Chant général d'allégresse

 

Le chansonnier de Ruysch est décidément bien bizarre : voici en effet un chant général d'allégresse qui, non seulement se trouve, sans raison apparente, intercalé dans la série des 7 Santés francophones, mais encore propose un texte (que Ruysch signe lui-même) quelque peu incohérent.

Le fait de braver le courroux du fanatisme nous semble plus évoquer, à cette époque, la préoccupation de la maçonnerie en Belgique (où elle était aux prises avec l'Eglise catholique) qu'aux Pays-Bas (pays majoritairement protestant) ; peut-être Ruysch s'est-il, ici comme ailleurs, inspiré de textes provenant de Belgique ? 

L'air mentionné est la barcarole de Masaniello à la scène 1 (cette scène précède immédiatement celle contenant l'air célèbre Amour sacré de la patrie, qui a déclenché la Révolution belge de 1830) de l'acte II de la Muette de Portici de Scribe et Auber (1828) ; le texte de Ruysch s'en inspire manifestement, mais sans grande logique ; nous avons mis en vis-à-vis ce texte (col. 2) et (col. 3) celui de l'opéra ; on remarquera la symétrie de certains vers (notamment Le roi des mers ne t'échappera pas est transformé en Votre secret vous échappera pas, avec, pour respecter la métrique de ce seul vers de 10 pieds, une faute de français - l'absence de ne - typique d'un auteur dont ce n'est pas la langue maternelle). 

On trouve la partition (n° 7) aux pp. 110-119 de cette édition de l'opéra.

On peut en entendre ici et ici le début de deux enregistrements historiques, respectivement par Emile Marcelin et Alfredo Kraus.

Chant n° 7

chant général d'allégresse

Air : Amis la matinée est belle !
(Muette de Portici)

 

1

Frères, que la soirée est belle !
A ce banquet rassemblons-nous,
Bravons, à nos serments fidèles,
Du fanatisme le courroux,
Ah, loin d'ici l'intolérance,
Maçons ! parlez bas !
Charg[e]ons - charg[e]ons avec prudence,
Maçons ! parlez bas !
Votre secret vous échappera pas !

 

2

Rendons un légitime hommage,
A la vertu, à la beauté,
Consacrons toujours notre ouvrage
Au bonheur de l'humanité ;
Charg[e]ons charg[e]ons avec prudence,
Maçons ! parlez bas !
Faisons feu ! ferme avec constance,
Maçons ! parlez bas !
Votre secret vous échappera pas !

                                   A. R.

MASANIELLO.

PREMIER COUPLET.

Amis, la matinée est belle,
Sur le rivage assemblez-vous ; 
Montez gaîment votre nacelle,
Et des vents bravez le courroux. 
Conduis ta barque avec prudence,
Parle bas, pêcheur, parle bas ; 
Jette tes filets en silence :
La proie au-devant d'eux s'élance. 
Parle bas, pêcheur, parle bas : 
Le roi des mers ne t'échappera pas.

LE CHOEUR.

Conduis ta barque avec prudence, 
Le roi des mers ne t'échappera pas.

MASANIELLO.

DEUXIÈME COUPLET.

L’heure viendra, sachons l'attendre, 
Plus tard nous saurons le saisir. 
Le courage fait entreprendre, 
Mais l'adresse fait réussir. 
Conduis ta barque avec prudence,
Parle bas, pêcheur, parle bas ; 
Jette tes filets en silence :
La proie au-devant d'eux s'élance. 
Parle bas, pêcheur, parle bas : 
Le roi des mers ne t'échappera pas.

LE CHOEUR.

Conduis ta barque avec prudence, 
Le roi des mers ne t'échappera pas.

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