Un réveillon de St-Jean d'Hiver

La Loge de Boulogne-sur-Mer St-Frédéric[k] des Amis Choisis fut créée en 1767 à la Grande Loge sous le titre la Militaire de St Frédéric des Amis Choisis et constituée par le Grand Orient en 1788 ; elle reprit ses activités sous l'Empire mais disparut en 1825. Cuvelier de Trie (qui était natif de Boulogne) en était le député en 1817.

On peut lire ceci à son sujet dans un article paru en 2010 dans La Semaine dans le Boulonnais :

La première loge maçonnique régulièrement constituée [à Boulogne] par le Grand Orient Français date du 28 juin 1788 (NDLR : cette date est celle de sa reconstitution par le Grand Orient ; en fait, elle avait été fondée en 1767 en tant que Loge militaire, sous les auspices de la Grande Loge), c'est celle de Saint Frédérick des Amis Choisis.

Cette loge tenait un registre des procès verbaux de ses réunions. Dans celui de 1812 relevé par F. Morand « elle rappelle le jour à jamais mémorable, dans son existence maçonnique, où elle eut la faveur brillante de voir siéger parmi ses membres le maréchal Ney lorsqu'il commandait le camp de Boulogne. » Cette loge fut à l'origine de la création de la Chambre de Commerce le 19 mai 1819. Sur les 9 délégués élus pour l'administrer, six au moins étaient francs-maçons. Sur le timbre officiel de l'institution consulaire, figurent d'ailleurs l'oeil et le triangle qui rappellent cette filiation.

Des problèmes financiers récurrents, mais aussi et surtout l'évasion de certains membres, amenèrent la loge à se dissoudre d'elle-même en 1825.

On sait que les maçons français fraternisèrent abondamment avec les maçons étrangers membres des troupes d'occupation stationnées en France de 1816 à 1818.

 

Un tel enthousiasme ne fut cependant pas général. Dans un discours prononcé en 1862 par l'Orateur Ducarre lors de la fête du centenaire de la Loge lyonnaise du Parfait Silence, on peut lire ceci :

Tous les hommes sont frères pour les Maçons ; mais quand les fils d'une autre patrie viennent en armes à notre foyer, fussent-ils Maçons, ils s'appellent l'ennemi, l'étranger. On peut les subir ... leur tendre la main, jamais !

Par contre, on peut lire ici qu'en 1816 le tableau des Frères discrets de Charleville comprenait 11 Prussiens.

Beaucoup de militaires anglais en cantonnement à proximité fréquentaient à ce moment les Travaux de la Loge de Boulogne.

Serait-ce pour désennuyer ces Frères anglais éloignés de leurs foyers que la Loge prit en fin 1816 une décision qui apparaît (même si à l'époque la tradition du réveillon de Nouvel-An n'était sans doute pas aussi répandue que maintenant) comme très inhabituelle : fixer au 31 décembre la célébration traditionnelle de sa Saint-Jean d'Hiver ?

 

Le Procès-Verbal de ces Travaux, qui a été imprimé à l'époque, est téléchargeable sur Google.

Le programme en était chargé, puisque pour commencer deux profanes ont été successivement reçus. On entendit ensuite plusieurs discours (dont celui de l'Orateur, le Frère Lissès, dont nous citons ici un extrait) et la lecture par le Frère Hédouin, Orateur-adjoint, de sa pièce de vers intitulée Le Portrait du Maçon.

Fraternisation franco-britannique oblige, cette Tenue mettait particulièrement en honneur l'Amitié, tant par le discours d'ouverture du Vénérable que par le cantique qui la concluait juste avant le Banquet.

Au cours de celui-ci, on put entendre de nombreuses chansons, dont une est reproduite au Tracé, et il fut particulièrement festif puisqu'y régna selon ce Tracé la gaieté la plus vive, la plus franche, et qu'il présentait l'aspect d'une fête de famille, où les Maçons anglais et français, réunis par les préceptes d'un Ordre qui a pour base la concorde et la paix, se donnèrent plusieurs fois des marques de leur fraternelle amitié.

Mais sur ces entrefaites minuit profane sonnait et l'année 5817 commençait : le Vénérable ... fit parcourir le baiser de paix, avec ces mots : Amitié ! Bonheur ! En ce moment, les transports de la joie la plus pure étaient unanimement répandus : des vœux pour le bonheur général et pour le bonheur particulier se firent entendre, et l'Atelier présenta un spectacle si beau, si touchant, qu'il porta jusqu'aux hommes les plus graves une douce émotion, dont la plus froide austérité n'aurait pu se défendre.

Le devoir de philanthropie ne fut pas oublié puisque la Loge avait arrêté précédemment qu'une abondante distribution de pain aux indigens de la ville aurait lieu dans le même tems que la célébration de la fête de l'Ordre. Elle eut la satisfaction d'apprendre que les dispositions prises à cet égard avaient reçu leur entière exécution. Ainsi, les Maçons en s'unissant par la bienfaisance aux efforts de toutes les associations philantropiques, commencèrent l'année sous les auspices de la paix, de la concorde et de l'amitié fraternelle.

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