Aux Mânes du meilleur des hommes

Ce feuillet de 4 pages (dont 3 imprimées et une vierge), qui fait partie de notre collection personnelle, est une pièce unique dans la mesure où elle porte une indication manuscrite qui nous a permis d'en identifier l'auteur, le lieu et la date.

Il s'agit d'une cantate maçonnique (sans indication concernant la partition) intitulée Aux Mânes du meilleur des hommes et constituant l'hommage d'un ami à un Frère disparu, du nom de Chaillot.

La signature imprimée F. J. est surchargée à la main en F:. Juris, membre actif de la Respectable Loge l'Heureuse Alliance Orient de Provins.

Le fichier Bossu nous renseigne effectivement un Juris, avocat, membre en 1807 de l'Heureuse Alliance à Provins (1807 est précisément l'année où cette Loge, fondée en 1783 et entrée en sommeil en 1788, se réactiva). Nous n'avons rien trouvé d'autre à son sujet.

Le fichier Bossu nous donne également :

Nous pensons qu'il s'agit de deux personnes différentes (père et fils) qu'on peut mieux identifier ainsi :

Il semble évident que c'est bien de ce dernier qu'il s'agit ici, ce qui permet de dater le document de 1814, date de son décès.
 

Immmortalité symbolique

Les vers 

Il vit toujours ...
Puisqu’il lègue en mourant, à chacun de ses frères,
Le souvenir touchant de ses rares vertus.

rappellent un thème classique (voir par exemple ici) dans la littérature funéraire maçonnique : un maçon ne meurt pas puisqu'il continue à vivre dans le coeur de ses Frères. Comme le dit l'Orateur au cours de la pompe funèbre à la Loge bruxelloise de l'Espérance le 13 avril 1824 :

ils sont morts ...... Mais dans ces lieux l’amitié est étemelle ; leur souvenir n’y périra jamais.

                         
                                         

AUX MâNES

DU

MEILLEUR DES HOMMES.

 

 

CANTATE MAÇONNIQUE.

 

Heureux Enfans de la Lumière,
Quel nuage obscurcit votre antique splendeur ?
Pourquoi ces apprêts de douleur?
M'annoncez-vous quelque mystère ?
Des cyprès ! ... un tombeau ! ... triste et fatal réveil !
Tout me dit : Pleure, pleure un frère !
Chaillot a fini sa carrière ;
Il dort d'un éternel sommeil.

 

Heureux Enfans de la Lumière,
Un nuage obscurcit votre antique splendeur.
Héla s! ces apprêts de douleur
Pour moi ne sont plus un mystère !

 

Sur sa tige j'ai vu, mollement suspendu,
Le lis avec candeur étaler sa parure. . .
Hélas! que lui servit d’embellir la nature !
Sous l’effort des autans le lis a disparu.

 

Tel, brillant, entouré des attraits de la vie,
Il tombe avant le temps ; la Parque, sans pitié,
Par un double forfait exerçant sa furie,
Vient frapper les vertus au sein de l’amitié.

 

Pleurez, Enfans de la Lumière,
D'un nuage voilez votre antique splendeur.
Hélas ! ces apprêts de douleur
Pour moi ne sont plus un mystère !

 

Et toi, qui mis ta gloire à finir son destin ;
Toi, qui couvres nos cœurs de voiles funéraires,
0 Mort ! tu n'as encor qu’un triomphe incertain.
Va, tu peux nous ravir ces dépouilles dernières ;
Il vit toujours, malgré tes efforts superflus,
Puisqu’il lègue en mourant, à chacun de ses frères,
Le souvenir touchant de ses rares vertus.

 

Heureux Enfans de la Lumière,
Un nuage obscurcit votre antique splendeur.
Hélas! ces apprêts de douleur
Pour moi ne sont plus un mystère !

 

Ombre de mon ami ! du séjour de la Paix
Réjouis-toi : l’orgueil ni de vils intérêts
Ne t'ont pas destiné leur pompe sacrilège ;
A tes derniers moments, rappelant tes bienfaits,
L’indigent éploré composait ton cortège,
Et tes amis en deuil, 
Conservant près de toi leur triste privilège,
Des larmes du regret ont baigné ton cercueil …
Hélas ! je cède encore au penchant qui m’entraîne :
Pleurer sur la vertu c'est ennoblîr sa peine !

 

Et vous, de qui ma voix répète les douleurs,
O mes amis ! sur l'urne hospitalière
Répandez un encens aussi pur que ses mœurs.
Que, dans ce jour de deuil, près du tombeau d'un frère,
Nos coeurs servent d’autels, et nos regrets ... de fleurs ;
Que l’homme généreux, le modèle des sages,
Près de qui le malheur oubliait ses orages ;
Que le fidèle ami, que l'époux vertueux,
Qui, par son seul trépas, a fait couler des larmes,
Puisse du moins, au séjour des heureux,
Dans nos regrets trouvant encore des charmes,
Dire, en portant vers nous ses regards attendris :
L’Amitié m'a pleuré ; les vertus ont leur prix.

 

Heureux Enfans de la Lumière,
Reprenez désormais votre antique splendeur ;
Mon cœur me dit, malgré ces apprêts de douleur :
Son immortalité ne peut être un mystère. 

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