Hiram et Salomon

En cliquant ici, vous entendrez un fichier midi de l'air (séquencé par Acélan)

Les paroles que Bazot, dans les pages 41 à 44 de ses Chansons maçonniques, prête ici à Hiram dialoguant avec Salomon seraient-elles de sa part une critique indirecte des moeurs peut-être exagérément festives (un goût excessif, selon son expression, pour la bouteille ou le tendron) que la maçonnerie des années 1830 semble avoir héritées de la maçonnerie d'Empire ? 

Ce que nous savons de Bazot par ses autres chansons ne le donne cependant guère à penser, et il est plutôt probable qu'il se rangerait lui-même à l'avis plein de tolérance qu'il met dans la bouche d'un Salomon souriant avec amusement des ronchonneries d'Hiram.

Mais ce qui nous a semblé intéressant dans cette chanson et nous a poussé à la reproduire ici, c'est l'écho qu'elle donne d'un phénomène en cours à ce moment : l'éveil de la maçonnerie française à l'intérêt pour les questions politiques, à l'origine bannies des Loges mais qui tendent alors - comme le montrent par exemple le chansonnier du Mans et une cérémonie à Chalon - à y faire irruption :

(Hiram) Au lieu de nos travaux antiques
De nos instructions mystiques
Ils se mettent à discourir
Sur le progrès, sur l’avenir.

(Salomon) Leur nouveau but se comprend.
Ils ont agrandi les idées ;
Ils ont de hautes destinées ;
L'ordre par eux s'élèvera :
Dans lui-même est ce progrès-là.

On voit par là que ce débat, qui agite encore la maçonnerie du XXIe siècle, n'est pas nouveau ... 

Bazot espère en tout cas que, malgré cette divergence de point de vue, vivront en paix et en frères les maçons anciens (vrais sages fidèles aux premiers usages selon Hiram) et les maçons nouveaux qui voient là, selon Salomon, un progrès susceptible d'élever l'Ordre.

Voir l'air (dont un des titres alternatifs est précisément Je veux que le diable m'emporte).

 

Hiram et Salomon

La légende d'Hiram, telle que ritualisée par la franc-maçonnerie, ne trouve aucunement son origine dans la Bible. 

Mais certains maçons se veulent très respectueux des origines chrétiennes et bibliques de leur Ordre.

Mais ... avec des si ...

... si la franc-maçonnerie avait été inventée, non à Londres en un temps où la Bible était la référence, mais en France au moment où Renan publiait sa Prière sur l’Acropole, le temple dont elle propose la reconstruction aurait-il été celui de Jérusalem ou le Parthénon ?

Ceux-là n'apprécieront peut-être guère la désinvolture - contrastant avec l'iconographie moyenâgeuse quand elle montre en majesté (voir ci-dessous) Salomon avec le constructeur de son Temple - avec laquelle Bazot fait très familièrement dialoguer Hiram et un Salomon particulièrement bon-enfant, tout en faisant d'eux de vieux compagnons de ribotte (s'il t'en souvient aux temps heureux nous faisions tout, et tout comme eux ...).

ci-dessus au centre : Hiram et Salomon, sculpture de la cathédrale de Reims (avant les destructions de la guerre 1914-18)

On peut par ailleurs s'étonner que la littérature maçonnique fasse aussi peu de cas de la démonstration de bon accueil à l'étranger voyageur donnée par Salomon quand il prie ainsi son Seigneur (1 Rois, 8, 41-43) : Quand l'étranger, qui n'est pas de ton peuple d'Israël, viendra d'un pays lointain ... prier dans cette maison ... accorde à cet étranger tout ce qu'il te demandera ...

Comme on le voit ci-contre, dans la franc-maçonnerie anglaise, le couple Hiram-Salomon est évidemment traité d'une manière bien plus respectueuse que celle, particulièrement désinvolte, de Bazot...

(d'après une photo prise au Grand Temple de la GLUA) 

Selon les commentaires de cette photo, les colonnes ioniques représentent la Sagesse et, entre elles, l'Arche d'Alliance est surmontée de l'échelle de Jacob montant vers la lettre Yod (pour Jéhovah) et sur laquelle se trouvent le volume de la loi sacrée et les symboles de la foi (croix), de l'espérance (ancre) et de la charité (cœur brûlant).

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