Norma Morum

Dans sa contribution intitulée Cantiques maçonniques russes en langue française, parue dans le très riche n° 24, intitulé La franc-maçonnerie et la culture russe, de la revue Slavica Occitania, Jean Breuillard mentionne deux chorals maçonniques qui existent en version latine, russe et française et qui ont été publiés par la maçonologue russe Tira Sokolovskaja dans Russkij Arxiv [Archives russes], 1905, 10, pp. 285-288. (Département des manuscrits de la Bibliothèque d'État de Russie). 

Il n'en précise pas la date, mais les autres textes qu'il reproduit datent du début du XIXe.

La présente page concerne le premier, à propos duquel Breuillard précise :

T. Sokolovskaja dit du premier choral qu'il « contient toute l'éthique maçonnique ». Le premier couplet est en français, le second, plus long et moins élégant, est manifestement la traduction russe du premier. Nous le retraduisons à notre tour en français pour le lecteur non russisant. 

On trouvera ci-dessous (en colonne de gauche) :

Il est manifeste à nos yeux que ce cantique  - et c'est ce qui fait son intérêt - est directement inspiré, pour ses deux couplets, respectivement du célèbre Norma Morum et de son adaptation française par Gobin, deux textes qui figurent ensemble dans de nombreux recueils maçonniques du XVIIIe, et tout d'abord dans celui de Naudot en ses pages 3 et 4 ; nous les avons reportés dans la colonne de droite.

Texte des Archives russes

Texte chez Naudot

1er couplet

Franc-maçon, connais-toi, mets ton espoir en Dieu, 
Prie, évite l'éclat, contente-toi de peu, 
Écoute sans parler, sois discret, fuis les traîtres, 
Supporte ton égal, sois docile à tes maîtres, 
Toujours actif et doux, humble, prêt à souffrir, 
Apprens l'art de bien vivre, et celui de mourir. 

NORMA MORUM.

Fide Deo, diffide tibi, fac propria castas,
Funde preces, paucis utere, magna fuge,
Multa audi, dic pauca, tace abdita, disce minori,
Parcere, majori cedere, ferre parem,
Tolle moras, minare nihil ; contemne superbos
Fer mala, disce Deo vivere, disce mori.

ci-contre : le texte ci-dessus figure d'ailleurs identiquement sous le texte latin, avec le titre Moeurs des francs-maçons - traduction en autant de vers à la p. 60 du recueil de textes de Dubois de 1773, la Muse maçonne.

On le trouve également à la p. 111 du Maçon démasqué.

NB : Une traduction légèrement différente figure à la p. 197 du recueil d'Orcel, sous le titre morale maçonnique.

second couplet

traduction française 

Dans le Seul Créateur tu peux être confiant, 
Mais sur tes propres forces compter tu ne dois. 
Prie le Dieu Tout-Puissant, toi-même connais-toi, 
Ne désire que peu, et sache être content. 
Écoute sans parler, et attentivement, 
Et apprends à celer le mystère en ton cœur. 
Aie pitié des petits, sans t'opposer aux grands, 
Supporte ton égal, accepte le malheur, 
Sans paresse ni hâte, et jamais dédaigneux, 
Apprends comment tu dois vivre et mourir pour Dieu.

[MŒURS DES FRANCS-MAÇONS]
Traduction en vers, par M. GOBIN.

Ne point présumer de soi-même,
S’appuyer sur l’Être suprême,
Ne former que d’utiles vœux,
Se contenter du nécessaire,
Ne se mêler que d’une affaire,
C’est le sûr moyen d’être heureux.
Les grands emplois sont dangereux :
Ne point révéler de mystère,
Tout entendre, mais peu parler,
Sentir son avantage, et ne point accabler
Celui sur qui nous avons la victoire,
Savoir céder aux grands, supporter ses égaux,
Mépriser l’orgueilleux, fût-il couvert de gloire,
Ne s’étonner de rien, soutenir tous les maux,
Quoique l’adversité nous blesse,
Sans nous troubler et sans ennui,
Bannir tout genre de paresse ;
Et pour le dire enfin, la plus haute sagesse,
Est en vivant pour Dieu, de mourir avec lui.

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