Ernest BRITT
|
Curieux personnage que cet Ernest Britt, théoricien de l'ésotérisme musical. Né en 1860 (et non 1857 comme l'écrivent certains) en Belgique de parents suisses, mais naturalisé belge après avoir vécu sa jeunesse en Belgique (où il a été l'élève de Peter Benoit au Conservatoire d'Anvers), il s'établit à Paris en 1883. Il fut pianiste, compositeur et théoricien de la musique. |
|
Il épousa une cantatrice, et se produisit avec elle le 24 mai 1884 à Pleyel ; ils eurent plusieurs enfants, dont une fille harpiste, Gaëtane, avec laquelle il se produisit le 18 janvier 1904 à la salle Erard.
|
En 1913-14, il publie, dans La Lumière maçonnique, et avec force illustrations (exemple ci-contre), une étude scientifique (répartie sur quatre n°s) d'un ésotérisme échevelé, inspirée d'Hoëné-Wronski et intitulée La synthèse de la musique (les parties 2 et 4 sont consultables aux pp. 567-70 et 661-670). Britt est en effet particulièrement lancé dans les milieux ésotéristes et occultistes, qu'il fréquente assidûment, notamment dans le cadre du Groupe Paléosophique. On retrouve dans cette mouvance un certain nombre de fumistes plus ou moins connus : |
tout d'abord Oswald Wirth lui-même, sans doute à l'origine de l'importance accordée à Britt dans La Lumière maçonnique (dont il a été le gérant et reste à ce moment l'un des animateurs)
Pierre Vincenti, auteur sous le nom de Piobb du Secret de Nostradamus et d'un Formulaire de Haute Magie
Francis Warrain (1867-1940), auteur (chez Véga) de L'Oeuvre philosophique de Hoëné Wronski
Eugène Caslant (1865-1940), auteur d'un Traité Elémentaire de Géomancie et d'une Méthode de Développement des Facultés Supranormales
le Dr Rouhier, un pharmacien auteur en 1927 de Le Peyotl, la plante qui fait les yeux émerveillés et de Les plantes divinatoires.
On trouve plus de détails sur Britt à partir de 1930 : cette année-là, il épouse en effet à Paris Mary Wallace Shillito (leur divorce sera prononcé en 1937 après qu'il lui eût dilapidé sa fortune).
Mary Shillito est une riche héritière américaine, veuve depuis 1928 de Assan Farid Dina, lui-même passionné d'astronomie et d'ésotérisme (la chapelle qu'ils ont fait construire dans leur château à Cruseilles est couverte de mosaïques représentant les cartes du tarot d'après Wirth). Elle se lie bientôt avec Guénon (autre grand prêtre de l'ésotérisme, encore pris au sérieux de nos jours dans certains milieux maçonniques), lui-même également veuf depuis peu, et finance une maison d'édition, Véga, qu'elle met à son service. Elle l'accompagne en Egypte à la recherche de textes ésotériques musulmans, mais comme il prolonge son séjour au-delà de ce qu'ils avaient convenu, elle le plante là au bout de 3 mois et rentre à Paris, où elle épouse aussitôt Britt.
Mais Britt et ses amis sont très hostiles à Guénon, qui perd dès lors la main sur les éditions Véga dont il est écarté au profit de Rouhier.
Et c'est chez Véga que Britt publie en 1931 - préfacé par Warrain - son ouvrage La lyre d'Apollon, où il développe les idées de ses articles précités, en les épiçant de quelques divagations comme la confirmation de l'existence de 2 planètes transplutoniennes issues de son imagination.
Dans la Revue de Musicologie, A. Gastoué a écrit de cet ouvrage, lors de sa parution :
De temps à autre, des musiciens ou des esthètes cherchent à trouver les rapports qui existent entre les manifestations de notre art et les causes occultes ou les lois cachées de la nature, visible ou invisible. M. Britt, à nouveau, reprend cette tentative curieuse et non dépourvue d'intérêt, même pour le profane, en s'appuyant sur la "Loi de Création" du grand idéologiste Wronski. Il s'agit de démontrer que toute musique, antique, grégorienne, orientale, ou moderne, répond à ce postulat, en rapport avec les conditions de la psychologie elle-même. Après des observations du plus haut intérêt, M. Britt a eu tort de s'égarer en considérant la musique moderne à travers les "mesures" et les "accords" des traités d'harmonie ou de solfège, dont les prescriptions demeurent périmées, ou bien dépassées, pour nos contemporains.
Britt a également publié Gamme sidérale et gamme musicale.
Nous avons pu relever parmi ses oeuvres musicales :
Apollon, hymne en mode dorien (publié dans La lyre d'Apollon) sur un poème de Léon Combes (secrétaire de réaction de la revue Mysteria, dirigée par Papus ; il est membre de la Loge montpellieraine Liberté Solidarité, n° 423 de la GLDF). Dans l'article précité, A. Gastoué loue grandement cette très belle hymne
De vrouwkens van Brugge, zangspeldicht in 4 tafereelen (les petites femmes de Bruges, poème musical chanté en 4 tableaux) sur un texte d'Hubert Melis (1901)
musique de scène (1913) pour le Mimodrame Inès de Las Sierras d'après la nouvelle de Charles Nodier (voir commentaires dans un article de la théosophe et maçon Amélie Gédalge pour La Lumière maçonnique)
la mélodie La Glu sur un texte de Richepin.
L'ouvrage de Joscelyn Godwin, Music and the Occult: French Musical Philosophies 1750-1950 (qui est en téléchargement gratuit via cette page), contient (pp. 86-89) une intéressante étude sur Britt.
Britt est désigné - en 1913-14 - comme Frère (avec les 3 points !) dans la revue La Lumière maçonnique. Effectivement, on dispose de sa demande faite en octobre 1911 à la Loge Travail et Vrais Amis fidèles (GLDF n°137 ; c'est la Loge de Wirth) où il mentionne son ami Alphonse Bué et son intérêt pour les travaux de Wronski (1776 – 1853). Il est reçu Maçon par O. Wirth, dont il devient un ami, et accède à la Maîtrise le 21 octobre 1912. (Merci à Philippe Langlet qui nous a aimablement fourni certaines des informations figurant à cette page, particulièrement concernant le parcours maçonnique de Britt et de Combes). |
|