Les 3 questions
Introduction
Il est d'usage de poser au candidat maçon, pendant son séjour dans le cabinet de réflexion, trois (parfois quatre) questions auxquelles il doit répondre par écrit.
On connaît notamment les réponses de Liszt à ces questions.
Il était fréquent dans les temps passés - et il est encore aujourd'hui d'usage dans de nombreuses Loges - de formuler cette triple question sous la forme suivante :
Quels sont les devoirs de l’homme envers lui-même ? Quels sont les devoirs de l’homme envers Dieu ? Quels sont les devoirs de l’homme envers l’humanité ?
ou sous des formes analogues ou voisines (envers sa patrie par exemple).
La fameuse réponse de Proudhon La réponse donnée à de telles questions par Proudhon, qui fut initié le 8 janvier 1847 au sein de la Loge bisontine SPUCAR, est restée célèbre.L'anecdote est racontée par lui-même dans son ouvrage De la justice dans la révolution et dans l'Eglise :
On sait par les archives de la Loge que l'assistance était très nombreuse vu la notoriété du candidat, et que la discussion fut longue avant que l'assemblée se prononçât finalement pour une décision positive, au motif que les Maçons ne demandent pas à un profane d’être de leur avis, ils lui demandent d’être sincère. Rappelons qu'à l'époque les tendances agnostique ou athée étaient encore très minoritaires - et en tout cas très mal vues - au Grand Orient de France. Le 10 août 1849, celui-ci allait d'ailleurs inscrire, dans l'art. 1er de sa Constitution, que La franc-maçonnerie, institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, a pour base l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme. Ce libellé ne serait modifié, au bénéfice de la liberté de conscience, qu'en 1865 puis en 1877, après un combat long et acharné. La tolérance des Frères de Besançon est en tout état de cause exceptionnelle pour l'époque ; on peut par exemple lire ici que, le 19 octobre 1858 à Lyon, un profane, présenté à l'initiation dans la Loge la Sincère Amitié, n'est pas admis sur sa déclaration de ne pas croire en Dieu ; on lui fait observer que la Société maçonnique a pour base l'existence de Dieu, et pour principe l'amour de l'humanité ; en 1875 encore - mais il est vrai que c'est au Rite Ecossais - la Loge des Coeurs Unis refuse un candidat qui n'avait pas voulu reconnaître l'existence du Grand Architecte, ce qui, écrit-elle dans son rapport, est contraire à nos Règlements (source, voir p. 20).
On peut lire aussi, dans le n° 31 (29 janvier 1865) de la revue le Rationaliste, l'article de Fauvety intitulé Mort d'un libre-penseur, où il relate, avec des commentaires mi-figue mi-raisin, les funérailles de Proudhon. Il faut aussi rappeler que le progressisme de Proudhon connaissait quelques limites, particulièrement en ce qui concerne l'émancipation de la femme, comme en témoignent ces quelques extraits, particulièrement machistes, d'un de ses ouvrages peu connu, La pornocratie ou les femmes dans les temps modernes :
Même après son décès, l'athéisme de Proudhon continua à lui valoir la haine vigilante de ses adversaires. En témoigne cet article du n° d'avril 1865 du Journal des Initiés, organe de la frange la plus conservatrice du Grand Orient de l'époque :
Très élégamment, l'article se termine par une exhortation aux Loges pour qu'elles refusent de participer à une collecte en faveur de la veuve de Proudhon. |
Le recueil du Tome 12 (année 1849) de la Revue maçonnique donne un écho, à ses pp. 59-60, du solstice d'hiver à la Loge Union des deux Cantons de Romans (Drôme), le 1er janvier 1849. Il y est mentionné que
Le Vénérable Tabary (auteur d'un autre cantique figurant à ce site) explicite donc les réponses qui à l'époque, et sur les deux hémisphères (c'est-à-dire universellement), sont considérées comme maçonniquement correctes aux dites questions. Elles vont tout-à-fait dans le sens du texte qui serait adopté quelques mois plus tard pour la Constitution. La revue reproduit son cantique : |
L'homme à Dieu doit un pur hommage,
L'homme, œuvre de
l'Être suprême,
L'homme doit tout à ses
semblables, |
Les principes philanthropiques énoncés au dernier couplet ont d'ailleurs été mis en application par la Loge, puisqu'il est précisé que :
Après la clôture des travaux de banquet, les Frères se sont retirés paisiblement, fort satisfaits de cette féte de famille, qui laissera d'heureux souvenirs dans la classe pauvre, à laquelle d'abondantes aumônes avaient été distribuées par les soins du Frère hospitalier et de la commission qui lui avait été adjointe.
Dans le même Tome de la même revue, on trouve aussi (pp. 185-7) une réponse ... en vers à ces questions, oeuvre de Pierre Dupont.
L'insistance, à ce moment, sur un tel sujet doit-elle être considérée comme une conséquence du scandale provoqué par l'affaire Proudhon ?