Nouveau temple à Valence

 

Le recueil du Tome 12 (année 1849) de la Revue maçonnique éditée à Lyon donne, à ses pp. 176-82, un écho de la cérémonie d'inauguration, le 7 octobre, du nouveau Temple de la Loge de Valence, l'Humanité de la Drôme (fondée en 1845, elle est toujours en activité ; François-Désiré Bancel et Lucien Bernizet en furent membres ; sa bannière figure à la page Francs-maçons drômois du riche site Études Drômoises, auquel nous avons emprunté l'image ci-contre).

La Colonne d'Harmonie était dirigée par le Frère Morel, de la Parfaite Egalité de Tournon.

Aux pages 181-2 figure ce Cantique, chanté au Banquet, du Frère Philippe Tabary (qui est l'auteur d'un autre cantique de ce site), Vénérable de l'Union des Deux-Cantons de Romans, sur une musique du Frère Siméon, chef de la colonne d'harmonie de la même loge (et que nous n'avons pu identifier plus précisément).

On remarquera, au couplet 2, la mention de la triade Liberté - Égalité - Fraternité, qui était officiellement entrée dans la thématique maçonnique lors de la révolution de 1848 et venait - quelques semaines avant la composition de la présente chanson - d'être adoptée comme devise par le Grand Orient de France. Il s'agit donc probablement de la première chanson où elle soit explicitement mentionnée (on trouvait cependant les 3 mots évoqués comme devise dans une chanson de Delalande, mais dans un autre ordre). 

CHOEUR.

Que nos chants réunis en fraternel concert
Animent aujourd'hui nos retraites profondes ;
Au Grand-Architecte des mondes
Un nouveau temple s'est ouvert.

I.

Par l'Humanité consacré,
A toutes les vertus il servira d'asile ;
Les vices pâliront devant le péristyle
Du nouveau temple inauguré.

Que nos chants réunis, etc.

 

II.

La Liberté, l'Égalité
Et la Fraternité, ces trois sœurs immortelles,
Verront dans ses parvis, à leur culte fidèles,
Les soutiens de la vérité.

Que nos chants réunis, etc.

 

III.

Tabernacle de charité
Contre les passions de l'humaine nature,
Sa porte sera close à l'infâme imposture,
Mais ouverte à la vérité.

Que nos chants réunis, etc.

Comment naissent les légendes

C'est abusivement que, menant à l’Hôtel de Ville une députation des loges de Paris lors de la Révolution de 1848, le frère Jules Barbier déclara : Nous saluons des acclamations les plus vives le Gouvernement républicain qui a inscrit sur la bannière de la France cette triple devise qui fut toujours celle de la Franc-Maçonnerie : « Liberté, Egalité, Fraternité. » 

Cela n'avait en effet jamais été la devise de la maçonnerie, mais cela faisait si bien dans le tableau que tout le monde - à commencer par Lamartine - fit mine d'y croire et que le Grand Orient s'empressa d'inscrire cette contre-vérité dans sa Constitution : l'article 1er de celle-ci, votée en août 1849 et promulguée en septembre,  mentionne Sa devise a été de tout temps : Liberté, Égalité, Fraternité (en 1854, un peu moins malhonnêtement, ce texte deviendrait La franc-maçonnerie conserve toujours son ancienne devise : Liberté, Égalité, Fraternité, et il est actuellement Elle a pour devise : Liberté, Egalité, Fraternité).

Comme l'écrit (pp. 299-300) Pierre Chevallier dans le Tome 2 de son Histoire de la Franc-maçonnerie française (Fayard, 1974) :

... ce sera désormais un dogme reçu que la trinité républicaine n'a pu être inventée que par les Maçons. Bel exemple de détournement au profit d'un tiers d'une formule politique ! ... On est ainsi en présence d'un de ces phénomènes d'emprunt qui ne vont pas sans une malhonnêteté intellectuelle inconsciente et auquel l'usage prolongé et la prescription acquisitive finissent par conférer comme un cachet d'authenticité.

On trouvera des articles sur cette question ici, ici ou ici. Voir également une synthèse de cette question faire par Roger Dachez sur son blog.

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