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COUPLETS.
Air : Bon, bon, bon, que le vin est
bon.
NI des neuf Sœurs, ni d'Apollon,
Je ne suis point le nourrisson,
Comme étoient les Voltaires ;
Aussi pour faire une chanson,
Que la rime soit juste ou non,
Je ne m'en pique guère.
N'aurai-je pas toujours raison,
Quand je chanterois d'un faux ton',
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand je bois à mes Frères.
A Noé, de qui nous tenons
De notre art les sages leçons,
Rendons grâces plénières ;
Du plus grand de tous les secrets.
Cet illustre & savant Profès,
Nous fit dépositaires ;
Sans ce jus qu'il sut inventer,
Pourrions-nous aujourd'hui chanter,
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand on boit à ses Frères.
Ne croyez pas qu'à Sal[omon]
De sage, on ait donné le nom,
Pour ses vertus austères :
Il n'eut point acquis ce surnom,
S'il n'eut encor en bon M[açon],
pratiqué nos mys[tères] :
Malgré l'éclat de sa grandeur,
Il aimoit à chanter en chœur,
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand on boit à ses Frères.
De la fortune les faveurs,
Les rangs, les titres, les honneurs,
Ne sont que des chimères ;
A table, voyez tous les grands
Environnés de courtisans
Tous vils & mercenaires :
Ils n'ont point le plaisir si doux,
De chanter gaiement comme nous,
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand on boit à ses Frères.
Nargué de tous les beaux esprits
On ne trouve dans leurs écrits
Que bluettes légères ;
De bâiller en les écoutant
De s'endormir en les lisant,
Se sont lots ordinaires.
Pour moi, j’aime mieux chanter bonnement,
Vous chanter cordialement
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand je bois à mes Frères.
En vain le vulg[aire] ignorant,
Chercherait d'un oeil dévorant,
A percer nos mys[tères] ;
Quand il sauroit tous nos sec[rets],
Pourroit-il comprendre jamais,
Et d’aucunes manières,
Quel doux plaisirs nous ressentons,
Quand tous ensemble nous chantons
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Lorsqu'on boit à ses Frères.
Sexe charmant, fait pour l'amour,
D'être banni de ce séjour,
Ne prenez point d'alarmes ;
Tout bon M[açon], au fond du cœur,
En secret met tout son bonheur
A vous rendre les armes ;
Mais de sa raison trop jaloux,
Il craint de chanter devant vous,
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand on boit à vos charmes.
A la santé de notre Chef,
Qui conduit si bien cette nef,
Dont il est la lum[ière]
Avec lui l'on peut sans danger,
D'un pole à l'autre voyager,
Tant par mer que par terre.
Pour lui prouver tout notre amour,
Répétons ici tour-à-tour,
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand on boit à ses Frères.
Si quelqu'événement fâcheux,
Allait un jour priver mes yeux
Des célestes lumières ;
Ah ! d'un malheur aussi cuisant ,
Je supporterois constamment,
Les angoisses amères,
Pourvu qu'il me restât la voix,
Pour pouvoir chanter quelquefois,
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand je bois à mes Frères.
Que d'ambitieux Potentats,
Se livrent de sanglants combats
Sur les deux hémisphères ;
Que portant par-tout la terreur
Ils dévastent dans leur fureur
Des Provinces entières :
Que nous font leurs divisions,
Lorsqu'en paix ici nous chantons,
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand on boit à ses Frères.
En nous joignant tous
m[a]in en m[a]in,
Que ce soit le signe certain
Que ces nœuds sont sincères ;
Ah! qu'il doit nous paroître doux
De nous voir ainsi liés tous
Par des chaînes si chères :
Non, jamais rien ne les rompra.
Tant qu’entre nous on chantera
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand on boit à ses Frères.
Je sens combien je
risquerois
De voir critiquer ces couplets,
Si vous étiez sévères ;
Pardonnez à l'intention,
Si j'ai passé d'une chanson
Les bornes ordinaires ;
Je me suis laissé transporter
Par le plaisir de répéter,
Bon, bon, bon,
Que le vin est bon,
Quand je bois à mes Frères.
Par le Très
Cher Frère Quillau l'aîné, chargé du cabinet
littéraire, Membre de la
Respectable Loge du Zèle, à l'Orient de Paris. |