Cantique pour la réception de Belliard

Cliquez ici pour entendre un fichier mp3 de la partition de la Clé du Caveau pour l'air Eh ! gai, gai, gai, mon officie (remerciements à Daniel Bourgeois, auteur du fichier Musescore utilisé)

Lartigue écrit en 1893, dans son Précis historique de la Loge bruxelloise des Amis Philanthropes (p. 46), qu'Augustin-Daniel Belliard fut, dans cette Loge, initié en 1802, à 33 ans, comme général de division.

Augustin-Daniel Belliard (1769-1832) venait en effet, en fin de cette année-là, d'arriver à Bruxelles, dont il avait été nommé, à son retour d'Egypte (qu'il avait quittée le 9 août), au commandement de la 24e division militaire, poste qu'il occupa jusqu'en 1804. 

Il y gagna rapidement la confiance et l'estime de la population. Il n'est donc pas surprenant qu'il ait été bientôt reçu dans l'une des deux plus prestigieuses Loges de la ville, récemment créée à partir d'une Loge militaire mais déjà très prospère ; on sait d'ailleurs que la plupart des principaux cadres de l'armée napoléonienne faisaient partie de la franc-maçonnerie ; l'appartenance maçonnique du général Belliard n'est cependant pas mentionnée, à notre connaissance, dans les listes récentes de généraux maçons ; le fait qu'il ne soit pas mentionné dans l'ouvrage de Pierre Mollier et Pierre-François Pinaud, L'état-major maçonnique de Napoléon (Ed. A L'Orient, septembre 2009) indique en tout cas qu'il n'exerça pas de fonction au Grand Orient ; il faut bien dire que nous n'avons pas encore trouvé de mention d'une activité maçonnique de Belliard postérieure à cette réception. Au Tableau des Amis Philanthropes pour 1803, il figure comme Maître Ecossais et à celui de 1807 parmi les membres honoraires.

L'événement a été immortalisé par le chansonnier : ce Cantique à la réception (NDLR : à l'époque, on parlait de réception plutôt que d'initiation) du général Béliard (NDLR : erreur d'orthographe pour Belliard), à son retour d'Égypte, figure aux pp. 163-4 (reproduites ci-dessous) de Mon portefeuille de Legret et est une des deux chansons qui figurent à ce dernier recueil sans avoir préalablement figuré au Troubadour franc-maçon du même auteur. 

Il donne l'image, conforme au style du temps, d'une maçonnerie plus orientée vers la gaîté festive que vers la philosophie, tout en s'affirmant comme philanthropique.

 

                         

Cantique 

A LA RÉCEPTION DU GÉNÉRAL BÉLIARD,

A SON RETOUR D'Égypte.

 

Air: Gué, gué, gué, mon officier.

Eh ! gué , gué , gué, mon officier,
La carrière est ouverte,
Comme maçon, comme guerrier,
Cueillez double laurier.

Ici l'on vous défie
D'être moins généreux,
Ici l'on vous convie
A faire des heureux.
Eh ! gué, gué, etc.

 

Air : De la clef forée.

Il est peu de société
Qui puisse balancer la nôtre ;
Dans l'une on fronde en liberté
Ce que l'on approuve dans l'autre.
Chez les maçons, malgré le temps,
Tout est toujours en harmonie,
Les vertus, les arts, les talents, 
Pour eux marchent de compagnie. 
Eh ! gué, gué, etc.

Nos ennemis, c'est nos défauts, 
Nos vrais amis, ce sont nos frères ;
Pour les uns soyons des héros,
Pour les autres vuidons nos verres.
Aux malheureux tendons la main,
Au beau sexe cherchons à plaire :
En loge, au boudoir, au festin,
Soyons toujours prêts à bien faire. 
Eh ! gué, gué, etc.

Après l'indépendance de la Belgique, en 1830, Belliard fut désigné par Louis-Philippe comme son ambassadeur dans le nouvel Etat, où il n'avait laissé que de bons souvenirs. Comme l'écrit un biographe,

Les souvenirs honorables que le général avait laissés en Belgique lorsque, trente ans auparavant, il avait été gouverneur de la vingtquatrième division militaire, son caractère bien connu de loyauté et d'énergie, surtout la déclaration qu'il fit hautement que la France ne souffrirait à aucun prix la restauration en Belgique, firent renaître l'espoir dans le cœur des patriotes et les rallièrent autour de lui. Leur confiance ne fut point trompée : il fit tout pour triompher des lenteurs et des préventions de la diplomatie, et rendre la Belgique ce qu'elle devait être, forte et puissante, parce qu'il savait bien que la France ne pouvait que gagner au voisinage d'un état libre ainsi constitué.

Il joua notamment un rôle déterminant en août 1831 lors de la tentative - bloquée par l'intervention française - de reconquête du pays par les Pays-Bas :

Dans cette circonstance comme toujours, le général Belliard ne perd pas un instant ; il appelle les troupes françaises qui accourent en poste, et avant leur arrivée il monte à cheval, se porte à Louvain, sauve Bruxelles, et, en arrêtant l'ennemi, rend à la Belgique son indépendance et à Léopold le trône où il venait à peine de monter. 

On peut lire ici et ici les Mémoires de Belliard.

 

Belliard 

La statue de Belliard (ci-contre) par Guillaume Geefs se trouve Rue Royale à Bruxelles, au-dessus du Palais des Beaux-Arts et en face du Parc de Bruxelles, à proximité de l'endroit où il fut foudroyé en 1832 par une crise d'apoplexie à la sortie d'un entretien avec Léopold Ier. Elle se trouve dans la prolongation imaginaire de l'axe de la rue Belliard (une des principales artères de la ville).
L'Histoire numismatique de la révolution Belge mentionne en 1832 ce médaillon en hommage à Belliard, dont elle donne une biographie.

Le même ouvrage mentionne aussi en 1838 cette médaille (n° 264) frappée à l'occasion de l'inauguration de la statue ci-contre.

On peut lire à cette page qu'au moment de son décès le général-comte Belliard (qui était depuis 1821 membre du Suprême Conseil) était en France Vénérable d'honneur de la Grande Loge

Voir ici sur l'air Gué, gué, gué, mon officier.

Nous n'avons pu identifier l'air De la clef forée, même si nous savons que La clef forée est une comédie de Jacquelin (1799). 

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