La Réunion des Amis du Nord
La Loge brugeoise portant le titre distinctif de La Réunion des Amis du Nord n'a existé que de 1803 à 1832. Selon l'article d'Andries Van den Abeele, La Réunion des Amis du Nord à Bruges, une résurrection manquée, elle fit l'objet en 1837-8 d'une tentative de relance qui avorta.
Elle semble avoir été assez active pendant cette période, et elle a notamment publié, autour de 1820, divers Cantiques écrits par le Frère L. J. Debeaune.
Il semble qu'on y vivait bien, puisque on sait qu'au cours d'une Tenue de Table en janvier 1829, 30 Frères vidèrent pas moins de 21 bouteilles de Pommard et 48 de Bordeaux ...
Au Tableau de cette Loge on trouve :
le frère Pierre VERDURE, né à Tournai, percepteur contribut., qui était Vénérable en 1818
le compositeur Charles-Louis-Joseph Hanssens (1777-1852)
Auguste de Wargny
une célébrité maçonnique, Ragon (voir ci-dessous), qui y figure avec les mentions : RAGON, (Joseph) Jean Bte Marie / Bray sur Seine 25/05/1775 ou 1780 / employé recette générale.
Ce Tableau cite également, comme membre d'honneur, le Prince Frédéric d'Orange, en mentionnant comme date de naissance le 6 décembre 1792 et en le signalant comme Rose-Croix depuis 1819. Il ne s'agit donc pas du Prince Frédéric, Grand Maître (né en 1797), mais de son frère aîné Guillaume-Frédéric, le futur Guillaume II. D'autant que le Grand Maître, qui avait auparavant accédé à tous les Hauts Grades, les avait abandonnés dès 1819.
Jean-Marie RAGON DE BETTIGNIES (1781-1862), né à Bray-sur-Seine d'un père notaire, fut initié en 1804 à Bruges où l'avaient amené ses fonctions de caissier dans l'administration française ; il fut membre du Grand Orient, du Rite de Misraïm, de l'Ordre du Temple de Fabré Pallaprat. Il fonda en 1814 à Paris, et présida, la célèbre loge Les Vrais Amis, devenue ensuite Les Trinosophes, ainsi que le chapitre et l'aréopage s'y attachant. Il en fut d'ailleurs fait Vénérable Honoraire Perpétuel en 1820 au moment de son départ pour l'Amérique. Considéré par ses contemporains comme le franc-maçon le plus instruit du XIXe siècle, il est l'auteur de nombreux ouvrages maçonniques qui, s'ils n'ont plus aujourd'hui qu'un intérêt historique (ses thèses fumeuses n'ayant plus aucun crédit), eurent à l'époque une influence considérable :
dont plusieurs ont été réédités en fac-simile par les éditions Lacour-Ollé. Il fut également l'éditeur de la revue maçonnique Hermes. |
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Il a fait l'objet
d'un article (qui donne également d'intéressantes informations sur Abraham) aux pp. 97-103
du Vol.
18 (1905)
de Ars Quatuor Coronatorum, où nous apprenons que, même s'il s'était
embarqué pour l'Amérique sans espoir de retour, il était à nouveau à
Paris deux ans après.
Dans le Dictionnaire de la Franc-maçonnerie (PUF) de Ligou, Jean Baylot écrit que son départ en Amérique en 1820 semble avoir marqué la fin de la carrière maçonnique de Ragon. Un tel avis est largement contredit par les faits. L'article anglais précité relève en effet de nombreux témoignages d'activité maçonnique (éditions et correspondances) de sa part de 1840 à sa mort, après qu'il se soit installé dans la Meuse (à Mauvages près de Vaucouleurs). Nous avons eu l'occasion de consulter une lettre de demande d'explications envoyée en 1849 par le Grand Orient à lui-même et à la Loge nancéenne St Jean de Jérusalem qui semblait avoir parrainé cette initiative :
En 1853, l'Orateur du Grand Orient, Henri Wentz, se montrera moins agressif vis-à-vis de son droit à rééditer l'Orthodoxie Maçonnique, tout en accompagnant son avis de commentaires perfides où, arguant de sa crainte que de telles opinions ne jettent quelque découragement parmi les faibles, parmi les tièdes, ceux-là surtout qu'il faut plutôt réconforter, il lui reproche son hostilité aux hauts grades et à l'écossisme, qu'il a qualifié de jésuitique et templier. Sur Ragon, on appréciera à sa juste valeur la charge hargneuse du polémiste antimaçonnique Amand Neut aux pp. 173-4 de son ouvrage publié en 1866, La franc-maçonnerie soumise au grand jour de la publicité à l'aide de documents authentiques. |
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Dans son ouvrage Le secret de Bruges-la-Morte, Joël Goffin donne (p. 15, à la suite d'intéressants détails sur La Réunion des Amis du Nord) un intéressant portrait (illustré, voir ci-contre) de Ragon : ... le plus célèbre de tous les Frères de cet atelier s’avère sans conteste le Français Jean-Marie Ragon de Bettignies (1781-1862), considéré par ses pairs comme le Franc-maçon le plus instruit de son siècle. Les hasards de sa carrière administrative l’avaient conduit aux confins de la Flandre. Il faut préciser que Napoléon avait fait de la ville un des principaux casernements dans la perspective de l’invasion de l’Angleterre. Fonctionnaire à la Recette Générale du département de la Lys, Ragon est initié à La Réunion des Amis du Nord en 1804. Il en devient le Secrétaire en 1805 avant d’être élu Grand Archiviste-Garde des Sceaux du Chapitre. En déplacement à Paris, il se surnommait lui-même « le frère J.M. de Bruges ». C’est à son époque que La Réunion des Amis du Nord connut son apogée, entre 1805 et 1808, quand le nombre de membres passa de 59 à 108 ... |
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Signalons enfin, à titre anecdotique, que Ragon, après avoir quitté sa Loge-mère et ses préoccupations sans doute trop terre-à-terre à son goût, fut également membre - ainsi que Vuillaume et Fabré-Palaprat - de l'Ordre des Priseurs.