l’Egalité,
l’honneur, l’Equité
font sa Ssureté.
loin ces Esprits hautains,
indiscrets ou malins,
dont les fougueux transports,
de cet heureux corps
romproient les accords.

 

 

 

 

oubliez ici votre rang,
la vertu vous rend
seule vraiment grand ;
ce temple est le cercueil
où doit tomber l’orgueil ;
point de prétention,
de division,
ni de passion.

 

 

 

 

les hommes sont faits pour s’unir
et le vrai plaisir
nait de ce désir.
à ce penchant si doux
sans crainte livrons nous ;
laissons le censurer,
pour en murmurer
il faut l’ignorer.

 

 

 

 

oüi, chanter, rire, et boire au frais,
garder nos secrets,
voilà nos forfaits.
venés, esprits jaloux,
vous unir avec nous ;
quand vous les connoitrez,
vous vous dédirez,
et vous en rirez.

 

 

 

 

mais si ces plaisirs innocens
souvent renaissans
sont peu séduisans ;
daignez apprendre au moins
quels sont les autres soins
dont nous nous occupons
en bons francs massons
hors de nos chansons.

 

 

 

 

dans ce temple, objet de vos cris,
l’amour ni ses ris
ne sont point admis.
l’amitié dans les coeurs
y répand ses douceurs ;
et, dans nos entretiens,
serre les liens
des vrais citoyens.

 

 

 

 

nous vivons dans la chasteté,
dans l’humilité
dans la charité.
fidèles à nos rois,
nous respectons leurs Loix,
et celles qu’à dicté 
pour l’humanité
la divinité.

 

 

 

 

s’il est des frères malheureux,
nous avons pour eux
des coeurs généreux :
touchez de leurs besoins,
par les plus tendres soins,
en dignes francs massons,
nous les consolons,
nous les soulageons.

 

 

 

 

nous ne tolérons rien de bas,
un juste compas
règle tous nos pas.
le crime et ses noirceurs
ne souillent point nos moeurs,
nous fuyons tout excez,
même en nos banquets,
malgré leurs attraits.

 

 

 

 

c’est assez nous justifier,
on aime à crier,
laissons abboyer.
c’est autant de perdu ;
rien n’emeut la vertu,
amis, plus de raisons,
ne nous défendons
qu’à coups de canons.

 

 

 

 

venerable. Soutenez nous,
frères armez vous,
unissons nous tous.
bourrons, tirons, corbleu,
allons, feu, triple feu,
après de tels exploits,
l’envie aux abbois
recevra nos Loix.

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