Escodeca et Jubé
Le Général Charles Jubé n'est pas à confondre avec un autre général plus connu, Auguste Jubé de la Pérelle (1765-1824). Nous avons trouvé quelques détails sur sa carrière militaire :
On peut lire au Moniteur Universel du 7 décembre 1806 que M. Charles Jubé, chef d'escadron dans la 27eme légion de gendarmerie, est nommé colonel, chef de cette légion.
A ce titre, il fut en poste en Italie puisque le colonel de gendarmerie Charles Jubé, vénérable de la loge florentine Napoléon est mentionné dans l'article La loge Napoléon, sise à Livourne (1808-1814) d'Yves Hivert-Messeca.
Il était colonel de la 22e légion de gendarmerie lors du passage à Grenoble de Napoléon, retour de l'île d'Elbe. Ce qui l'a amené à rédiger le journal du Passage de l'Empereur à Grenoble en mars 1815, qu'on peut lire ici (pp. 73-100) et qui est un intéressant témoignage de l'embarras d'une partie de l'armée pendant les Cent Jours.
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On peut voir ici que, dans une lettre du 27 mars 1815 au Général Savary, Premier Inspecteur Général de la Gendarmerie, Napoléon écrivait :
Je vous préviens que j'ai destitué le général Jubé dont j'étais mécontent, que je l'ai remplacé par le colonel Blanchard qui avait été destitué, il y a 18 mois.
Mais son autre titre de notoriété est d'avoir été ensuite Grand Secrétaire du Suprême Conseil. Dans le Tome II de son Histoire de la Franc-maçonnerie française (Fayard, 1974, p. 253), Pierre Chevallier signale qu'en 1832 il avait à ce titre été le protagoniste de la démolition par le Suprême Conseil de la Loge des Trois Jours (nom rappelant les Trois Glorieuses), jugée trop politique. On voit également ici (cfr p. 12) qu'il fut en 1834 la cheville ouvrière du Traité d'Union, d'Alliance et de Confédération maçonnique signé à Paris en 1834.
D'après un document de 1841 (p. 55), il était, en cette année 1841 - qui est aussi celle de sa mort -, membre honoraire de ce Suprême Conseil, tout comme d'Escodeca de Boisse. Il fait l'objet de deux poèmes (ou chansons ?) dans les carnets intitulés Temps perdu de celui-ci, dont il était manifestement un grand ami.
Ces deux oeuvres sont intitulées au Général Jubé qui m'a donné sa croix de Grand Inspecteur Général 33e degré (14 novembre 1841) et Inauguration des décors du Général Jubé dans la Loge de l'Avenir à Bordeaux (13 mars 1842).
On peut supposer d'une part que, sachant peut-être sa fin prochaine, il a légué, peu avant son décès, son précieux bijou de 33e à son ami, et d'autre part qu'après ce décès la Loge d'Escodeca lui rendit hommage en faisant de ses décors un objet d'exposition et de vénération en tant que saintes reliques.
Voilà qui illustre bien ce fétichisme des colifichets honorifiques qui - et c'était particulièrement le cas au XIXe - se trouve si répandu dans les hauts grades, et pas seulement écossais.
Dans une autre de ses oeuvres, Escodeca qualifie d'ânes chargé de reliques les porteurs de décorations du Grand Orient. Il avait manifestement plus de considération pour celles de son Suprême Conseil. A la fin d'un commentaire plein de générosité et de bon sens sur le conflit entre Grand Orient et Suprême Conseil, le Frère Cherpin écrit dans la Revue maçonnique de 1840, en s'adressant à ces deux Obédiences :
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Au Général Jubé qui m'a donné sa croix de Grand Inspecteur Général 33e degré. Je le
reçois ce gage précieux
Talisman
vénéré, symbole pur, croix sainte,
Le
mensonge, et l'erreur, et l'ironie amère
Fais
germer en mon coeur les vertus bienfaisantes
Et si je
suis utile à la Maçonnerie,
Je le
reçois ce gage précieux
Paris 14 novembre 1841. |
Escodeca retrace ici - non sans probablement l'idéaliser quelque peu, notamment sur les circonstances de sa fin de carrière mentionnées plus haut - la carrrière de son ami Jubé.
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Inauguration des décors du Général Jubé, dans la Loge de l'Avenir à Bordeaux.
Salut
dépôt sacré, salut saintes reliques
On vous
vit autrefois sur la noble poitrine
Ah ! venez
décorer l'orient de ce temple
Soyez,
soyez pour nous la céleste lumière,
Jamais
aucun Maçon n'eut des jours plus utiles
Aux doux
travaux des camps il voua sa jeunesse
Sa voix
mâle et guerrière enseigna la victoire
Alors de
l'empereur la parole inflexible
Et dans
ces jours d'honneur, de gloire et de courage
Quand
l'Europe liguée envahissant la France
L'homme
dont la pensée illuminait le monde
Alors
Jubé brisa sa formidable épée ! ...
Et
l'Ordre, en prospérant, brilla d'un nouveau lustre
A jamais
dans nos coeurs vous avez une place
13 Mars 1842. |