|
NORMA MORUM.
Fide Deo, diffide tibi, fac propria castas,
Funde preces, paucis utere, magna fuge,
Multa audi, dic pauca, tace abdita, disce minori,
Parcere, majori cedere, ferre parem,
Tolle moras, minare nihil ; contemne superbos
Fer mala, disce Deo vivere, disce mori.
[MŒURS DES FRANCS-MAÇONS]
Traduction en vers, par M. GOBIN.
Ne point présumer de soi-même,
S’appuyer sur l’Être suprême,
Ne former que d’utiles vœux,
Se contenter du nécessaire,
Ne se mêler que d’une affaire,
C’est le sûr moyen d’être heureux.
Les grands emplois sont dangereux :
Ne point révéler de mystère,
Tout entendre, mais peu parler,
Sentir son avantage, et ne point accabler
Celui sur qui nous avons la victoire,
Savoir céder aux grands, supporter ses égaux,
Mépriser l’orgueilleux, fût-il couvert de gloire, |
Remarque :
les vers (ci-contre)
Quoi qu’aux yeux du public nos plaisirs soient secrets,
Les francs maçons n’ont point à craindre
Ni les remords ni les regrets.
Le but où tendent nos desseins,
Est de faire revivre Astrée,
Et de remettre les humains
Comme ils étaient du temps de Rhée.
sont cités
(p. 14)
par le supplément
de 1754 à un ouvrage
anti-maçonnique de 1752, Les Vrais jugemens sur la société des francs-maçons,
comme un scandaleux témoignage de l'incrédulité des maçons.
|
Ne s’étonner de rien, soutenir tous les maux,
Quoique l’adversité nous blesse,
Sans nous troubler et sans ennui,
Bannir tout genre de paresse ;
Et pour le dire enfin, la plus haute sagesse,
Est en vivant pour Dieu, de mourir avec lui.
NB : il
existe aussi pour ce texte latin des traductions
plus synthétiques que celle de Gobin.
Apologie
Des Francs-maçons
Par le
Frère Procope, Médecin
Et Franc-maçon.
Quoi ! mes
Frères, souffrirons-nous (*)
Que notre auguste compagnie
Soit sans cesse exposée aux coups
De la plus noire calomnie ?
Non, c’est trop endurer d’injurieux soupçons.
Souffrez qu’à tous ici ma voix se fasse entendre ;
Permettez-moi de leur apprendre
Ce que c’est que les Francs-maçons.
(*)
les édiitions ultérieures portent en général souffrirez-vous
Les Gens de notre ordre toujours
Gagnent à se faire connaître.
Et je prétends par mes discours
Inspirer le désir d’en être.
Qu’est-ce qu’un Franc-maçon ? En voici le portrait.
C’est un bon Citoyen, un Sujet plein de zèle
A son Prince, à l’Etat fidèle,
Et de plus, un ami parfait.
Chez nous règne une liberté
Toujours soumise à la décence.
Nous y goûtons la volupté ;
Mais sans que le Ciel s’en offense.
Quoi qu’aux yeux du public nos plaisirs soient secrets,
Aux plus austères lois l’ordre sait nous astreindre ;
Et les francs maçons n’ont à craindre
Ni les remords, ni les regrets.
Le but où tendent nos desseins,
Est de faire revivre Astrée,
Et de remettre les humains
Comme ils étaient du temps de Rhée.
Nous suivons aujourd'hui des sentiers peu battus ;
Nous cherchons à bâtir ; & tous nos édifices
Sont, ou des prisons pour les vices,
Ou des temples pour les vertus.
Je veux avant que de finir,
Nous disculper auprès des Belles,
Qui pensent devoir nous punir
Du refus que nous faisons d’elles.
Il leur est défendu d’entrer dans nos maisons,
Cet ordre ne doit pas attirer leur colère :
Elles nous en loueront, j’espère,
Quand elles sauront nos raisons. [suite] |
|
Beau sexe, nous avons pour vous,
Et du respect, et de l’estime ;
Mais aussi nous vous craignons tous,
Et notre crainte est légitime ;
Hélas ! on nous apprend pour première leçon,
Que ce fut de vos mains qu’Adam reçut la pomme :
Et que sans vos attraits tout Homme
Naîtrait peut-être Franc-maçon.
NB : il
existe une version chantée de ce texte
|
PROCOPE
NDLR : voici
ce que, dans le Tome II
de son Précis
historique de l'ordre de la franc-maçonnerie, Bésuchet
écrit (pp. 236-8)
de Procope (1684-1753), l'auteur de cette Apologie :
|
PROCOPE (Michel-Coltelli), médecin, fils de François Procope, noble de Palerme, qui le premier établit à Paris un café
(ndlr : qui existe toujours, voir ci-contre), devenu célèbre par la réunion qu'on y voyait habituellement des premiers littérateurs de l'époque, naquit à Paris en 1684, et fit des études pour être prêtre ; mais bientôt il montra un penchant décidé pour la médecine, et fut reçu docteur en 1708. Un riche mariage le mit dans la position qui convenait à ses goûts : l'abondance, la société, le plaisir et le doux
farniente du poète. On vit Procope plus souvent dans les assemblées et au spectacle que dans les hôpitaux et au chevet du lit de ses malades.
|
|
Il essaya même son talent pour les jeux du théâtre, en faisant représenter à Londres, en 1719, une comédie en cinq actes et en prose, intitulée
Arlequin balourd, et à Paris, en 1724, une comédie en un acte sous le titre de
l'Assemblée des comédiens ; en 1786, avec Romagnesi, les Fées ; en 1741, avec Lagrange,
la Gageure ; en 1743, avec Guyot de Merville, les deux Basiles, le
Roman. A ces essais, dont la renommée ne lui a point survécu, paraissent s'être arrêtées ses prétentions au titre d'auteur dramatique.
Il a donné, dans les recueils du temps, différentes pièces de poésie qui ont été remarquées. Procope, médecin, a publié : 1°
Analyse du système de la
trituration, 1712, in-12 ; 2° Lettre sur la maladie du roi
à Metz, 1744, in-8°, critique dirigée contre La Peyronie, médecin du
monarque ; 3° l'Art de faire des garçons, Montpellier, 1748, Paris (sans date), 2 vol. in-12. Dans cet ouvrage piquant et bien écrit, il examine les différents systèmes de la génération ; le moyen qu'indique en badinant le docteur Procope, a été pris au sérieux par un grave accoucheur, Millot, accoucheur de Mesdames, qui a publié sur ce sujet
l'Art de procréer les sexes à volonté. Procope a fait rire tout le monde : Millot a fait un peu rire à ses dépens. La
Procopiade ou l'Apothéose du Docteur Procope est un poème comique en six chants, publié par Giraud. Ce médecin-poète et auteur dramatique a été un des plus zélés et des plus aimables francs-maçons. Son
Apologie des francs-maçons en vers est un opuscule aussi bien inspiré que bien
fait ; on le trouve dans tous les recueils maçonniques.
Dans
LA
FRANC-MACONNERIE EN FRANCE DES ORIGINES A 1815,
Bord lui consacre (pp. 303-7) un long article, dont nous avons extrait ces
quelques détails complémentaires :
Comme beaucoup de commerçants parisiens, François avait destiné un de ses fils à l'état ecclésiastique. Michel avait, dès l'âge le plus tendre, montré des dispositions singulières et un aplomb remarquable : à l'âge de neuf ans, il prêchait dans l'église des Cordeliers un sermon en grec, composé par lui. Son zèle religieux devait bientôt se refroidir ; après avoir reçu les ordres mineurs, il renonça à soigner les âmes pour se vouer au soin des corps. En 1708, il était reçu docteur médecin. Singulier médecin du reste ; agité, jamais à la même place, on le trouvait plus souvent au café fraternel, dont il était un des attraits, dans les loges de
francs-maçons ou au spectacle que dans son cabinet de consultations. A plusieurs reprises il quittait Paris, pour aller on ne sait où ; se mariant authentiquement deux fois, sans compter une certaine Anglaise fort riche, qui passe pour avoir été sa femme, sans qu'on puisse trouver la trace de cette union.
En 1741, il était professeur de pathologie, en 1747, professeur de chirurgie française et, en 1752, bibliothécaire et régent de la Faculté.
Son intarissable gaîté et sa passion pour les spectacles, dont il jugeait finement les pièces nouvelles, ses fréquentes relations avec les acteurs auxquels il donnait de bons conseils, et avec les actrices auxquelles il en donnait de mauvais, incitèrent Procope à se lancer dans la carrière d'auteur dramatique, où il obtint quelques succès, avec
Arlequin balourd joué à Londres en 1719, l'Assemblée des Comédiens, les Fées,
Pygmalion, la Gageure et Les deux Basiles.
La colonne funèbre (oraison funèbre) de Michel Procope fut prononcée par le
frère Claude-Martin Giraud en 1754, sous le titre de la Procopade ou Apothéose du docteur Procope, poème en six chants, publié à Londres en 1754.
(NDLR : d'après ce que dit Grimm
dans sa Correspondance littéraire,
où il qualifie cet ouvrage de burlesque, nous doutons qu'il s'agisse
bien d'une oraison funèbre maçonnique)
Procope était membre de la
Loge de Saint-Jean de la Discrétion à l'Orient de Paris. Les ouvrages contemporains du fameux docteur parlent de son zèle maçonnique, et je ne serais pas étonné que le célèbre café de la rue des Fossés-Saint-Germain ait souvent servi de loge. Procope est presque le seul maçon de cette époque dont le nom soit resté populaire.
Ainsi que nous l'avons dit, Michel Procope était un maçon gai, et cependant précurseur du Neveu de Rameau ; frère peu terrible, il ne dut pas prendre la maçonnerie plus au sérieux que la médecine ou le mariage.
|
|
On
lira aussi avec intérêt l'appendice I, Le Dr Procope et son Apologie des
Francs-Maçons, aux pp. 79-81 du texte
d'Amiable (1894), La franc-maçonnerie et
la magistrature en France à la veille de la Révolution.
Comme
les autres textes non chantés de la présente page, l'Apologie de
Procope se retrouvera dans un grand nombre de chansonniers du
XVIIIe, particulièrement ceux que nous avons appelés les Recueils
de Jérusalem.
Il
est à remarquer qu'au siècle suivant elle réapparaît (pp.
111-3), avec quelques modifications de forme, au Banquet maçonnique de Gentil en 1820 avec la mention
Air connu et une attribution à feu Grécourt.
|
|
|
|
QUATRAIN
Par Frère RICAUT.
Pour le public un
Franc-maçon
Sera toujours un vrai problème,
Qu’il ne saurait résoudre à fond,
Qu’en devenant Maçon lui-même.
Pour
expliquer que, grâce aux révélations contenues dans sa divulgation
intitulée Nouveau
catéchisme des francs-maçons, tout profane pourrait facilement
se faire passer pour maçon, Travenol a parodié
ce célèbre quatrain de la manière suivante :
Pour le Public un Franc-Maçon,
N'est plus à présent un problème.
Il pourra le résoudre à fond,
Sans devenir Maçon lui-même. |
|
|
LES
FRANCS-MAçons
Songe
Illustre Franc-maçon, dont le cœur trop discret
Refuse à l'amitié le tribut d'un secret,
Apprends que j'ai percé les ombres du mystère.
Ecoute le récit d'un songe qui m'éclaire.
Avant que le Dieu du repos
Répandît sur mes yeux ses humides pavots.
Frappé de la brillante image
De ces siècles heureux soustraits à l'esclavage
De la frivole vanité,
Je regrettais ces jours où l'Homme vraiment sage,
Et peu jaloux d'une vaine splendeur,
Pour la seule vertu décidait la grandeur.
S'est-il donc écoulé pour ne plus reparaîre
Cet âge plein d'attraits ?
Le Ciel sensible à mes regrets
Ne le fera-t-il pas renaître ?
Je soupirais encor, quand un songe charmant,
Sur les pas du sommeil, dans ce sombre moment,
Fit à mon désespoir succéder l'espérance.
|
|
Ce temps heureux peut revenir ,
Mes lois vont régner sur la France ;
Le présent me répond d'un heureux avenir.
C’était la voix de la Nature.
Milles grâces sans fard composaient sa parure,
Les innocents plaisirs, les vertus sur ses pas
Fixaient les cœurs heureux qu’attiraient ses appas.
Suis-moi, dit la Déesse, et que ton cœur admire
Le rapide progrès de mon naissant empire.
Pour payer tes désirs, je dévoile à tes yeux
Un spectacle enchanteur préparé pour les Dieux.
Arrête tes regards, et que ton cœur contemple
Mes fidèles sujets assemblés dans mon temple.
Là tous les cœurs unis, sans gêner leurs désirs,
Font germer les vertus dans le sein des plaisirs.
Au tumulte des Cours ils préfèrent mes fêtes.
C’est ici que l’on voit les plus superbes têtes
Déposer leurs grands noms aux pieds de mes autels,
Et malgré la fierté qu’inspire la fortune,
Ses favoris rangés sous une loi commune,
Donner le nom de frère au moindre des mortels.
Voilà sur les humains ma plus belle victoire ;
Elle rappelle aux Grands la loi d’égalité,
Et fait fouler aux pieds l’idole de la gloire,
Victime d’une aimable et noble liberté ;
Liberté qui n’a rien d’une injuste licence,
Qui des Rois et des Dieux sait respecter les droits.
Mon règne a consacré la juste dépendance,
Qu’impose le pouvoir et des Dieux et des Rois.
Ne t’étonne donc plus de l’heureuse harmonie,
Qu’enfante l’unité de ce brillant accord ;
La troupe que tu vois, par mes soins réunie,
A choisi pour ses lois les mœurs du siècle d’or.
Si le sexe est banni, qu’il n’en ait point d’alarmes :
Ce n’est point un outrage à la fidélité ;
Mais je crains que l’Amour entrant avec ses charmes
Ne produise l’oubli de la fraternité.
|
|
Noms de frère et d’ami seraient de faibles armes,
Pour garantir les cœurs de la rivalité ;
Dans le Sexe charmant trop d’amabilité
Exige des soupirs, et quelquefois des larmes ;
Au plaisir d’être ami nuirait la volupté.
C’en est assez, dit l’aimable Déesse :
Tu connais mes enfants, je ne t’ai rien celé ;
Juge par le secret que je t’ai révélé,
Si j’exige des cœurs une austère sagesse.
Pour confondre un vain peuple, et de folles rumeurs,
Des Frères outragés, va publier les mœurs,
Et ne soupçonne point d’énigme imaginaire.
Leurs signes ne sont rien, pour être reconnus,
Ils n’ont d’autres signaux que ceux de leurs vertus.
S’il est quelque secret, c’est aux yeux du vulgaire,
Pour qui tant de vertu fut toujours un mystère.
A ces mots disparut le songe et le sommeil.
Permettez, Francs-maçons, qu’à l’instant du réveil
Je cherche à vous faire connaître ;
Ne redoutez point les revers ;
Illustres citoyens, vous n’avez qu’à paraître,
Pour ranger sous vos lois la France et l’univers.
|