La Parfaite Réunion

Ce cantique de Rougemont provient (pp. 19-20) du recueil Cantiques de quelques Frères de la Respectable Loge de la Parfaite Réunion.

Comme il est fréquent à l'époque (et notamment dans un cantique de Rizaucourt pour la même Loge), le nom de la Loge (constituant ici le titre de la chanson et mis en italiques dans son texte) est également utilisé dans son sens ordinaire.

Les voies de la concorde

Le 2e couplet nous semble mériter un commentaire :

Je hais le temple où chacun lutte 
D'esprit, de poumons, de talent ; 
Où tout le monde se dispute 
Mais où personne ne s'entend.
Je hais le temple où l'on s'efforce 
De différer d'opinion : 
Mes frères, qui fait notre force ? 
La Parfaite Réunion.

L'allusion à des Temples où ne régnerait pas la concorde fait penser à la satire de Delorme (membre de la même Loge), Les faux maçons. Et effectivement la lutte d'esprit, de poumons, de talent évoque les effets de manche oratoires qui pourraient transformer la Loge en prétoire.

Par contre, le reproche au fait que l'on s'efforce de différer d'opinion soulève une question importante. Dès le XVIIIe on voit en effet s'opposer deux conceptions antinomiques de la discussion en Loge.

Selon l'une, l'harmonie ne peut naître que d'un parfait accord (ce sera d'ailleurs un nom de Loge fort prisé) sur les idées entre tous les membres, et toute voix dissonante serait considérée comme un manquement à la Fraternité : c'est ce qu'exprime par exemple le conseil Soyons toujours d'un seul et même avis exprimé et commenté ici.

Mais à suivre un tel conseil, on finirait par ne rassembler que ce qui se ressemble plutôt que ce qui est épars. D'autres penseront dès lors plutôt que c'est du choc des idées que jaillit la Lumière, et que la force du Rituel est précisément de permettre d'opposer les idées sans opposer les personnes.

Cette idée est déjà exprimée au XVIIIe par le couplet 7 de cette chanson de la Lire :

S'il ouvre quelque sentiment,
Il le propose :
Qui le combat d'un ton décent,
Ne l'indispose ;
Ami de la sincérité,
Quoique l'on dise,
Vouloir entendre, être écouté,
C'est sa devise.

Une telle conception, plus ambitieuse et plus enrichissante (mais, c'est le revers de la médaille, forcément plus exigeante et donc plus risquée), est plus proche de la pratique actuellement majoritaire.

Le dernier couplet vise l'Angleterre, évidemment considérée comme le fauteur de guerre, et fait de l'harmonie maçonnique le modèle de l'harmonie universelle tant souhaitée.

Voir ici sur l'air de Joseph.


      
La Parfaite Réunion

 

Air de de Joseph

 

Sur nos travaux, sur nos mystères 
Cherchant toujours à m'éclairer, 
Partout où s'assemblent des frères 
Moi, je brûle de pénétrer.
Mais fuyant le Temple où j'éprouve 
Discorde, intrigue, ambition ;
Je ne m'arrête qu'où je trouve 
La parfaite Réunion.

 

Je hais le temple où chacun lutte 
D'esprit, de poumons, de talent, 
Où tout le monde se dispute 
Mais où personne ne s'entend.
Je hais le temple où l'on s'efforce 
De différer d'opinion : 
Mes Frères, qui fait notre force ? 
La parfaite Réunion.

 

Douce Paix ! fille du courage, 
Daigne exaucer nos plus doux vœux ;
Que l'olivier sous son ombrage
Rassemble les peuples heureux ! 
Eteins les torches de la guerre ; 
Et malgré les soins d'Albion 
Fais enfin régner sur la terre 
La parfaite Réunion.

 

                     Le Frère Rougemont

On trouve également ce cantique (très légèrement modifié) aux pp. 74-5 de la Lyre maçonnique de 1812, avec la mention d'air J'aime ce mot de gentillesse (cet air est donné par la Clé du Caveau sous le n° 245) :


 

      

CANTIQUE

 

chanté à la Loge de la Parfaite Réunion, à l'Orient de Paris.

 

Air : J'aime ce mot de gentillesse.

Sur nos travaux et nos mystères 
Cherchant toujours à m'éclairer, 
Partout où s'assemblent des Frères 
Moi je brûle de pénétrer ; 
Mais, fuyant le Temple où j'éprouve 
Discorde, intrigue, ambition, 
Je ne m'arrête qu'où je trouve 
La Parfaite Réunion. 

Je hais le Temple où chacun lutte 
D'esprit, de force, de talent, 
Où tout le monde se dispute, 
Mais où personne ne s'entend ; 
Je hais le Temple où l'on s'efforce 
De différer d'opinion : 
Mes Frères, qui fait notre force ? 
La Parfaite Réunion.

Douce Paix, fille du courage, 
Daigne exaucer nos plus doux vœux ! 
Que l'olivier sous son ombrage
Rassemble les peuples heureux ; 
Eteins les torches de la guerre, 
Et, malgré les soins d'Albion, 
Fais enfin régner sur la terre 
La Parfaite Réunion.

                     Par le Frère DE ROUGEMONT

On la retrouvera encore dans la Lyre des Francs-maçons de 1830 (pp. 273-4), avec la même mention d'air.

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