Préjugés du vulgaire sur l'Art Royal

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Cette chanson occupe les pages 128 à 133 de la Lyre maçonne pour les travaux et les banquets de Le Bauld-de-Nans.

Tout en adoptant les formes, classiques à l'époque, à la fois de la chanson de santé et de la moquerie quant aux ridicules croyances du vulgaire stupide sur la maçonnerie, elle nous semble particulièrement intéressante par l'un ou l'autre point qu'elle met en évidence :

- les maçons ne sont plus (couplet 2) de simples opératifs (s'ils appliquent l'équerre sur la pierre, ce n'est pas au sens matériel mais au sens symbolique), mais, tout en étant (couplet 6) de bons vivants, ils ne s'occupent (couplet 1) pas pour autant que de fadaises, démentant ainsi l'opinion que Clément prêtait à l'un des personnages de sa pièce Les Fri-Maçons : Votre but n'est autre chose que de vous amuser de la curiosité du public. Tout votre secret est qu'il n'y en a aucun, et votre serment est de ne pas dire qu'il n'y ait point de secret.

- mais ils ne passent par leur temps non plus (couplet 3) à des fantaisies ésotériques telles que Cabale ou alchimie ; Le Bauld prend ainsi manifestement ses distances par rapport à de telles dérives, qui avaient un succès certain auprès de nombreux maçons des hauts grades au XVIIIe, particulièrement à Berlin (voir à ce sujet le remarquable ouvrage de Le Forestier, La Franc-Maçonnerie templière et occultiste aux XVIIIe et XIXe siècles) ; il met dans le même sac (couplets 4 et 5) d'autres fantaisies du même tonneau, moins répandues (évocation des esprits, nécromancie, voyages dans l'espace).

- par contre (couplet 7), il évoque comme devoir de l'Ordre le fait de faire le bien du Monde, idée encore assez peu répandue au XVIIIe mais qu'on retrouve ailleurs dans son recueil et qui préfigure une évolution qui se développera au XIXe.

Le Bauld mentionne au bas de la première page de partition que l'air provient de Richard-Coeur-de-Lion. Il s'agit effectivement de l'opéra (1783) de Grétry portant ce titre, et dont l'air concerné est Quand les boeufs vont deux à deux.

Préjugés 

du 

vulgaire sur l'Art Royal

 

 

 

 

 

Freres Maçons, mes Compagnons,
Préparons nos Canons ;
Chargeons-les ; faisons bon feu :
Pour nous ce n'est rien qu'un jeu. 

CHOEUR

Chargeons-les ; faisons bon feu :
Pour nous ce n'est rien qu'un jeu. Fin.

 1

On prétend qu'à la fadaise
Nous nous livrons à notre aise,
Que nos secrets ne sont rien.
Quand les bavards s'époumonent,
Moi, sans que leurs cris m'étonnent,
Je répète mon refrain.

Freres Maçons, mes Compagnons &c.

 2

L'autre nous traite en Manoeuvres
Occupés vraiment des oeuvres
Du Temple de Salomon.
Tandisqu'il croit qu'à la pierre,
Nous appliquons notre équerre,
Je répète ma chanson.

Freres Maçons, mes Compagnons &c.

 3

Tel dit que sur la Cabale,
La Pierre philosophale,
Notre Art nous donne leçon.
Tandisque cette bêtise 
Trouve à plaire â la sottise, 
Je répète ma chanson.

Freres Maçons, mes Compagnons &c.

 4

Laissons à d'autres prétendre,
Qu'un mort ne peut se défendre
D'obéir à notre ton.
Des morts respectant la cendre,
Aux vivants faisons entendre
Le refrain de ma chanson.

Freres Maçons, mes Compagnons &c.

 5

Tel en croyant qu’à Saturne, 
Par une humeur taciturne,
Notre esprit va voyager,
Par une route commune,
Chasse le sien dans la Lune.
Tandísqu’il va s’y loger,

Freres Maçons, mes Compagnons &c.

 6

Si, voyant notre allégresse, 
On nous disait une espèce 
Qui n'aime que le plaisir ; 
Je tiendrais le fait probable, 
Au refrain qu’à cette table, 
Nous faisons tant retentir.

Freres Maçons, mes Compagnons &c.

 7

Mais laissons dans sa croyance
La ridicule ignorance,
Et suivons notre chemin.
A l'Ordre il faut qu'on réponde,
Et faire le bien du Monde
Tout en chantant mon refrain

Freres Maçons, mes Compagnons,
Préparons nos Canons.
Chargeons-les : faisons bon feu ;
Pour nous ce n'est rien qu'un jeu. (bis

CHOEUR

Chargeons-les : faisons bon feu,
Pour nous ce n'est rien qu'un jeu. (bis

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