Cantique d'Installation (Orléans 1778)

Nous avons trouvé ce cantique aux pp. 38-41 d'un ouvrage anti-maçonnique fort bien documenté, l'Essai historique sur les francs-maçons d'Orléans (1740-1886) publié en 1886 à Orléans.

Il fut chanté lors de la séance d'installation avec une nouvelle constitution, le 27 juillet 1778, de la loge de l'Union Parfaite, succédant à celle de la Parfaite Union (anciennement l'Union), qui avait été fusionnée en 1774 avec Jeanne d'Arc (fondée en 1760 et reconstituée en 1774 par le Grand Orient) sous le nom de Jeanne d'Arc de la Parfaite Union et qui reprenait donc ainsi son autonomie.

L'auteur n'est pas mentionné par Cochard, mais selon cet article (cfr p. 431) il s'agit du Vénérable, le Frère Isnard Laurent. Celui-ci était, selon une fiche Bossu, directeur des vingtièmes.

Le cantique se compose de trois parties, chacune de 3 couplets. La première s'adresse aux Apprentis et la deuxième aux Compagnons et Maîtres. Avant de saluer dans son dernier couplet l'objet de la cérémonie (i. e. l'inauguration), la troisième partie donne à penser que la loge souhaite pouvoir s'adjoindre bientôt une loge d'adoption ; elle écarte pour cela comme non valable l'argument classiquement opposé à la présence féminine, la prétendue indiscrétion. 

Comme le fait malignement remarquer le très latomophobe Cochard, ce souhait allait effectivement s'accomplir en 1781.
 


  


    

CANTIQUE

Air : Que deviendrait le monde ?

 

I

 

Vous qui n'étiez qu'une poussière,
Vil jouet d'un être créant,
Ouvrez votre œil à la lumière -
Qui vous a tirés du néant :
Rendez grâce à votre planète,
Bénissez, Mortels fortunés, 
Le moment où vous êtes nés
Pour l'Union-Parfaite.

L’honneur et la délicatesse
Doivent régler vos actions ;
Par la force et par la sagesse
Triomphez de vos passions :
Par une existence complète,
Vers l'Orient portez vos pas,
Entre l’équerre et le compas
De l'Union-Parfaite.

A vos devoirs toujours fidèle,
Soyez attentif à la voix
D’un Maître, votre heureux modèle
Novice, méritez son choix :
Recevez, près d'une colonne
Du Temple où se plait 1'Eternel,
Selon votre vœu solennel,
Les ordres qu'il vous donne.

 

II

 

Plus avancé dans la carrière
Pour vous, utile compagnon,
Brille au loin la vive lumière,
Fanal chéri du vrai maçon :
Dans le bien, la persévérance,
Multipliant tous vos progrès,
Nous verrons bientôt le succès
Passer notre espérance.

En pénétrant au sanctuaire,
Maître éprouvé par la ferveur,
Vous avez un grand ministère,
Le secret est dans votre cœur ;
Il le révèle, on le répète,
Selon le temps ou le besoin ;
Et la clef le garde avec soin
Par l'Union-Parfaite.

La nature a plié ses voiles ;
Admirons, sous l'or et l’azur,
Un dais céleste orné d'étoiles :
Ce lieu du Temple est le plus pur ;
Là, des lois le sage interprète
Siège en un trône, où son aspect
Inspire zèle, amour, respect
Pour l’Union-Parfaite

 

III

 

Mais ces lois semblent trop austères
A l’autel saint de l’amitié ;
Vous écartez de vos mystères
Des Humains la belle moitié ;
Plus que nous, sa bouche est discrète,
Fixez pour exemple un seul point :
Ce sexe est digne d'être adjoint
A l'Union-Parfaite

La force est de notre apanage ;
Mais beauté, sagesse, talents,
Sexe aimable, c'est ton partage,
Tu réunis mille agréments ;
Au sein d’une sombre retraite,
Tu sais charmer les doux loisirs
Associés à. ses plaisirs :
C’est l'Union-Parfaite

Dans un saint respect l'oeil contemple
Les symboles, les ornements
Qui distinguent ce nouveau Temple,
Et signalent ses monuments ;
L’inauguration est faite,
Mes frères, vous êtes contents :
Règne jusqu’en la nuit des temps
Cette Union-Parfaite !

 

 

L'air

Que deviendrait le monde est aussi le titre (et le dernier vers de chaque couplet) d'une chanson d'incipit Suivons l'amour et la folie (sur l'air, que nous n'avons pas trouvé, Ma femme le sait) qui figure dans un recueil de Louis-Ange Pitou (1767-1846) avec la mention d'auteur anonyme qui permet de penser qu'elle peut être antérieure aux premières chansons (1795) de Pitou lui-même. En voici le premier couplet (de même métrique F8-M8-F8-M8-F8-M8-M8-F6) :

Suivons l'amour et la folie 
Pour goûter un plaisir charmant ; 
L'amour est l'âme de la vie, 
La folie en fait l'agrément : 
La raison jalouse en vain gronde, 
Fermons l'oreille à ses discours, 
Sans la folie et les amours, 
Que deviendrait le monde

Dans un recueil daté de 1753, on trouve ici (pour quelques couplets très légèrement différents) cette partition :

Par ailleurs, Suivons l'amour et la folie est (avec les mêmes 4 premiers vers) un air de l'opéra-ballet (1736) de Joseph Bodin de Boismortier, Les voyages de l'amour. Et l'on peut constater la parenté entre la partition ci-dessus et l'extrait ci-dessous ...

... provenant de l'air : 

    

On trouve ici une utilisation de l'air Que deviendrait le monde en 1785 pour une chanson (pleine de sagesse) intitulée Ma philosophie.

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