Les Chansonniers de Bazot
Dans son Dictionnaire de la Franc-maçonnerie (PUF), Ligou mentionne un Etienne-François Bazot (1782-1818), secrétaire général de la Société royale des Sciences, Vénérable de la Loge parisienne La Bonne Union et auteur en 1810 d'un Vocabulaire des Francs-Maçons et d'un Manuel du Franc-Maçon (la première édition, en 1811, contient 204 pages, la 2e édition sort en 1812, la 3e en 1817 en comporte 374). Comme on le verra ci-dessous, la date de décès mentionnée par Ligou, 1818, est totalement inexacte. Nous trouvons en effet dans l'édition de 1858 du Dictionnaire universel des contemporains la mention suivante : |
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Par ailleurs, on peut lire ici
un Discours historique sur la franche-maçonnerie depuis 1725 jusqu'à ce jour
prononcé dans la séance de la L. [de la Bonne-Union] le 17 avril 1834, ère
vulgaire par le Frère Bazot, Ancien Vénérable et Très Sage de la Loge et du Chapitre de La Bonne-Union Orient et Vallée de Paris, 1er Surveillant titulaire de ces deux
Ateliers. En fait, il est surtout consacré à défendre le principe
interdisant les discussions politiques et religieuses en loge.
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De son Manuel du franc-maçon, nous avons pu consulter (voir ci-dessous) le second volume (276 pages au format 10,2 * 18 cm.) de la sixième édition datée de 1833 (il y en a encore eu une septième en 1845 à Paris, mais il en a supprimé les chansons, transférées aux Chansons maçonniques), parue en 1835 à Bruxelles chez Voglet et en 1841 à Paris chez Teissier & Schmidt (NB : la 3e édition, de 1817, est consultable sur google-livres ; la gravure et son commentaire étaient différents de ceux ci-dessous). Cliquez ici
pour voir un agrandissement (fichier jpg de 165 ko) Cette édition est dite augmentée, notamment d'une série de cantiques. Effectivement, la 3e édition ne contenait que 17 chansons, alors que celle-ci en contient 28, soit 16 des 17 précédentes (la première, intitulée Santé du Roi a, de manière très symptomatique, disparu) et 12 nouvelles. Elle l'est également d'un choix de discours souvent datés des années 1820 et 1830. L'un de ceux-ci commence par un hommage à son ami Désaugiers, décédé en 1827 :
Très curieusement cependant, il existe aussi une édition de 1855, qui est dénommée cinquième édition et qui contient des chansons nouvelles. |
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Voilà qui nous introduit à un autre aspect, moins austère, de la vie maçonnique de Bazot : sa carrière de chansonnier. Car Bazot fut aussi - et il se présente comme tel - un ancien convive des Soupers de Momus. Les Soupers de Momus furent une société mangeante, bacchique et chantante fréquentée notamment par des membres du Caveau moderne dont elle semble avoir été très proche (le Troubadour français paru chez Caillot en 1826 et le Chansonnier des demoiselles sont rédigés par quelques convives du caveau moderne et des Soupers de Momus). Elle tenait à partir de 1813 ses séances dans le quartier Saint Martin et a publié 15 recueils annuels de chansons ; Bazot s'y est lié avec Désaugiers et avec Béranger, à qui il a (en vain) proposé d'entrer en Franc-maçonnerie. En 1838, Bazot publie à Paris un premier recueil intitulé Chansons maçonniques (244 pages au format 8 * 13,2 cm.). En 1839, toujours à Paris, il récidive avec ses Nouvelles chansons maçonniques (252 pages au format 8,5 * 13,7 cm.). |
Béranger |
Si un bon nombre des cantiques du Manuel du Franc-Maçon restent dans la tradition de ceux du XVIIIe et du début du XIXe (sous l'Empire), il n'en va plus de même, en général, des chansons des recueils (un peu postérieurs) Chansons maçonniques et Nouvelles chansons maçonniques.
Bazot s'en explique dans son Essai sur la chanson maçonnique, qui sert de préface au recueil Chansons maçonniques
Ce ne sont souvent que de simples chansons à boire, dont la maçonnerie ne constitue rien de plus que le prétexte. Ils donnent l'image d'une maçonnerie certes morale et même parfois sociale, mais profondément conformiste et bourgeoise, et plus attachée au divertissement (d'un humour pas toujours léger...) et au formalisme maçonnique qu'à la philosophie ou au symbolisme.
On notera dans les trois ouvrages l'utilisation d'un même personnage-fétiche, Jean-Louis-Chrysostome-Richôme-Jérôme DUBUIS, maître Passeux t-à la Guernouillère, qu'on retrouve tant aux pages 225 et 243 du Manuel qu'aux pages 140 et 229 des Chansons maçonniques et à la page 84 des Nouvelles chansons maçonniques. La Guernouillère se réfère sans doute à la pièce de Vadé (1750), Lettres de la Grenouillère : Vadé semble avoir été une référence pour les membres du Caveau, parmi lesquels Désaugiers lui a emprunté le personnage de Cadet Buteux.
Dans les trois ouvrages, toutes les chansons sont sans partition, et renvoient à des airs connus ... à l'époque (mais certains ne le sont plus du tout, et la recherche de leur partition n'est pas toujours tâche aisée).
Il ne vaudrait pas la peine de reproduire intégralement ces recueils. Nous avons cependant sélectionné quelques chansons qui nous semblaient un témoignage intéressant, et que nous mettons progressivement en ligne sur ce site. On trouvera, dans le tableau ci-dessous, les liens qui y conduisent.
Volume | Page | Titre |
Chansons maçonniques |
11 |
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Chansons maçonniques | 41 | Hiram et Salomon |
Chansons maçonniques | 83 | Les sept Santés |
Chansons maçonniques | 89 | Voltaire |
Chansons maçonniques | 92 | La fête de famille |
Chansons maçonniques | 170 | Désaugiers ! |
Chansons maçonniques | 189 | L'expatrié |
Nouvelles chansons maçonniques | 35 | La Loge-Mère |
Nouvelles chansons maçonniques | 162 | Le secret maçonnique |
Nouvelles chansons maçonniques | 203 | Une Tenue de Loge |
Nouvelles chansons maçonniques | 208 | Tous les dieux ! |
Manuel du Franc-Maçon, édition 1817 | 350 | Santé du Roi |
Manuel du Franc-Maçon, édition 1817 | 351 | Les on dit |
Manuel du Franc-Maçon, édition 1817 | 352 | Sentiment d'un nouvel initié |
Manuel du Franc-Maçon, édition 1817 | 353 | Le parfait Maçon |
Manuel du Franc-Maçon, édition 1817 | 355 | |
Manuel du Franc-Maçon, édition 1817 | 367 | Installation d'une Loge |
On notera qu'un des cantiques du Manuel du Franc-Maçon, intitulé le Parfait Maçon, figure également (pp. 181-3) à la Lyre maçonnique de 1812 ; un autre, la Conversion du poète, se retrouve (pp. 42-44) à celle de 1813-14, avec un texte légèrement différent.
De nombreuses chansons de Bazot, ainsi que l'un ou l'autre de ses textes, se retrouveront en 1835-6 dans la revue l'Univers maçonnique.
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