Jeanne d'Arc à la rescousse du combat anti-maçonnique

Cliquez ici pour entendre le 3e couplet 

 

De toutes les calembredaines que l'ineffable Léo Taxil est arrivé à faire gober pendant de longues années à un public (comprenant les plus hautes autorités de l'Eglise catholique) de dizaines de milliers de naïfs, l'une des plus imaginatives est l'invention du personnage de Diana Vaughan, prêtresse palladiste miraculeusement convertie au catholicisme grâce à l'aide de Jeanne d'Arc, et dès lors décidée à consacrer sa vie à l'expiation de ses erreurs (par des publications à grand et profitable succès de librairie, telles que celle représentée ci-dessous à gauche), mais en veillant à rester dans une clandestinité que les menaces de ses anciens coreligionnaires avaient paraît-il rendue nécessaire.

Son existence ayant à la longue été mise en doute par quelques personnes un peu moins dépourvues de sens critique que la majorité, Diana Vaughan finit par annoncer (ci-dessous à droite) sa prochaine apparition publique.

 

ci-contre : un autre écrivain antimaçonnique, Abel Clarin de La Rive, grand admirateur de Taxil, reproduit à l'envi ses élucubrations dans son ouvrage de 1894 La femme et l'enfant dans la franc-maconnerie universelle, où il consacre tout un chapitre (pp. 703-712) à Diana Vaughan, avec même un portrait de celle-ci !

 

 

Mais ce jour-là, le lundi de Pâques 1897, c'est Taxil lui-même qui se présenta et qui vendit la mèche de toute la supercherie qu'il avait entretenue pendant des années en s'en amusant fort avec quelques complices.

... les associés riaient entre eux à gorges chaudes de la crédulité sans limites du public et s'amusaient à rivaliser d'extravagance dans leurs inventions. Ils comprenaient le Spiritisme parmi les pratiques de la Franc-Maçonnerie : si l'un d'eux rapportait qu'à une séance de tables tournantes la table s'était soudain dressée sur deux pieds, pendant que les deux autres pieds saisissaient le malheureux médium à la gorge et l'étranglaient, un des confrères reprenait l'histoire en l'agrémentant d'une scène dans laquelle la table s'envolait au plafond et redescendait sous la forme d'un crocodile qui s'asseyait au piano et ravissait par son jeu toute l'assistance. 

Il n'y avait rien de si absurde qu'ils n'osassent imprimer ; les plus extraordinaires mensonges était dévotement acceptés comme des vérités.

(Henry-Charles Lea : Léo Taxil, Diana Vaughan et l'Eglise Romaine - Histoire d'une Mystification, 1901, pp. 14-15)

Redevable à Jeanne d'Arc de sa (supposée) conversion, Diana Vaughan lui avait témoigné sa reconnaissance par l'Hymne suivant :

1.

Sublime enfant de la Lorraine,
Nous t’implorons à deux genoux ;
Reviens, sois notre capitaine.
Tu réponds : « Français, levez-vous !
Dans la ville et dans la bourgade,
Mettez vos cœurs à l’unisson ;
L’heure a sonné de la croisade
Contre l’ennemi franc-maçon ! »

Refrain

Gloire à Jeanne ! gloire ! (bis)
Par Dieu, la victoire
Est aux nobles cœurs.
Élevons nos cœurs !
Nous serons vainqueurs !
Gloire à Jeanne ! gloire ! (bis)

2.

Noms de Jésus et de Marie,
Par vous, nous serons les vainqueurs.
L’infernale maçonnerie
A mis le comble à nos malheurs ;
Hardi ! car voilà trop d’outrages !
De Jeanne écoutons la leçon.
Hardi ! réveillons nos courages ;
L’ennemi, c’est le franc-maçon !

3

Des sombres hordes maçonniques
Sachons déjouer les complots.
Pour Dieu, marchons, francs catholiques,
Contre Satan et ses suppôts !
L’espoir est rentré dans nos âmes ;
Point ne faut subir la rançon.
Jeanne a parlé : sus aux infâmes !
L’ennemi, c’est le franc-maçon !

(Cliquez ici pour entendre ce 3e couplet)

4.

L’ennemi, dans son noir repaire,
Se dit maître de notre sort.
Ô Jeanne d’Arc, en cette guerre,
L’enjeu, c’est la vie ou la mort.
Bataille ! et suivons ton exemple,
Ou lentement nous périssons.
De Satan détruisons le temple !
Dieu le veut ! Plus de franc-maçons ! 

L'Hymne à Jeanne d'Arc, composé censément par Miss Diana, paroles et musique, a été exécuté aux fêtes antimaçonniques du Comité romain ; cette musique, devenue presque une musique sacrée, on l'a entendue en grande solennité dans les basiliques de la Ville Sainte. C'est l'air de la Seringue Philharmonique, gaudriole musicale qu'un compositeur de mes amis, chef d'orchestre du Sultan Abdul-Aziz, composa pour les divertissements du sérail.

(extrait du discours prononcé par Léo Taxil à la Société de Géographie le 19 avril 1897)

Après le dévoilement de la supercherie, il y eut, selon Henry-Charles Lea en 1901, pourtant encore quelques personnes, d'une crédulité tenace, qui refusaient de croire à l'irréalité de Diana, qui insinuaient sous le manteau que Taxil s'était débarrassé d'elle ou l'avait vendue pour une somme énorme aux Palladistes ; mais ceux-là même finirent par se taire.

Hé non ! Ils ne se sont pas tous tus ! En 2002 encore, paraissait l'ouvrage L'affaire Diana Vaughan - Léo Taxil au scanner, qui se présente comme l'oeuvre d’un collectif de chercheurs indépendants, membres de l’Observatoire de la Haute-Maçonnerie (sic) et où, selon Wikipedia, un ou plusieurs auteur(s) anonyme(s) renoue(nt) avec ces thèses antimaçonniques (défendues par « une poignée d'irréductibles dont nous sommes les héritiers », dixit) en affirmant que c'est l'« aveu » de Léo Taxil du 19 avril 1897 qui est faux et que le Palladisme tout comme Diana Vaughan auraient bien existé.

Et, si ahurissant que cela puisse paraître, il se trouve encore des sites bien-pensants pour continuer à diffuser pieusement cet hymne, si symptomatique des délires antimaçonniques entretenus à l'époque par le clergé, sans considération du fait que son caractère de canular est établi depuis plus d'un siècle !

           

Voir ici (sur le blog) encore plus de détails sur cette question.

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