Fétis

En cliquant ici, vous entendrez le début du 1er mouvement (Allegro non troppo) de sa Fantaisie Symphonique pour Orgue et Orchestre, interprétée par Franz Hauk accompagné par la Ingolstadt Philarmonie dirigée par Olaf Koch (CD Guild GMCD 7215)

François-Joseph Fétis (1784-1871) est bien connu des amateurs de musique - plutôt d'ailleurs comme musicologue que comme compositeur, profession dans laquelle il jouit d'une moindre estime.

Sa célèbre Biographie universelle des musiciens et biographie générale de la musique est disponible sur Gallica, ainsi que d'autres de ses oeuvres. On en trouve également sur Google-livres.

Voici quelques années, j'avais interrogé, sur son éventuelle appartenance à l'Ordre, un ami belge, musicologue éminent et particulièrement connaisseur en musique maçonnique. Il m'avait répondu qu'il n'avait jamais trouvé la moindre trace de lui dans les archives des Loges belges, et que son appartenance lui semblait peu vraisemblable au vu de sa personnalité de bon catholique conservateur.

Mais Allender & Rousseau, dans leur ouvrage Les francs-maçons dans la Loge et la Cité Orient de Douai 1743-1946, signalent (p. 164) qu'il fut reçu apprenti en 1817 - moment où il résidait effectivement à Douai - à la Loge douaisienne de la Parfaite-Union. Ce que confirme d'ailleurs le Testament philosophique du profane Fétis, daté du 7 mai 1817 avec le cachet de cette Loge, récemment mis en vente et dont on peut voir ci-dessous une des feuilles :

Il est donc ainsi établi qu'il a été initié (quoi de plus vraisemblable pour un jeune homme ambitieux plongé dans une vie musicale douaisienne dominée par des maçons ?), même si l'on ne trouve plus par la suite, après son retour en Belgique en 1832, aucune manifestation de sa participation. En tout état de cause, quand bien même aurait-il gardé des attaches, il nous semble vraisemblable qu'il les aurait rompues après la condamnation de la maçonnerie par les évêques belges en 1838.

Il faut cependant signaler que, au Tracé de la Tenue extraordinaire de la Loge montoise La Concorde le 27 juin 1821, il est mentionné qu'un cantique a été chanté par les Frères Fétis et Paquié et plus tard, lors du Banquet, qu'on a entendu un cantique composé (ndlr : composé vise ici le texte et non la partition) et chanté par le Frère Fétis. Mais il est peu probable qu'il s'agisse du nôtre (né à Mons), qui à l'époque avait déjà quitté Douai pour Paris ; d'ailleurs, nous voyons (cfr Wargny, T. VI, p. 384) qu'un autre Fétis, Jean-Joseph, de Mons (peut-être un parent ?), était membre de ladite Loge en 1827.

L'ouvrage Annuaire dramatique de la Belgique pour 1839 lui consacre la notice suivante :

Fétis (François-Joseph), né à Mons, le 25 Mars 1784, est fils d'un organiste, professeur de musique et directeur de concerts en cette ville. Destiné à suivre la profession de son père, il apprit si jeune les principes de la musique, qu'à l'âge de 6 ans il lisait à livre ouvert les solfèges écrits à toutes les clefs. Le premier instrument qu'on lui mit entre les mains fut le violon ; à 7 ans il écrivit des duos pour cet instrument, et il commença l'étude du piano. Avant d'avoir atteint sa neuvième année, il écrivit un concerto pour le violon avec orchestre, quoiqu'il n'eut d'autres notions d'harmonie que celles qu'il avait puisées dans la musique qu'il avait exécutée et entendue. Ce morceau fut joué par son père au concert des amateurs de la ville, et applaudi comme l'œuvre d'un enfant précoce. A 9 ans, Fétis était organiste du chapitre noble de Sainte-Waudru, accompagnait le chœur des chanoinesses et les anciennes messes de vieux compositeurs allemands et italiens. Vers ce même temps il commença l'étude des langues anciennes ; mais bientôt la deuxième invasion do la Belgique par les armées françaises fit fermer les colléges, les églises, et lui enleva les moyens de s'instruire comme humaniste et comme musicien. Heureusement, un vieux prote d'imprimerie se chargea de lui faire continuer ses études latines, et la formation d'une société d'artistes et d'amateurs lui fournit l'occasion d'entendre et de jouer la musique instrumentale de Haydn et de Mozart. Les œuvres de ces grands maîtres, alors dans tout l'éclat de la nouveauté, l'initièrent dans les secrets d'une harmonie neuve et piquante dont il n'avait point d'idée auparavant ; il en profita pour écrire à leur imitation deux concertos de piano, une symphonie concertante pour 2 violons, alto et basse avec orchestre, des sonates de piano, des fantaisies à 4 mains, une messe solennelle, un Stabat pour 2 chœurs et 2 orchestres, et des quatuors de violon. Avant qu'il eût atteint sa 15e année, tout cela formait une suite assez nombreuse de productions où des amis aperçurent quelques traces de talent. Ces amis engagèrent le père du jeune Fétis à envoyer son fils au conservatoire de Paris, et celui-ci y entra au mois d'octobre 1800. Il y apprit l'harmonie sous la direction de Rey, alors chef d'orchestre de l'Opéra, et eut pour maîtres de piano, d'abord Boieldieu, ensuite Pradher. Trois mois après son admission au conservatoire, Fétis fut nommé répétiteur de la classe de Rey, et l'année suivante il obtint le premier prix au concours.

Au commencement de 1803, Fétis voulant augmenter la somme de ses connaissances, voyagea en Allemagne, et y étudia les ouvrages didactiques de Marpurg, de Kirnberger et d'Albrechtsberger. L'étude particulière qu'il avait faite des compositions de Jean Sébastien Bach, de Handel, de Haydn, et de Mozart, avait fait naître en lui un goût passionné pour le style de cette école, et tout ce qu'il écrivait alors était empreint de l'harmonie modulée qui en est le caractère distinctif. C'est ainsi qu'à son retour à Paris, en 1804, il écrivit une symphonie à grand orchestre, une ouverture, des sonates et des caprices pour le piano, ainsi que des pièces d'harmonie pour 8 instrumens à vent, qui ont été publiées à Paris.

Lié d'amitié avec Roquefort et Delaulnaye, Fétis conçut avec ces littérateurs-musiciens, le projet d'un journal de musique dont il parut quelques feuilles in 4°, à la fin de l'année 1804 ; mais la littérature et la critique musicale n'excitaient alors qu'un médiocre intérêt, et il fallut renoncer à cette entreprise.

Par suite d'un mariage brillant, contracté en 1806 avec la petit-fille du savant chevalier de Kéralio, Fétis ne s'occupa plus de musique qu'en amateur, sans que toutefois l'activité de ses travaux se ralentit. Des revers de fortune vinrent l'accabler en 1811, et l'obligèrent de quitter Paris. Il se retira à la campagne, dans les environs de Givet, auprès de la famille de sa femme, et y vécut pendant près de 3 ans éloigné de toute ressource musicale. Il y écrivit cependant une messe à 5 voix, avec chœurs, orchestre, violoncelle et contrebasse, qu'il considère comme un de ses meilleurs ouvrages, sans discontinuer ses recherches sur l'histoire et la théorie de la musique, recherches dont ne put le détourner la perte de deux de ses ouvrages manuscrits qui lui furent dérobés, savoir : une Histoire de la notation musicale dans le moyen-âge et une Dissertation historique sur Guy d'Arezzo.

Au mois de décembre 1813, Fétis accepta les fonctions d'organiste de la collégiale de St-Pierre à Douai, et de professeur de chant et d'harmonie d'une école municipale de musique, fondée en cette ville. Il y composa un Requiem, un sextuor pour piano à 4 mains, 2 violons, alto et basse, et beaucoup de morceaux de chant à 3 et à 4 voix, outre une grande quantité de morceaux d'orgue. Ce fut à Douai que réfléchissant sur les défauts du système d'harmonie généralement adopté jusqu'alors, il commença à s'occuper de deux ouvrages plus simples, et plus clairs qu'il a publié en 1823 sous le titre de Méthode élémentaire d'harmonie et d'accompagnement.

Fétis retourna se fixer à Paris vers le milieu de 1818, et y publia dans la même année des fantaisies, des préludes, des sonates de piano, en même temps qu'il reprenait ses travaux sur la littérature, la théorie et l'histoire de la musique. En 1821, il fut nommé professeur de composition au conservatoire, en remplacement d'Eler, décédé depuis peu. Huit mois après son entrée en fonctions ; ses élèves ayant été examinés parle comité d'enseignement où siégeaient Berton, Boieldieu, Lesueur, Paër et Reicha, le président de ce comité, Cherubini, adressa ces paroles au professeur : Monsieur, c'est avec beaucoup d'intérêt que le comité a passé l'examen de votre classe, et qu'il a trouvé chez vos élèves l'art de faire chanter les parties d'une manière élégante et naturelle ; art difficile, si bien connu des anciens maîtres, et qui se perd aujourd'hui ; c'est avec une vive satisfaction que nous voyons que vous travaillez à le faire revivre. Quelques années après, le grand maître qui avait prononcé ces paroles flatteuses s'est exprimé d'une manière plus explicite encore, dans le rapport qu'il a fait à l'Académie des Beaux-Arts sur le Traité du contrepoint et de la Fugue, écrit par Fétis, pour l'usage du conservatoire ; car il l'a déclaré le seul ouvrage de ce genre où les règles de ces compositionsscientifiques, particulièrement celles de la fugue, sont exposés avec méthode et clarté.

Au commencement de février 1827, Fétis publia la Revue musicale qui fut continuée sans interruption jusqu'à la fin de la 8e année, au mois de novembre 1835. A l'exception de 10 ou 12 articles, il rédigea seul les cinq premières années dont l'ensemble forme environ la valeur de huit mille pages in-8°. Cet ouvrage a joui de beaucoup de faveur auprès des amateurs de musique; aujourd'hui même qu'elle a cessé de paraître, parce que, éloigné de Paris, son ancien rédacteur n'y pouvait plus donner des soins, est considéré comme un livre de bibliothèque. Fétis a aussi rédigé le feuilleton musical des journaux le National et le Temps.

En 1832, il conçut le plan de ses concerts historiques, qu'il réalisa ensuite à Paris avec un éclatant succès. Bruxelles a eu depuis lors un faible échantillon de ces concerts qui y ont été accueillis non moins bien qu'à Paris.

Des propositions ayant été faites à Fétis, à la fin de 1832, de la part du roi Léopold et du gouvernement belge, pour les places dé Maître de Chapelle, et de directeur du Conservatoire de Bruxelles, il les accepta, et, au mois de mai 1833, il vint remplir ces doubles fonctions. Le désir de ne rien négliger pour la prospérité de l'école qui lui était confiée, l'a engagé dans de nouveaux et considérables travaux. Outre l'administration de cette école qui exige beaucoup de soins, il fait lui-même un cours de composition, un cours d'orgue et de plain chant, un cours de chant d'ensemble, dirige les études d'orchestre, les répétitions et les concerts ; enfin, il a écrit, pour faciliter l'enseignement de la musique, une foule de Manuels, de Méthodes et de Traités.

Fétis est membre de plusieurs sociétés savantes et musicales de l'Allemagne, de la Hollande, de la France et de l'Italie, et chevalier de la légion d'honneur depuis 1831.

Ce compositeur qui sans contredit est l'un des hommes les plus versés de notre époque dans l'histoire et la théorie de la musique, compte parmi ses œuvres : l'École de la Jeunesse, o. 1 a. qu'Elleviou lui demanda mais qui ne fut pas représenté (1807); l'Amant et le Mari, o. 2 a. (1820) ; Les Sœurs Jumelles, o. 1 a. ; Marie Stuart, o. 3 a. (1823); le Bourgeois de Reims, o. 1 a. (1825) ; la Vieille, o. 1 a. (1826) ; le Mannequin de Bergame, o. bouffon 1 a. (1832); Phidas, g-o. 2 a. non représenté. Parmi ses ouvrages didactiques, historiques et critiques, outre ceux que nous avons déjà cités : La Musique mise à la portée de tout le monde etc. trois éditions, 1830 et 1834. Cet ouvrage a été traduit en allemand, en anglais, en italien et en hollandais. Solfèges progressifs, avec accompagnement de piano, précédés de l'exposition raisonnée des principes de la musique, in-4° deux éditions 1827 et 1837. L'auteur y a substitué les formes logiques à la routine. Son ouvrage, qui suivant Castil-Blaze, présente aux élèves les élémens de l'art musical dans l'ordre le plus naturel et le moins compliqué, est supérieur à tous ceux qui existaient auparavant sous le rapport du plan, du diapazon des voix, de la rédaction et par conséquent de l'utilité. Biographie universelle des musiciens, auquel l'auteur travaille depuis 1806 a atteint aujourd'hui son 5e volume. Cet ouvrage édité avec beaucoup de soin par Meline, Cans et compagnie à Bruxelles, aura 10 volumes et sera achevé en 1839.

Fétis a encore publié une quantité considérable de musique instrumentale et d'église ; il a, de plus, en manuscrit, la Science de l'organiste, ouvrage immense et curieux, et une foule d'autres non moins importans mais le cadre de ce petit volume nous obligeant à borner notre notice ici, nous renvoyons ceux de nos lecteurs désireux de connaître toutes les oeuvres de notre savant compatriote, à l'article si intéressant qu'il a fait sur sa vie, dans sa Biographie universelle des musiciens.

Cette notice est en fait un résumé de la longue (13 pages !) notice que Fétis ... se consacre à lui-même dans son Tome 3, tout en s'en expliquant (de manière un peu alambiquée) dans la note suivante :

Il y a toujours quelque ridicule à parler de soi ; le ridicule est plus fâcheux encore quand on en parle longuement. L'ouvrage que j'écris m'oblige pourtant à faire l'une et l'autre de ces choses, au risque de ce qui pourra s'ensuivre. Ma vie artistique a été trop active, et j'ai montré trop de désir de fixer l'attenlion publique sur mes travaux, pour que je ne me croie pas dans la nécessité de dire ici quel en a été l'objet principal.

Fétis vs. Berlioz

Comme on le voit ci-dessus, Fétis avait de lui-même la plus haute estime. Ce qui lui valut de la part de Berlioz la volée de bois vert suivante, tirée du chapitre 44 de ses mémoires :

Avant mon départ pour l’Italie, au nombre des ressources que j’avais pour vivre, il faut compter la correction des épreuves de musique. L’éditeur Troupenas m’ayant, entre autres ouvrages, donné à corriger les partitions des symphonies de Beethoven, que M. Fétis avait été chargé de revoir avant moi, je trouvai ces chefs-d’œuvre chargés des modifications les plus insolentes, portant sur la pensée même de l’auteur, et d’annotations plus outrecuidantes encore. Tout ce qui, dans l’harmonie de Beethoven, ne cadrait pas avec la théorie professée par M. Fétis, était changé avec un aplomb incroyable. ... dans l’andante de la symphonie en ut mineur, M. Fétis avait même écrit en marge de la partition cette observation naïve : « Ce mi b est évidemment un fa ; il est impossible que Beethoven ait commis une erreur aussi grossière. » En d’autres termes : Il est impossible qu’un homme tel que Beethoven ne soit pas dans ses doctrines sur l’harmonie entièrement d’accord avec M. Fétis. En conséquence M. Fétis avait mis un fa à la place de la note si caractéristique de Beethoven, détruisant ainsi l’intention évidente de cette tenue à l’aigu, qui n’arrive sur le fa que plus tard et après avoir passé par le mi naturel, produisant ainsi une petite progression chromatique ascendante et un crescendo du plus remarquable effet. Déjà irrité par d’autres corrections de la même nature qu’il est inutile de citer, je me sentis exaspéré par celle-ci. « Comment ! me dis-je, on fait une édition française des plus merveilleuses compositions instrumentales que le génie humain ait jamais enfantées, et, parce que l’éditeur a eu l’idée de s’adjoindre pour auxiliaire un professeur enivré de son mérite et qui ne progresse pas plus dans le cercle étroit de ses théories que ne fait un écureuil en courant dans sa cage tournante, il faudra que ces œuvres monumentales soient châtrées, et que Beethoven subisse des corrections comme le moindre élève d’une classe d’harmonie ! Non certes ! cela ne sera pas. » J’allai donc immédiatement trouver Troupenas et je lui dis : « M. Fétis insulte Beethoven et le bon sens. Ses corrections sont des crimes. Le mi b qu’il veut ôter dans l’andante de la symphonie en ut mineur est d’un effet magique, il est célèbre dans tous les orchestres de l’Europe, le fa de M. Fétis est une platitude. Je vous préviens que je vais dénoncer l’infidélité de votre édition et les actes de M. Fétis à tous les musiciens de la Société des concerts et de l’Opéra, et que votre professeur sera bientôt traité comme il le mérite par ceux qui respectent le génie et méprisent la médiocrité prétentieuse. » Je n’y manquai pas. La nouvelle de ces sottes profanations courrouça les artistes parisiens ... La rumeur fut telle que Troupenas fut contraint de faire disparaître les corrections, de rétablir le texte original, et que M. Fétis crut prudent de publier un gros mensonge dans sa Revue musicale, en niant que le bruit publié qui l’accusait d’avoir corrigé les symphonies de Beethoven eût le moindre fondement.

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