La réception du Frère Amour

 Cliquez ici pour entendre cet air, dans la version de la Clé du Caveau

Les Etrennes de Polymnie ont été, de 1785 à 1789, un recueil annuel de chansons nouvelles, sur des airs existants ou avec des musiques nouvelles. Parmi les compositeurs, on relève les noms de Dezède, Martini, Désaugiers (sans doute le père?), Paësiello (sic), Grétry, Saint-Georges, Gluck, Guichard, ... et parmi les poètes, ceux de Beaumarchais et de Florian (membre des Neuf Sœurs).

Elles paraissaient, selon l'éditeur, tous les ans vers le 15 décembre et étaient composées d'un choix de chansons, romances, vaudevilles, etc. les plus agréables et les plus variés que MM. les Auteurs Musiciens et Amateurs, le plus avantageusement connus dans ce genre, auront envoyé au Bureau, avant le 1er Août de chaque année. Marie-Joseph de Chénier (1764-1811) en parle dans une lettre à son frère André, le 17 février 1788, en disant, lui, que c'est un recueil de vers qui paraît tous les ans au mois de janvier et que d'aucuns prétendent qu'il en est le directeur.

Elles étaient en fait collationnées par Jean Baudrais (1749-1832), qui publiait aussi la Petite bibliothèque des théâtres, contenant un recueil des meilleures pièces du théâtre françois, tragique, comique, lyrique et bouffon, depuis l’origine des spectacles en France jusqu'à nos jours (Paris, 1783-1788, 264 parties en 75 vol. in-18). Il écrivit lui-même, à l’occasion de la paix de 1783, une pièce intitulée Le Dieu Mars désarmé. Il est mentionné par Le Bihan (dans son ouvrage Francs-maçons parisiens du Grand Orient de France) comme membre, en 1788, de la Loge Le Désir.

Dans le recueil 1786 (frontispice ci-dessus), nous avons trouvé (pp. 145-7) le marivaudage suivant, sur le thème de l'Amour maçon :

La Réception
du Frère Amour

Paroles de M. De Lattre d'Abbeville, Abonné.

Couplets chantés en Loge d'Adoption.

Air : Daigne écouter l'amant fidèle et tendre &
Voyez pour la Musique Page 94 du
Volume des Etrennes de 1785

 

Ecoutez bien un récit véritable.
J'ai vu l'Amour errer sous ces lambris ...
Ah ! soyez-moi, me dit-il, secourable,
Recevez-moi parmi vos apprentis !

 

De son Carquois, gage d'obéissance,
Sans hésiter, il m'a fait le présent ;
Il m'a promis le plus parfait silence,
Et d'être admis il est impatient.

 

Du voile heureux qu'il portait à Cythère
Ma main timide a su couvrir son front.
Et ce bandeau, qu'il reçut de sa mère,
Nous défend bien de son regard fripon.

Je vais tout nu, telle est mon habitude,
Ce me dit-il; mais dans votre atelier
D'être décent je ferai mon étude,
Et de nos soeurs j'attends un tablier.

 

Partout, mes soeurs, l'Amour a carte blanche ;
Pourquoi chez vous trouverait-il du noir ?
*
Qu'il soit admis, ou craignons la revanche
Du Dieu charmant dont tout craint le pouvoir.

 

Si l'Amitié, de ces lieux souveraine,
De nos climats prétendait le bannir,
Protégez-le dans ce nouveau domaine.
Vous l'amenez, pourriez-vous le trahir ?

 

Quoi ! l'Amitié ne voudrait pas pour frère
Le faible enfant que vous faites régner ?
Raccommodons, dans l'ombre du mystère,
 Ces deux parents que tout doit accorder.

 

* Allusion à ce qu'en Loge on opine pour admettre avec une boule blanche, et pour exclure avec une boule noire.

Sur ton autel, Amitié bienfaisante,
Laisse poser le flambeau de l'Amour :
Que de son feu la flamme s'alimente ;
Régnez ensemble en cet heureux séjour.

 

Il est reçu ... proclamons cette fête
Car je le vois briller dans vos beaux yeux.
Chantons, mes soeurs, cette illustre conquête,
Célébrons bien le jour le plus heureux.

 

L'air auquel il est renvoyé dans l'en-tête est celui-ci. Il est mentionné comme de Désaugiers.

A la différence de ton près, et avec quelques ornementations supplémentaires, il est le même que celui que la Clé du Caveau (3e édition) donne sous le n° 112, précisément sous le titre susmentionné, Daigne écouter l'amant fidèle et tendre.

 

 

Ce thème de l'Amour maçon sera repris quelques années plus tard dans une pièce en vers de Guichard ainsi que dans diverses chansons, notamment aux pages 229 et 305 du Code Récréatif. 

Retour au sommaire des chansons diverses du XVIIIe:

Retour au sommaire du Chansonnier :