CANTIQUE

Sur l'Air :  Aimons, aimons-nous.

Et la fortune et des Ayeux
Font que dans le monde on vous prise ; 
Un rang, des titres fastueux 
Eblouissent l'ame indécise.
A ces dons, qu'on tient du hasard, 
Ici nous n'avons point d'égard ;
 
Cœurs simples, sans fard ! 
C'est nous, c'est notre devise ! 
Cœurs simples, sans fard ! 
Nous aimer, voilà notre Art !

 2

Peu de biens, beaucoup de talens,
On vous fuit, et l'on vous méprise :
Beaucoup d'or et peu de sens,
On vous recherche, on vous courtise,
A cet or, qu'on tient du hasard, 
Ici nous n'avons point d'égard :
 
Cœurs simples, sans fard ! 
C'est nous, c'est notre devise ! 
Cœurs simples, sans fard ! 
Les vertus, voilà notre Art!

 3

En beaux discours, en vains sermens,
Souvent un profane s'épuise ; 
Pour lui tous sont amis constans, 
Erreur que l'usage autorise ! 
A ces noms qu'on donne au hasard, 
Ici nous n'avons point d'égard :
 
Cœurs simples, sans fard ! 
C'est nous, c'est notre devise ! 
Cœurs simples, sans fard ! 
Franchise, voilà notre Art !

 4

Un Riche, avare sans pitié, 
Se permet et ruse et surprise ; 
Sous les dehors de l'amitié 
Sa finesse en vain se déguise ; 
C'est pour nous un faible rempart,
Nous la démasquons tôt ou tard :
 
Cœurs simples, sans fard ! 
C'est nous, c'est notre devise ! 
Cœurs simples, sans fard ! 
Vérité, voilà notre Art !

 5

L'homme puissant, par vanité
Avec le faible s'humanise; 
Bientôt de cette urbanité 
Son triste orgueil se scandalise : 
Au pouvoir qu'on tient du hasard 
Ici nous n'avons point d'égard :
 
Cœurs simples, sans fard ! 
C'est nous, c'est notre devise ! 
Cœurs simples, sans fard ! 
Constance, voilà notre Art !

 6

A se brouiller l'homme est tout prêt, 
Quand l'appât du gain le maîtrise ;
Toujours uni par l'intérêt, 
C'est l'intérêt qui le divise ; 
Aux biens que l'on tient du hasard 
Ici nous n'avons point d'égard :
 
Cœurs simples, sans fard ! 
C'est nous, c'est notre devise ! 
Cœurs simples, sans fard ! 
L'Union, voilà notre Art.

 7

être doux par timidité, 
Vertueux par fainéantise, 
Charitable par vanité,
C'est le comble de la sottise ; 
Aux vertus qu'on tient du hasard
Ici nous n'avons point d'égard :
 
Cœurs simples, sans fard ! 
C'est nous, c'est notre devise ! 
Cœurs simples, sans fard ! 
La Force, voilà notre Art !

 8

Le vice est un secret penchant 
Que la paresse favorise ; 
Il devient un feu dévorant, 
Qui dans le cœur s'impatronise ; 
A lui prêsenter un rempart 
Nous nous occupons sans retard :
  
Cœurs simples, sans fard ! 
C'est nous, c'est notre devise ! 
Cœurs simples, sans fard ! 
Le vaincre, voilà notre Art !

 9

Nous éviterions bien des maux 
Si notre ame était plus soumise ;
Mais en connaissant nos défauts,
Nous n'aimons pas qu'on nous les dise ; 
Un Frère ici lance un regard,
Nous obéissons sans retard :
Cœurs simples, sans fard !
 
C'est nous, c'est notre devise ! 
Cœurs simples, sans fard ! 
Obéir, voilà notre Art !