Cantique
d'Installation
de la Loge le Travail (Bruxelles 1840)
|
Nous ne disposons pas du Tracé de cette séance inaugurale de 1840, qui a pourtant été imprimé sous forme d'une brochure de 60 pages.
Un
exemplaire de cette brochure est à l'époque tombé entre des mains
hostiles : aux pages 535
à 543 du n° daté du 1er mars 1841 dans le Volume 7 du Journal
historique et littéraire, périodique paraissant à Liège chez
l'imprimeur de l'évéché, on peut en effet trouver, sous le
titre Une fête maçonnique à Bruxelles, un compte-rendu de
cette cérémonie, basé sur cette brochure, et dont le ton est, comme
on pouvait s'y attendre, particulièrement aigre et malveillant.
Ce texte est en bonne partie reproduit (pp. 263-7) dans les Appendices du roman antimaçonnique Jacquemin le Franc-maçon. On trouve un autre compte-rendu, tout aussi malveillant, aux pp. 126-133 de l'ouvrage d'Amand Neut, La franc-maçonnerie soumise au grand jour de la publicité. |
Par contre, nous avons pu consulter une brochure intitulée
DISCOURS
prononcé le [17 octobre] 1840
par
le Président de la Commission du Grand Orient Belge
chargé l'installer
à l'Orient de Bruxelles une nouvelle Loge sous le titre distinctif
LE TRAVAIL
à l'occasion de cette installation.
Le discours lui-même, qui est de Defrenne, y est suivi de deux hymnes : le présent Cantique d'Installation et une Prière maçonnique, dont les paroles sont du même Defrenne, et qui ont été chantés à cette occasion (Defrenne reviendra dans cette Loge en 1842 pour l'inauguration de son Temple).
Le Cantique qui fait l'objet de la présente page figure aux pages 14 à 18 de cette brochure. Comme la Prière, il témoigne (Dieu, qui bénit la bannière De notre Ordre hospitalier) du fait que, même condamnés par les évêques, les maçons belges restaient, près de trois ans plus tard, profondément croyants, même si leur indignation restait vive contre l'agression, à leurs yeux injuste, dont ils avaient été victimes (cfr. couplet VI : Continuons, avec ténacité, A déjouer les complots fanatiques).
Cantique d’Installation.
Musique du Frère CAVALINI, paroles du Frère DEFRENNE
RÉCITATIF
L'arbitre souverain de la terre et des cieux,
De son souffle divin vient animer ces lieux;
Il fait en ce beau jour, exauçant leur prière,
Aux amis du Travail, voir enfin la lumière.
Puissent-ils se montrer, cédant à nos souhaits,
Habiles à jouir de si rares bienfaits;
Puissent-ils, toujours prompts à conjurer l'orage,
Dans les temps nébuleux, signaler leur courage;
Se conduire sans cesse, en maçons vertueux,
Et du GRAND ORIENT réaliser les vœux !
COUPLETS
I
Leur nouveau temple, au Travail consacré,
Semble promettre un avenir propice;
En s'y livrant, rien n'est aventuré,
Par le Travail on se gare du vice.
Rappelons-nous ce que VIRGILE a dit :
" Travail ardu triomphe des obstacles;
" A son pouvoir, soudain tout obéit,
" Et ce pouvoir est fertile en miracles.
II
L'élément propre à parvenir au but
D'une brillante et durable existence,
Doit consister, dès l'instant du début,
A se tracer des règles de prudence;
A ne jamais s'écarter des statuts,
A s'entourer de respectables Frères,
A se montrer, en faisant des élus,
Maçons prudents, circonspects et sévères.
III
De nos aïeux pratiquant les avis,
Forts des leçons de leur expérience,
Notre devoir, afin qu'ils soient suivis,
Est de bannir les excès, la licence;
De repousser, sans nous laisser fléchir,
Si nous voulons, que chacun nous respecte,
Et n'avoir pas à nous en repentir,
Tout candidat de morale suspecte.
IV
Par le mépris, l'ordre doit s'affranchir
Des traits méchants décochés par l'envie;
Ses détracteurs n'auront plus qu'à rougir:
A faire bien, consacrons notre vie.
Par la prière, à la Divinité,
Qu'à sa façon, chaque mortel s'adresse;
Qu'on lui permette, en pleine liberté,
D'aller au prêche ou de hanter la messe.
V
Le vrai Maçon ne doit cesser jamais
De se soumettre au précepte organique,
Qui lui défend, par amour de la paix,
De s'occuper de débat politique.
Soumettons-nous, dans le temple, à nos lois ;
Mais en dehors de la Maçonnerie,
Contribuons à faire de bons choix,
En citoyens chérissant la patrie.
VI
Sur nos travaux, planant du haut des cieux
Veille l'auteur de la nature entière;
Supplions-le, recueillis et pieux,
De nous aider de sa vive lumière.
Continuons, avec ténacité,
A déjouer les complots fanatiques;
Et des succès justement mérités
Couronneront nos efforts maçonniques.
VII
Dans le Travail, comme au sein du plaisir,
De l'infortune occupons-nous sans cesse;
Le malheureux fatigué de souffrir,
Compte sur nous, lorsque vient la détresse.
Aussi chacun met sa félicité
A soulager la timide indigence;
C'est vouloir plaire à la Divinité,
Que d'exercer la douce bienfaisance.
QUATUOR
Dieu, qui bénit la bannière
De notre Ordre hospitalier,
Exaucera la prière
De ce nouvel atelier.
Entonnons-y ses louanges,
Dans nos cantiques divers
Saluons avec les anges
Le maître de l'univers.
CHŒUR
I.
Pleins d'ardeur,
Par un chœur,
Célébrons
Et chantons,
Tour à tour,
Ce beau jour.
O bonheur
Enchanteur,
Sans pareil!
Le soleil
Radieux,
De ses feux
Vient animer ces lieux.
II.
Aux travaux
Les plus beaux,
Les plus doux
Livrons-nous:
Francs-maçons,
Unissons
Nos efforts;
Soyons forts.
Loyauté,
Charité,
Puis soudain
Au prochain
Malheureux tendons la main.
III
Pleins d'ardeur,
Par ce chœur,
Terminons,
Appelons
De nos vœux
Chaleureux,
Tour à tour,
Le retour
Désiré d'un si beau jour.
Nous n'avons trouvé aucun compositeur du nom de Cavalini. Peut-être s'agit-il du célèbre clarinettiste milanais (également compositeur) Ernesto Cavallini (1807-1874), dont nous savons qu'il séjourna en Belgique lors de ses tournées, ou de son frère Eugenio (1806-1881) ?
Le même Cavalini fit également la musique d'une autre chanson de Defrenne, une Bluette offerte à l'Illustre Frère Trumper, Vénérable des Vrais Amis de l'Union, pour la solsticiale de l'été 1841, Tenue spécialement consacrée à l'inauguration et à la distribution de son portrait lithographié par le Frère Degobert membre de cet Atelier. NB : P. Degobert fit dans les années 1840 des lithographies pour la Galerie des Contemporains illustres, par un homme de rien (Mr de Loménie). Et il est mentionné (cette fois avec 2 l) dans la Colonne d'harmonie de l'installation de Pierre-Albert-Joseph Stevens comme Grand Commandeur du Suprême Conseil de Belgique le 16 février 1840.