Maçons à l'ouvrage

Cliquez ici (midi) ou ici (mp3) pour entendre l'air, séquencé par Christophe D.

Cette chanson datée de 1834 figure (pp. 8-10) dans le chansonnier du Mans imprimé en 1865 ; elle devait donc être solidement ancrée dans les traditions de l'Atelier pour avoir été transmise sur une aussi longue période. 

Comme d'autres chansons du même recueil, elle marque une vigoureuse prise de position en faveur d'une action extérieure de la maçonnerie dans le combat pour la Liberté.

 ... Assez vite, l'enthousiasme débordant dont les frères avaient fait preuve à l'égard du régime de Juillet va faire place à la désillusion, à l'indifférence et au désenchantement.

Partisans en majorité du mouvement, ils vont vite s'apercevoir que le régime de Juillet fait du surplace et que le roi-citoyen est davantage partisan de l'immobilisme que du progrès continu. L'attitude de Louis-Philippe à l'égard de la Maçonnerie n'est guère séparable de la ligne de conduite générale du souverain à l'égard de ceux auquels il avait dû son trône. 

  Pierre Chevallier, Histoire de la Franc-maçonnerie française, Fayard, 1974, Tome II, p. 215)

Le couplet 3 manifeste des convictions très républicaines ; il faut dire que l'enthousiasme louis-philippard généré par les Journées de Juillet 1830 était déjà (voir l'encadré ci-dessus) bien érodé en 1834, qui avait été une année difficile, marquée par des insurrections et une répression féroce, ainsi que par des actions contre la Société des Droits de l'Homme.

On notera une curiosité à ce couplet 3 : l'usage de la triponctuation maçonnique pour le mot passé.

La devise Patrie et Liberté ! citée au couplet 5 est celle qui figurait (voir ci-contre) à la Médaille de Juillet créée pour honorer les acteurs de ces 3 Glorieuses des 27, 28 et 29 juillet.

Qui est dès lors l'homme de cœur emporté avant l'âge par le sort cruel considéré comme ayant légué cette devise ? Pourrait-ce être Casimir Perier, signataire en 1831, en tant que Président du Conseil, de l'ordonnance ayant créé cette distinction, et qu'une épidémie de choléra avait emporté en 1832 ?

Voir l'air.


 
        

Maçons à l'ouvrage

 

Air de : La Treille de sincérité.

 

Du courage 
Vite à l'ouvrage. 
Maçons, prenons le tablier, 
Le travail presse à l'atelier. 

A l’œuvre ; enfants de la lumière 
Le temps favorable à nos vœux, 
Vient d'ouvrir enfin la carrière,
Entrons y d’un pas courageux. 
Maçons qu'un noble zèle enflamme, 
De nous tous, au nom du serment,
La plus sainte cause réclame 
Persévérance et dévouement ! 
Du courage, etc.

Ainsi qu'un torrent qui s’écoule,
Croyances, mœurs, vieux frênes rongés, 
Trônes, lois, dans l'oubli tout roul[é]e, 
La raison vaine, les préjugés. 
Prix désiré de la bataille, 
S'avance un heureux changement 
De l'humanité qui travaille : 
A nous d'aider l'enfantement. 
Du courage, etc.

Voyez partout les peuples brisent 
Le joug dont leur front s'est lassé ; 
Forts de leurs droits, aux rois ils disent : 
Partez, votre règne est p••• 
La Liberté, noble, immortelle,
Sourit à leurs efforts constants ; 
Que chacun d’entre nous s'attelle 
A son char que guide le temps. 
Du courage, etc.

Secourir celui qu'on opprime, 
Seconder de justes projets, 
Du Maçon, mission sublime, 
Tu nous trouveras toujours prêts, 
Prêchants d’exemple, entrons en lice, 
Portons, pleins d'un zèle éclairé, 
Tous notre pierre à l’édifice 
De l'univers régénéré. 
Du courage, etc.

Hâtons-nous car la mort avide 
Frappe en nos rangs de nombreux coups ; 
Mais pour combler la place vide, 
Coude à coude resserrons-nous. 
D’un homme de cœur avant l'âge 
Par le sort cruel emporté. 
Acceptons tous, pour héritage
Ces mots : Patrie et Liberté !
Du courage, etc.

Maçons zélés telle est la cause 
Que de défendre nous jurons ; 
C’est l’Humanité qui l'impose 
Au combat, à sa voix courons.
Maçons, que rien ne nous retarde, 
Sacrifions veilles et sang. 
A nous appartient l'avant-garde, 
Restons fermes au premier rang.

Du courage 
Vite à l'ouvrage,
Maçons prenons le tablier 
Le travail presse à l’atelier.

1834, 26 décembre.          J. C.

Retour au sommaire du recueil du Mans :

Retour au sommaire du Chansonnier :