SUPPLIQUE

d'un Récipiendaire Franc-Maçon, avant le moment des épreuves.

Comme l'Almanach des Grâces, les Etrennes de Polymnie ou les Etrennes Lyriques, anacréontiques, l'Almanach des Muses était un de ces recueils annuels de poésies et chansons qui se sont multipliés à la fin de l'Ancien Régime et pendant les années suivantes.

On trouve occasionnellement dans de tels recueils, l'une ou l'autre chanson maçonnique.

C'est à la page 144 de l'édition de 1782 que nous avons trouvé cette spirituelle (mais anonyme) Supplique d'un Récipiendaire Franc-Maçon avant le moment des épreuves, que nous avons jugé intéressant de reproduire ici, même s'il n'est aucunement certain qu'elle fût destinée à être chantée.

L'encadré en bas de page permettra au lecteur de comprendre les raisons d'une telle supplique ...

SUPPLIQUE

d'un Récipiendaire Franc-Maçon, avant le moment des épreuves.

IL est fort bon d'être éprouvé ;
vers le Temple sacré l'épreuve est un passage ;
mais j'aimerais autant être arrivé,
sans avoir fait le voyage. 
Quiconque veut, dit-on, heureux et sage, 
mériter ce plaisir si doux 
de fraterniser avec vous, 
doit s'illustrer avant par son courage.
Mais voulez-vous souscrire à mes désirs ?
Il en est un moyen, si vous daignez m'en croire, 
c'est d'abréger un peu ma gloire, 
afin d'allonger mes plaisirs.

Epreuves

Extrêmement simple à ses débuts, le rituel de réception ne va se complexifier que progressivement (les quatre éléments par exemple n'apparaîtront qu'à la fin du XVIIIe : on lira avec intérêt à ce sujet l'article de Jean van Win sur Le rituel de réception au grade d'apprenti de Mozart et ses épreuves purificatrices).

Par contre, des épreuves très physiques, s'apparentant parfois à de véritables bizutages, ont été pratiquées - avec des excès parfois choquants, contre lesquels le Grand Orient de France dut à l'occasion sévir - avant que les épreuves acquièrent le caractère exclusivement symbolique qu'elles ont aujourd'hui. De telles épreuves visaient en principe à tester la fermeté et le courage des candidats, mais le but en était sans doute plutôt de les impressionner - sinon de les terroriser - et peut-être aussi d'amuser à leurs dépens ...

Dans la divulgation intitulée Les Francs-Maçons écrasés; suite du livre intitulé : l’Ordre des Francs-Maçons Trahi, on peut lire par exemple : Il est vrai qu'un homme qui a quelque fermeté ne craint pas pour la perte de sa vie. Mais j'en ai connu plusieurs assez imbéciles pour le faire ... Il est certain qu' ... on ne pourrait guère rassembler plus de choses capables d'inspirer de la terreur. Aussi plusieurs en sont-ils tellement frappés, qu'ils pâlissent, tremblent, et ne peuvent plus se soutenir ... un page ... fut tellement effrayé du spectacle qui s'offrit à ses yeux, lorsqu'on lui eût ôté le bandeau, qu'il en conclut que la corde qu'il avait au col était sûrement destinée à le pendre. Et sur-le-champ, il tomba dans une totale défaillance, qui obligea les Frères à l’emporter de la Loge.

Dans Fragments de l'histoire de ma vie, le prince de Ligne raconte même : On tua un jour innocemment dans une de nos loges, un pauvre diable qu'un frère terrible qui n'était pas assez fort, laissa tomber dans un tournement entier qu'il fit faire à sa personne et dont il ne put jamais se remettre.

On sait que Voltaire, vu son grand âge (84 ans), fut dispensé des épreuves physiques.

Dans un discours en 1826, l'orateur de la Loge rouennaise de La Parfaite Egalité précisait que la maçonnerie a presque généralement transformé en épreuves morales les épreuves physiques qui purent être nécessaires en d'autres temps (source : Pierre Chevallier, Histoire de la Franc-maçonnerie française, Fayard, 1974, Tome II, p. 148).

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