Marc-Antoine-Madeleine Désaugiers

 Cliquez ici pour entendre le début de sa chanson Paris à cinq heures du matin, interprétée par Marc & André dans leur album Chansons de l'Ecluse (2CD EPM 984312) 

NB : l'air de cette chanson a été utilisé par Bazot pour sa chanson Une Tenue de Loge.

 

Fils du compositeur Marc-Antoine Désaugiers,  Marc-Antoine-Madeleine Désaugiers (1772-1827), s'il fut acteur, auteur, chef d'orchestre, pianiste, compositeur, directeur de théâtre (celui du Vaudeville) et librettiste, a surtout laissé le souvenir d'un des premiers chansonniers français. 

En 1791, il réécrit déjà le Médecin malgré lui pour en faire un opéra-bouffe que son père met en musique.

Emigré à Saint-Domingue et aux Etats-Unis pendant la Révolution, il revint en 1797 à Paris. En 1808, il entre au Caveau reconstitué (le premier Caveau avait été fondé en 1729), en devient le président, et y accueille son ami Béranger. 

En 1810, il s'est fendu de chansons sur le mariage de Napoléon avec Marie-Louise.

En 1815, il compose un mélodrame comique en deux actes, Une Journée de camp.

à gauche : gravure figurant à ses CHANSONS ET POESIES DIVERSES (Editions Dufey, Delloye, Paris, 1834)

On le surnommera l'Anacréon français.

Dans CHANSONS NATIONALES ET POPULAIRES DE FRANCE de DU MERSAN (Paris, 1866), on trouve (pp. 524-8) une notice à son sujet

Il fut membre de la Loge parisienne de la Parfaite Réunion, pour laquelle il composa, selon Bésuchet (qui le qualifie de maçon excellent et joyeux) dans son Précis historique de 1829, sept cantiques qui font l'ornement et le charme des recueils et des Assemblées maçonniques

Pour notre part, nous avons déjà trouvé les titres suivants de chansons dont il est donné comme l'auteur : 

dans La Lyre maçonnique (1810) :

dans La Lyre maçonnique (1811) :

dans La Lyre maçonnique (1812) :

dans La Lyre maçonnique (1813) :

dans La Lyre des Francs-maçons de 1830 (NB : certaines de ces chansons sont reprises des recueils précédents) :

dans les Cantiques de quelques Frères de la Respectable Loge de la Parfaite Réunion : Gloire à notre Vénérable

Désaugiers vu par Bésuchet

DÉSAUGIERS (Marc-Antoine), auteur dramatique, chevalier de la Légion-d'Honneur, a consacré sa vie entière à cette littérature agréable et facile, qui peint si bien le caractère des Français : l'amabilité et la gaîté. Il fut l'un de nos premiers vaudevillistes, et, par sa verve joyeuse et entraînante, notre premier chansonnier. Après avoir enrichi les théâtres du Vaudeville et des Variétés de ses productions, il est devenu, en 1815, directeur de ce théâtre que Boileau a peint et prévu dans ce vers :

Le Français, né malin, forma le vaudeville.

Cette direction cessa en 1822, par la volonté même de Désaugiers ; mais il la reprit en 1825. Il était encore directeur quand il mourut, le 9 août 1827, des suites de l'affreuse opération que nécessite trop souvent la maladie de la pierre ; il était né à Fréjus en 1772. Nous ne citerons aucun de ses vaudevilles, connus de tout le monde ; nous rappellerons seulement qu'il a créé, comme chansonnier, le personnage grivois de Cadet Buteux, auquel il a prêté une foule de choses spirituelles et piquantes : qui n'a pas chanté les revues ou pots-pourris de Cadet Buteux sur la Vestale, sur Artaxerxe et sur les Danaïdes

En 1813 existait depuis plusieurs années une réunion de chansonniers et de littérateurs qui avait pris le nom du «Caveau», en mémoire du caveau illustré par Piron, Panard, Collé, Gallet et Crébillon père et fils. Désaugiers, à la mort du vieux Laujon, avait été appelé à présider cette société, dont les chants contrastaient alors si singulièrement avec les malheurs dont la France était menacée. Je n'ai jamais eu de goût pour les associations littéraires, et l'idée de faire partie d'une société ne devait pas venir de moi-même: le hasard décida que je serais membre de celle-ci. Désaugiers eut l'occasion de voir de mes couplets et chercha à me connaître. Arnault et le comte Regnauld de Saint-Jean-d'Angély arrangèrent, à mon insu, un dîner chez le frère du maréchal Suchet, où Arnault, qui redoutait ma sauvagerie, me conduisit en feignant de me mener chez le restaurateur. Désaugiers m'attendait là.

L'intimité ne tarda pas à s'établir entre nous, et nous n'étions pas au dessert qu'il me tutoyait déjà. Ma réserve naturelle s'en fût peut-être blessée avec tout autre; mais mon habitude de juger les gens au premier coup d'œil ne pouvait être que favorable à cet homme excellent et de mine si gaie. J'éprouvai un véritable entraînement et ne résistai point aux instances qu'il me fit d'accepter de dîner au moins une fois au caveau avec tous ses collègues, que je ne connaissais que de nom. Je m'y rendis au jour fixé et j'y chantai beaucoup de chansons. Chacun parut surpris que, si riche en productions de ce genre, je n'eusse jamais pensé à les publier. «Il faut qu'il soit des nôtres!» fut le cri de tous. Pour obéir aux réglements, qui défendaient de nommer un candidat présent, on me fit cacher derrière la porte, un biscuit et un verre de champagne à la main. J'y improvisai quelques couplets de remerciement pour mon élection faite à l'unanimité, au bruit de joyeuses rasades, et confirmée par une accolade générale.

       Le Caveau

Dans Ma biographie, Béranger (ci-dessous) raconte (texte ci-contre) sa rencontre avec Désaugiers.

 

En 1815, Béranger dédia ce qui suit A MON AMI DESAUGIERS, Président du caveau moderne et directeur du vaudeville :

Bon Désaugiers, mon camarade,
Mets dans tes poches deux flacons;
Puis rassemble, en versant rasade,
Nos auteurs piquants et féconds.
Ramène-les dans l'humble asile
Où renaît le joyeux refrain.
Eh! Va ton train,
Gai boute-en-train!
Mets-nous en train, bien en train, tous en train,
Et rends enfin au vaudeville
Ses grelots et son tambourin.

Rends-lui, s'il se peut, le cortège
Qu'à la foire il a fait briller:
L'ombre de Panard te protège;
Vadé semble te conseiller.
Fais-nous apparaître à la file
Jusqu'aux enfants de Tabarin.
Eh! Va ton train,
Gai boute-en-train!
Mets-nous en train, bien en train, tous en train,
Et rends enfin au vaudeville
Ses grelots et son tambourin.

Au lieu de fades épigrammes,
Qu'il aiguise un couplet gaillard:
Collé, quoi qu'en disent nos dames,
Est un fort honnête égrillard.
La gaudriole, qu'on exile,
Doit refleurir sur son terrain.
Eh! Va ton train,
Gai boute-en-train!
Mets-nous en train, bien en train, tous en train,
Et rends enfin au vaudeville
Ses grelots et son tambourin.

Malgré messieurs de la police,
Le vaudeville est né frondeur:
Des abus fais ton bénéfice;
Force les grands à la pudeur;
Dénonce tout flatteur servile
À la gaîté du souverain.
Eh! Va ton train,
Gai boute-en-train!
Mets-nous en train, bien en train, tous en train,
Et rends enfin au vaudeville
Ses grelots et son tambourin.

Sur la scène, où plus à son aise
Avec toi Momus (*) va siéger,
Relève la gaîté française
À la barbe de l'étranger.
La chanson est une arme utile
Qu'on oppose à plus d'un chagrin.
Eh! Va ton train,
Gai boute-en-train!
Mets-nous en train, bien en train, tous en train,
Et rends enfin au vaudeville
Ses grelots et son tambourin.

Verse, ami, verse donc à boire;
Que nos chants reprennent leur cours.
Il nous faut consoler la gloire;
Il faut rassurer les amours.
Nous cultivons un champ fertile
Qui n'attend qu'un ciel plus serein.
Eh! Va ton train,
Gai boute-en-train!
Mets-nous en train, bien en train, tous en train,
Et rends enfin au vaudeville
Ses grelots et son tambourin.

  (*) Les Soupers de Momus furent une Société très proche du Caveau Moderne, dont fit également partie Bazot.

A la devise de Désaugiers :

Ah ! pour étouffer, n'étouffons que de rire !

semble répondre cette épitaphe, dont l'auteur est Ch. Quentin, et que nous avons trouvée (p. 174) dans la Lyre des francs-maçons éditée à Paris en 1830. 

A la mort de Désaugiers, son ami Bazot lui a dédié un ultime hommage fraternel, sa chanson Désaugiers, que vous trouverez sur notre site Chansons et chansonniers maçonniques.

Sur une page du riche site Miscellanées, on peut lire un hommage à Désaugiers par du Mersan.

Désaugiers au Père-Lachaise : Médaillon en marbre par Dubuc.

Charles Nodier aurait voulu qu'on écrivît sur sa tombe: A DÉSAUGIERS, QUI N'EUT POINT D'ENNEMIS.

Mais, avant de mourir de la pierre, Désaugiers s'était lui-même composé l'épitaphe suivante :

Ci-gît, hélas, sous cette pierre,
Un bon vivant mort de la pierre.
Passant, que tu sois Paul ou Pierre,
Ne va pas lui jeter la pierre.

Un cuisinier quand je dîne 
Me semble un être divin, 
Qui du fond de sa cuisine 
Gouverne le genre humain. 

Qu'ici bas on le contemple 
Comme un ministre du ciel, 
Car sa cuisine est un temple 
Dont les fourneaux sont l'autel. 

(Désaugiers)             

Cliquez ici pour voir la partition du Tableau de Paris à cinq heures du matin.
 

Voici ce que dit de Désaugiers en 1811, dans un article consacré à l'Almanach des Muses, un chroniqueur (anonyme) du Journal des Arts, des Sciences et de la Littérature :

Tout en lui inspire la gaieté. Il suffit de le voir le lundi matin pour être de bonne humeur le reste de la semaine ; aussi ses couplets rappellent le bon temps , celui où les chansonniers ne célébraient que l'amour et le vin, que le vin et l'amour, sans songer à ces roses nouvellement écloses qui dans ces derniers temps ont affadi nos vaudevilles. Que ne puis-je insérer ici, toute entière, la Manière de vivre cent ans dont le couplet suivant peut donner une idée :

Fier sur une tonne,
Narguer le chagrin ;
Prévoir quand il tonne
Un ciel plus serein ; 
Se montrer soumis
Aux coups du sort parfois sévère ;
Tendre à ses amis 
Sa bourse, sa main et son verre;
Suivre la bannière
De Roger Bon-Temps ;
Voilà la manière
De vivre cent ans.

Vers 1816, paraissait cet ouvrage intitulé :

Désaugiers et ses amis ou Recueil lyrique et bachique en l'honneur de Marc-Antoine Désaugiers, Président du Caveau moderne et Directeur du Théâtre du Vaudeville ;

La liste des amis de Désaugiers qui y ont contribué est annoncée :

Antignac, Brazier, P.-J. de Béranger, Bouilly, Dumolard , Emmanuel-Dupaty, J. Dusaulchoy, Gentil, Etienne-Jourdan, A. Martainville, Casimir-Ménestrier, Moreau, Ourry, de Piis, de Rougemont, Tournay, et Valory.

On retrouve évidemment plus d'un maçon - et de collaborateurs des Lyres maçonniques - dans cette liste ...

Ce livre est consultable sur Gallica.

Le Chansonnier français de 1814 contient (pp. 109-122), sous la signature de M. Casimir, convive des soupers de Momus, un long pot-pourri à M. Marc-Antoine Désaugiers, Président du Caveau Moderne. Un de ses couplets (p. 111) concerne son activité maçonnique :

 

AIR : L'Amour est un Dieu volage.

Le vénérable à ta porte
Fait-il toc, toc, toc... maillet ?
Combien ce doux bruit te plaît !
Soudain il te reconnaît
A l'ardeur qui te transporte,
Prenant son bras sans façon,
Tu viens, gai comme un pinson,
Au grand Banquet maçonnique,
Charger canon sur canon,
Et, dans ton élan bachique,
Boire sans perdre l'à-plomb.

 

L'Almanach des Spectacles pour 1828 donne (p. 368) la notice nécrologique suivante :

9 Août. Désaugiers (Marc-Antoine), directeur du theâtre du Vaudeville, né à Fréjus en 1772 ; conduit fort jeune à Paris, il fit de bonnes études au collége Mazarin. Il se trouvait à Saint-Domingue à l'époque de la révolution, et fut, comme il nous l'apprend lui-même dans la préface de ses chansons, victime, à l'existence près, de tous les désastres occasionnés par l'insurrection générale des nègres.

Fils d'un compositeur distingué, auquel on doit les partitions de Florine, du Médecin malgré lui, et du premier drame destiné à célébrer la prise de la Bastille, Désaugiers avait appris la musique ; il touchait agréablement le piano, et ce talent ne lui fut pas inutile à son retour en France.

Ses premiers essais dramatiques furent joués au théâtre des jeunes Artistes et au théâtre des Victoires-Nationales, établi rue du Bac. On remarque déjà dans ces ouvrages de sa jeunesse les qualités qui distinguent ses compositions de l'âge mûr : l'esprit, la gaîté, l'élégance du style.

Désaugiers ne fit point partie de la réunion des Dîners du Vaudeville, mais fut un des fondateurs du Caveau moderne. C'est pour cette société, dont il eut la présidence après la mort de Laujon, qu'il composa la plupart de ses chansons. Quelques-unes sont des chefs-d'œuvres et passeront à la postérité. Aussi correct que Panard, cherchant comme lui la richesse de la rime sans négliger pour cela la raison, Désaugiers a plus de chaleur, plus d'entraînement, plus de verve. Entre autres productions, son Tableau de Paris à cinq heures du matin sera toujours cité comme un modèle de grâce et de goût.

Mais si chacun de nous a lu ses chansons, ce qu'il n'a pas été donné à tous de connaître, c'est l'inépuisable bonté, c'est l'humeur toujours égale, c'est la probité sévère de Désaugiers. Il était plus qu'homme d'esprit, plus qu'homme de talent, il était homme de bien. Désaugiers laisse dans la désolation une femme, un fils et une fille qu'il avait mariée il y a deux ans à M. Foucou, célèbre dentiste. La gloire de son nom est le seul héritage qu'il ait pu leur transmettre. Il laisse aussi deux frères attachés à la diplomatie, et dont l'aîné a obtenu des succès dans la carrière des lettres. De 1799 à 1827, on a joué de lui plus de 120 pièces sur les divers théàtres de la capitale ; dans ce nombre, on en compte une vingtaine qu'il a faites sans collaborateurs. On ne saurait dire avec quel courage il a supporté dix-huit mois de souffrances, avec quel soin il s'attachait à consoler sa famille et ses amis, à détruire leurs inquiétudes. Quelques instans avant de quitter la vie, il calmait par un sourire les tourmens de ceux qui entouraient son lit de douleurs.

Jamais pompe funèbre n'a été environnée d'hommages plus sincères. L'éloge du défunt était dans toutes les bouches. Tous les amis des lettres, sans aucune distinction d'opinion étaient pénétrés des mêmes sensations. La vue du cercueil qui contenait les restes de Désaugiers n'inspirait qu'un sentiment, c'était celui d'un profond regret d'avoir vu s'éteindre si tôt un homme dont la pensée était encore pleine de vigueur, dont l'esprit pétillait de verve et de gaîté, dont le cœur était une fête continuelle. L'envie et la haine n'auraient point trouvé d'interprète : la vérité seule était là.

On lira aussi avec intérêt les pages (29-38) consacrées à Désaugiers par Eugène Vaillant dans Gustave Nadaud et la Chanson Française (Paris, 1911) et celles (91-95) d'Henri Avenel dans son ouvrage Chansons et chansonniers.

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