Luce-Varlet
Enfant trouvé adopté par un riche juriste très amateur de musique, Charles Luce-Varlet (1781-1853) fut violoniste, chef d'orchestre et compositeur, et le principal animateur d'une intense vie musicale à Douai pendant la première moitié du XIXe (il y fonda la Société Philharmonique, successeur de la Société des Amateurs qu'il avait réorganisée).
Dans le Tome 5 de sa Biographie universelle des musiciens, Fétis - qui l'a sans aucun doute connu en Loge - lui consacre la notice suivante :
LUCE-VARLET (C), violoniste et compositeur amateur, né à Douai, le 13 décembre 1781, commença dans cette ville ses études musicales. En 1801, il fut admis au Conservatoire de Paris, et y fut élève de Baillot pour le violon, de Catel pour l'harmonie, et de Gossec pour le contrepoint. De retour à Douai en 1805, il s'y maria et s'y fixa. Devenu dès lors le centre d'activité de la culture de la musique dans cette ville, il y établit des concerts d'orchestre dont il fut le chef, et des séances de quatuors, où il jouait le premier violon avec talent. Il se livra aussi à la composition, et produisit beaucoup d'ouvrages de tout genre, parmi lesquels on compte quatre œuvres de quatuors pour instruments à cordes, un quintette pour les mêmes instruments, 3 trios pour deux violons et basse, Paris, Schonenberger ; une ouverture à grand orchestre en ut ; deux concertos pour le violon avec orchestre; plusieurs airs variés pour le même instrument ; deux trios pour piano , violon et violoncelle ; des entr'actes pour des drames représentés au théâtre de Douai; beaucoup de cantates, hymnes et chœurs, dont un Hymne à l'humanité, pour ténor et chœur avec orchestre ou piano, gravé à Paris, chez Henri Lemoine, des stances avec chœur et grand orchestre, à l'occasion de la naissance du duc de Bordeaux, gravées à Paris, chez Frey, et les opéras intitulés : 1° Caroline de Tytzdenz, en un acte, représenté à Douai, en 1820 ; — 2° La Prévention, en un acte, représenté à Douai, Valenciennes et Cambrai, en 1822 et 1823 ; — 3° La Mort de Paul 1er, en trois actes, en collaboration avec Victor Lefèvre et Bovery ; cet ouvrage fut représenté à Douai, en 1834; — 4° Les Ruines de Mont-Cassin, opéra sérieux en trois actes, représenté à Douai, en 1836 ; — 5° L'Élève de Presbourg, en un acte, représenté avec succès au théâtre de l'Opéra-Comique, à Paris, le 24 avril 1840, et dont la partition a été gravée chez Henri Lemoine. Luce-Varlet a été fait chevalier de la Légion d'honneur, en 1845. Il est mort à Douai, en 1856.
Dans son supplément, Fétis mentionne aussi qu'il a fait représenter sur le théâtre de Versailles, en 1850, un opéra-comique en deux actes dédié à Auber, le Maestro ou la Renommée. On lui doit aussi 93 romances. Selon Le Ménestrel en 1889, L'Élève de Presbourg aurait inspiré Wagner pour l'intrigue de ses Maîtres Chanteurs de Nüremberg. Pour une biographie plus complète, on consultera avec intérêt l'ouvrage de Guy Gosselin, L'Age d'or de la vie musicale à Douai, 1800-1850 (Ed. Mardaga, 1994), qui lui consacre un chapitre entier (pp. 27-40) où il signale qu'il avait salué l'avènement de Louis-Philippe en écrivant une cantate, la Parisienne, sur des paroles de Casimir Delavigne. Dans son article violon pour l'Encyclopédie de la Franc-maçonnerie par divers auteurs sous la direction d'Eric Saunier (Pochothèque, 2000), Christine Naslin-Gaudin le signale comme initié en 1803 dans la loge L'Amitié de Douai et rejoignant en 1805 La Parfaite Union à laquelle il reste fidèle jusqu'en 1851. Gosselin pour sa part, qui qualifie de dissidente L'Amitié (dont il dit qu'elle regroupait de grands propriétaires douaisiens), donne la date de 1808 au lieu de 1803, ce qui semble plus vraisemblable, puisque Allender & Rousseau, dans leur riche ouvrage Les francs-maçons dans la Loge et la Cité Orient de Douai 1743-1946, datent de fin 1808 la demande de Constitutions adressée par L'Amitié au Grand Orient et de 1809 la protestation de La Parfaite Union contre l'irrégularité de l'initiation de Luce par L'Amitié. ci-contre : portrait extrait des Mémoires de la société Impériale d'agriculture, sciences & arts de Douai (qui donnent, aux pp. 88-170, une biographie très détaillée par Léon Nutly). |
Par ailleurs, Gosselin montre une certaine ignorance des moeurs maçonniques en tirant du fait qu'il ne dépassa jamais le grade de Maître l'aventureuse conclusion que son engagement ne paraît pas avoir été très important. Il contredit d'ailleurs lui-même cette affirmation en signalant qu'il appartint certainement à la loge jusqu'à sa dissolution (ndlr : en 1851), et que, à ses funérailles, la loge, bien que dissoute, était néanmoins représentée par le vénérable Flamand qui prononça un discours rendant hommage à la franchise, à la sincérité et au dévouement du musicien.
Dans leur ouvrage précité, Allender & Rousseau lui consacrent (p. 96) l'intéressante notice suivante :
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Il revient à Douai en 1806 et épouse Adélaïde Varlet, fille du Frère Gaspard Varlet, conseiller d'arrondissement. Selon la "Galerie des plus jolies femmes de Douai", imprimée en 1803 à Londres "Chez Honnisoitquimalypense" (sic), Mlle Varlet était "femme adorable par la douceur de son caractère, l'agrément de son esprit, l'inaltérable gaîté de son humeur" et elle possédait "une physionomie enchanteresse, un regard céleste, des traits réguliers, une petite bouche de rose, la peau blanche et d'un beau velouté". On comprend ainsi que le couple eut dix enfants.
Compositeur de quatuors, de quintettes et de dix opéras, violoniste virtuose, fondateur de la Société Philharmonique de Douai dont il va diriger l'orchestre jusqu'à sa mort en 1853, Ildephonse Luce va marquer pendant près d'un demi siècle la vie musicale douaisienne de son dynamisme et de sa rigoureuse autorité. Petit-fils et fils de Francs-Maçons, initié en 1808 dans la Loge "L'Amitié", Ildephonse Cocud, qui est autorisé en 1816 à changer officiellement son nom en celui de Luce, rejoint en 1810 "La Parfaite Union" dont il sera membre jusqu'à son décès et pour laquelle il composera la musique d'un "Hommage" sur des paroles de Delalande.