Vous me quittez pour aller à la gloire

 Cliquez ici pour entendre le fichier midi de cette partition, séquencé par Christophe D.

L'air Vous me quittez pour aller à la gloire (ou pour marcher à la gloire) est donné par la Clé du Caveau sous le n° 938 :

On le trouve également dans le Chansonnier des Grâces de 1812 :

Le texte (cité plus bas) est du comte Louis-Philippe de Ségur (1753-1830 ; il fut, signalons-le incidemment, Officier d'honneur du Grand Orient de France et haut dignitaire de l'écossisme), et la musique est de la Reine Hortense (fille de Joséphine de Beauharnais, épouse du roi de Hollande Louis Bonaparte, et mère de Napoléon III, elle était effectivement compositrice). 

Signalons cependant que le Conservatoire Royal de Liège en détient une partition attribuée à Félix Blangini (qui était précisément le maître de chant de la Reine Hortense).

La Dame aux hortensias

(Contrairement à une croyance fort répandue, ce n'est pas en l'honneur de la reine Hortense que fut nommé l'hortensia. Mais le jeu de mots était trop tentant, vis-à-vis de l'autre Dumas)

Les circonstances de la création de cet air sont narrées par Alexandre Dumas père dans son ouvrage En Suisse, dans le Chapitre LVI (intitulé Une ex-reine) où il raconte sa visite en 1832 au château d'Arenenberg où elle résidait sous le nom de madame de Saint-Leu (elle avait été faite Duchesse de Saint-Leu par Louis XVIII).

... Enfin, l'on pria madame de Saint-Leu de se mettre au piano.

- Cela vous fera-t-il plaisir ? dit-elle en se retournant vers moi, à demi-levée et attendant ma réponse.

- Oh ! oui, répondis-je en joignant les mains.

Elle chanta plusieurs romances dont elle avait dernièrement composé la musique.

- Si j'osais vous demander une chose ? lui dis-je à mon tour.

- Eh bien, que me demanderiez-vous ?

- Une de vos anciennes romances.

- Laquelle ?

- « Vous me quittez pour marcher à la gloire. »

- ô mon Dieu ! mais c'est du plus loin qu'il me souvienne ; cette romance est de 1809. Comment faites-vous pour vous la rappeler ? Vous étiez à peine né lorsqu'elle était en vogue.

- J'avais cinq ans et demi ; mais, parmi les romances que chantait ma sœur, mon aînée de quelques années, c'était ma romance de prédilection.

- Il n'y a qu'un inconvénient, c'est que je ne me la rappelle plus.

- Je me la rappelle, moi.

Je me levai, et, m'appuyant sur le dos de sa chaise, je commençai à lui dicter les vers.

Vous me quittez pour marcher à la gloire,
Mon triste cœur suivra partout vos pas ;
Allez, volez au temple de mémoire :
Suivez l'honneur, mais ne m'oubliez pas.

- Oui, c'est cela, me dit la reine avec tristesse.

Je continuai :

A vos devoirs comme à l'amour fidèle,
Cherchez la gloire, évitez le trépas :
Dans les combats où l'honneur vous appelle
Distinguez-vous, mais ne m'oubliez pas.

- Ma pauvre mère ! soupira madame de Saint-Leu.

Que faire, hélas ! dans mes peines cruelles ?
Je crains la paix autant que les combats :
Vous y verrez tant de beautés nouvelles,
Vous leur plairez !... mais ne m'oubliez pas.

Oui, vous plairez, et vous vaincrez sans cesse,
Mars et l'Amour suivront partout vos pas ;
De vos succès gardez la douce ivresse,
Soyez heureux, mais ne m'oubliez pas.

La reine passa la main sur ses yeux pour essuyer une larme.

- Quel triste souvenir ! lui dis-je.

- Oh ! oui, bien triste ! vous savez qu'en 1808 les bruits du divorce commençaient à se répandre ; ils étaient venus frapper ma mère au cœur, et, voyant l'empereur prêt à partir pour Wagram, elle pria M. de Ségur de lui faire une romance sur ce départ ; il lui apporta les paroles que vous venez de dire ; ma mère me les donna pour que j'en fisse la musique, et, la veille du départ de l'empereur, je les lui chantai. Ma pauvre mère ! je la vois encore, suivant sur la figure de son mari, qui m'écoutait soucieux, l'impression que lui faisait cette romance qui s'appliquait si bien à la situation de tous deux. L'empereur l'écouta jusqu'au bout ; enfin, lorsque le dernier son du piano se fut éteint, il alla vers ma mère. « Vous êtes la meilleure créature que je connaisse » lui dit-il ; puis, l'embrassant au front en soupirant, il rentra dans son cabinet ; ma mère fondit en larmes, car de ce moment elle sentit qu'elle était condamnée.

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