Fétis (François-Joseph), né à Mons, le 25 Mars 1784, est fils d'un organiste, professeur de musique et directeur de concerts en cette ville. Destiné à suivre la profession de son père, il apprit si jeune les principes de la musique, qu'à l'âge de 6 ans il lisait à livre ouvert les solfèges écrits à toutes les clefs. Le premier instrument qu'on lui mit entre les mains fut le violon ; à 7 ans il écrivit des duos pour cet instrument, et il commença l'étude du piano. Avant d'avoir atteint sa neuvième année, il écrivit un concerto pour le violon avec orchestre, quoiqu'il n'eut d'autres notions d'harmonie que celles qu'il avait puisées dans la musique qu'il avait exécutée et entendue. Ce morceau fut joué par son père au concert des amateurs de la ville, et applaudi comme l'œuvre d'un enfant précoce. A 9 ans, Fétis était organiste du chapitre noble de Sainte-Waudru, accompagnait le chœur des chanoinesses et les anciennes messes de vieux compositeurs allemands et italiens. Vers ce même temps il commença l'étude des langues anciennes ; mais bientôt la deuxième invasion do la Belgique par les armées françaises fit fermer les colléges, les églises, et lui enleva les moyens de s'instruire comme humaniste et comme musicien. Heureusement, un vieux prote d'imprimerie se chargea de lui faire continuer ses études latines, et la formation d'une société d'artistes et d'amateurs lui fournit l'occasion d'entendre et de jouer la musique instrumentale de Haydn et de Mozart. Les œuvres de ces grands maîtres, alors dans tout l'éclat de la nouveauté, l'initièrent dans les secrets d'une harmonie neuve et piquante dont il n'avait point d'idée
auparavant ; il en profita pour écrire à leur imitation deux concertos de piano, une symphonie concertante pour 2 violons, alto et basse avec orchestre, des sonates de piano, des fantaisies à 4 mains, une messe solennelle, un
Stabat pour 2 chœurs et 2 orchestres, et des quatuors de violon. Avant qu'il eût atteint sa 15e année, tout cela formait une suite assez nombreuse de productions où des amis aperçurent quelques traces de talent. Ces amis engagèrent le père du jeune Fétis à envoyer son fils au conservatoire de Paris, et celui-ci y entra au mois d'octobre 1800. Il y apprit l'harmonie sous la direction de Rey, alors chef d'orchestre de l'Opéra, et eut pour maîtres de piano, d'abord
Boieldieu, ensuite Pradher. Trois mois après son admission au conservatoire, Fétis fut nommé répétiteur de la classe de Rey, et l'année suivante il obtint le premier prix au concours.
Au commencement de 1803, Fétis voulant augmenter la somme de ses connaissances, voyagea en Allemagne, et y étudia les ouvrages didactiques de Marpurg, de Kirnberger et d'Albrechtsberger. L'étude particulière qu'il avait faite des compositions de Jean Sébastien Bach, de Handel, de Haydn, et de Mozart, avait fait naître en lui un goût passionné pour le style de cette école, et tout ce qu'il écrivait alors était empreint de l'harmonie modulée qui en est le caractère distinctif. C'est ainsi qu'à son retour à Paris, en 1804, il écrivit une symphonie à grand orchestre, une ouverture, des sonates et des caprices pour le piano, ainsi que des pièces d'harmonie pour 8 instrumens à vent, qui ont été publiées à Paris.
Lié d'amitié avec Roquefort et Delaulnaye, Fétis conçut avec ces littérateurs-musiciens, le projet d'un journal de musique dont il parut quelques feuilles in 4°, à la fin de l'année 1804 ; mais la littérature et la critique musicale n'excitaient alors qu'un médiocre intérêt, et il fallut renoncer à cette entreprise.
Par suite d'un mariage brillant, contracté en 1806 avec la petit-fille du savant chevalier de Kéralio, Fétis ne s'occupa plus de musique qu'en amateur, sans que toutefois l'activité de ses travaux se ralentit. Des revers de fortune vinrent l'accabler en 1811, et l'obligèrent de quitter Paris. Il se retira à la campagne, dans les environs de Givet, auprès de la famille de sa femme, et y vécut pendant près de 3 ans éloigné de toute ressource musicale. Il y écrivit cependant une messe à 5 voix, avec chœurs, orchestre, violoncelle et contrebasse, qu'il considère comme un de ses meilleurs ouvrages, sans discontinuer ses recherches sur l'histoire et la théorie de la musique, recherches dont ne put le détourner la perte de deux de ses ouvrages manuscrits qui lui furent dérobés, savoir : une
Histoire de la notation musicale dans le moyen-âge et une Dissertation historique sur Guy
d'Arezzo.
Au mois de décembre 1813, Fétis accepta les fonctions d'organiste de la collégiale de St-Pierre à Douai, et de professeur de chant et d'harmonie d'une école municipale de musique, fondée en cette ville. Il y composa un Requiem, un sextuor pour piano à 4 mains, 2 violons, alto et basse, et beaucoup de morceaux de chant à 3 et à 4 voix, outre une grande quantité de morceaux d'orgue. Ce fut à Douai que réfléchissant sur les défauts du système d'harmonie généralement adopté jusqu'alors, il commença à s'occuper de deux ouvrages plus simples, et plus clairs qu'il a publié en 1823 sous le titre de
Méthode élémentaire d'harmonie et d'accompagnement.
Fétis retourna se fixer à Paris vers le milieu de 1818, et y publia dans la même année des fantaisies, des préludes, des sonates de piano, en même temps qu'il reprenait ses travaux sur la littérature, la théorie et l'histoire de la musique. En 1821, il fut nommé professeur de composition au conservatoire, en remplacement d'Eler, décédé depuis peu. Huit mois après son entrée en
fonctions ; ses élèves ayant été examinés parle comité d'enseignement où siégeaient
Berton, Boieldieu, Lesueur, Paër et Reicha, le président de ce comité, Cherubini, adressa ces paroles au professeur :
Monsieur, c'est avec beaucoup d'intérêt que le comité a passé l'examen de votre classe, et qu'il a trouvé chez vos élèves l'art de faire chanter les parties d'une manière élégante et
naturelle ; art difficile, si bien connu des anciens maîtres, et qui se perd aujourd'hui ; c'est avec une vive satisfaction que nous voyons que vous travaillez à le faire revivre.
Quelques années après, le grand maître qui avait prononcé ces paroles flatteuses s'est exprimé d'une manière plus explicite encore, dans le rapport qu'il a fait à l'Académie des Beaux-Arts sur le
Traité du contrepoint et de la Fugue, écrit par Fétis, pour l'usage du conservatoire ; car il l'a déclaré le seul ouvrage de ce genre où les règles de ces compositionsscientifiques, particulièrement celles de la fugue, sont exposés avec méthode et clarté.
Au commencement de février 1827, Fétis publia la
Revue musicale qui fut continuée sans interruption jusqu'à la fin de la 8e année, au mois de novembre 1835. A l'exception de 10 ou 12 articles, il rédigea seul les cinq premières années dont l'ensemble forme environ la valeur de
huit mille pages in-8°. Cet ouvrage a joui de beaucoup de faveur auprès des amateurs de musique; aujourd'hui même qu'elle a cessé de paraître, parce que, éloigné de Paris, son ancien rédacteur n'y pouvait plus donner des soins, est considéré comme un livre de bibliothèque. Fétis a aussi rédigé le feuilleton musical des journaux
le National et le Temps.
En 1832, il conçut le plan de ses concerts historiques, qu'il réalisa ensuite à Paris avec un éclatant succès. Bruxelles a eu depuis lors un faible échantillon de ces concerts qui y ont été accueillis non moins bien qu'à Paris.
Des propositions ayant été faites à Fétis, à la fin de 1832, de la part du roi Léopold et du gouvernement belge, pour les places dé Maître
de Chapelle, et de directeur du Conservatoire de Bruxelles, il les accepta, et, au mois de mai 1833, il vint remplir ces doubles fonctions. Le désir de ne rien négliger pour la prospérité de l'école qui lui était confiée, l'a engagé dans de nouveaux et considérables travaux. Outre l'administration de cette école qui exige beaucoup de soins, il fait lui-même un cours de composition, un cours d'orgue et de plain chant, un cours de chant d'ensemble, dirige les études d'orchestre, les répétitions et les concerts ; enfin, il a écrit, pour faciliter l'enseignement de la musique, une foule de
Manuels, de Méthodes et de Traités.
Fétis est membre de plusieurs sociétés savantes et musicales de l'Allemagne, de la Hollande, de la France et de l'Italie, et chevalier de la légion d'honneur depuis 1831.
Ce compositeur qui sans contredit est l'un des hommes les plus versés de notre époque dans l'histoire et la théorie de la musique, compte parmi ses œuvres :
l'École de la Jeunesse, o. 1 a. qu'Elleviou lui demanda mais qui ne fut pas représenté (1807);
l'Amant et le Mari, o. 2 a. (1820) ; Les Sœurs Jumelles, o. 1 a. ;
Marie Stuart, o. 3 a. (1823); le Bourgeois de Reims, o. 1 a. (1825) ;
la Vieille, o. 1 a. (1826) ; le Mannequin de Bergame, o. bouffon 1 a. (1832);
Phidas, g-o. 2 a. non représenté. Parmi ses ouvrages didactiques, historiques et critiques, outre ceux que nous avons déjà cités :
La Musique mise à la portée de tout le monde etc. trois éditions, 1830 et 1834. Cet ouvrage a été traduit en allemand, en anglais, en italien et en hollandais.
Solfèges progressifs, avec accompagnement de piano, précédés de l'exposition raisonnée des principes de la
musique, in-4° deux éditions 1827 et 1837. L'auteur y a substitué les formes logiques à la routine. Son ouvrage, qui suivant Castil-Blaze, présente aux élèves les élémens de l'art musical dans l'ordre le plus naturel et le moins compliqué, est supérieur à tous ceux qui existaient auparavant sous le rapport du plan, du diapazon des voix, de la rédaction et par conséquent de l'utilité.
Biographie universelle des musiciens, auquel l'auteur travaille depuis 1806 a atteint aujourd'hui son 5e volume. Cet ouvrage édité avec beaucoup de soin par Meline, Cans et compagnie à Bruxelles, aura 10 volumes et sera achevé en 1839.
Fétis a encore publié une quantité considérable de musique instrumentale et d'église ; il a, de plus, en manuscrit,
la Science de l'organiste, ouvrage immense et curieux, et une foule d'autres non moins importans mais le cadre de ce petit volume nous obligeant à borner notre notice ici, nous renvoyons ceux de nos lecteurs désireux de connaître toutes les oeuvres de notre savant compatriote, à l'article si intéressant qu'il a fait sur sa vie, dans sa
Biographie universelle des musiciens.