Nouveau Temple à Luxembourg en 1820
Dans le Tome IV (année 1820) des Annales chronologiques, littéraires et historiques de la maçonnerie des Pays-Bas à dater du 1er janvier 1814 (ce tome est accessible via la digithèque des bibliothèques de l’Université Libre de Bruxelles), Auguste de WARGNY publie (pp. 7-32) le Tracé de la fête donnée le 9 janvier 1820 à la Loge luxembourgeoise des Enfants de la Concorde fortifiée lors de l'inauguration de son nouveau Temple et de la célébration simultanée du Solstice d'Hiver.
Des cantiques français, hollandais et allemands furent chantés à cette occasion ; les annexes contiennent les textes des deux composés par le Frère Cornély sur des paroles du Frère Schrobilgen, Orateur de la Loge (voir plus bas) et exécutés, le premier pendant la cérémonie et le deuxième pendant le Banquet.
Créée en 1802 (Luxembourg est à ce moment le chef-lieu du département français des Forêts) par deux survivants civils de la première Loge fondée en 1770 et les membres de la Loge militaire de la 41ème demi-brigade de l'armée française, la Loge des Enfants de la Concorde fortifiée reçoit en 1803 ses lettres patentes du Grand Orient de France.
Comme la Belgique voisine, le Luxembourg est intégré après le Congrès de Vienne au Royaume des Pays-Bas et la Loge relève alors du Grand Orient des Pays-Bas. En 1818 elle achète un bâtiment (qu'elle occupe encore de nos jours, même s'il a connu plusieurs incendies) qu'elle inaugure en 1820.
Cette Loge existe toujours, sous les auspices de la Grande Loge de Luxembourg.
On trouve d'intéressants éléments sur son histoire ici et ici.
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Le Frère Schrobilgen, auteur des paroles et Orateur de la Loge est Mathieu Lambert Schrobilgen, citoyen influent, protecteur de Cornély, dont nous avons trouvé (p. 914), dans la thèse de Rosette Choné La circulation tranfrontalière des objets, des idées et des hommes entre Meuse et Rhin, 1815-1870, le portrait très complet que nous reproduisons ci-dessous :
SCHROBILGEN Mathieu Lambert (1789-1883) franc-maçon, musicien journaliste au le café français, à Luxembourg. Le voltairien Mathieu Lambert Schrobilgen, né à Luxembourg, parcourt un itinéraire riche et intéressant ; la famille de sa femme est originaire de Coblence, mais elle étudie à Nancy. La famille Schrobilgen anime une auberge-casino à Luxembourg. Entre 1820 et 1823, elle sert à déjeuner au régiment prussien en garnison. Elle tient également le café Français qui est le cadre de toutes les manifestations culturelles et mondaines, aussi bien des officiers de la garnison prussienne que des bourgeois de la ville. A partir de 1821, la troupe théâtrale professionnelle Leiffring et Homy de Trèves y donne de nombreuses manifestations. Des concerts et des bals par abonnement y sont nombreux. Dès 1826, le Café Français abrite les réunions et les fêtes de la société du cercle littéraire fondée par le gouvernement Willmar, Th. I. de La Fontaine, Fr. Scheffer, le chef du Waterstaat de Moor, J. B. Gellé. A Clausen, les Schrobilgen possèdent un jardin avec salles de fêtes pour concerts et bals, et même des bains ouverts à partir du 1er avril. Mathieu Lambert étudie d'abord à Châlons-sur-Marne puis, de 1804 à 1807, il fréquente le Lycée de Metz. De là, il gagne Paris pour étudier le Droit au Prytanée français (devenu Lycée Louis Le Grand). Dès 1814, Schrobilgen se fait recevoir à la loge du Luxembourg dont devient bientôt et pour un demi siècle, un des membres les plus influents, groupant autour de lui, des personnalités politiques, littéraires et artistiques ; lui-même est musicien, excellent violoniste et possède un Amati. ll joue chaque jeudi, pendant plus d'un demi-siècle du Haydn, Mozart ou Beethoven en quatuor avec Baillot (1721-1842), Rode (1274-1834), Kreutzer (1766-1831) puis avec J. F. Pirotte (1797-1879) de Tihange près de Liège, Jurion et Auguste Greyson, bruxellois. La loge militaire prussienne est fondée en 1820 à Luxembourg. C'est également en 1820 que Schrobitgen est nommé par le roi, secrétaire de la Régence. Et c'est en cette qualité qu'il est amené à prononcer de nombreux discours. Avec ses amis, il partage une véritable vénération de la langue et de la culture françaises et cette attitude profonde les a incités à fonder, en 1821, une troupe théâtrale. Ses efforts pour la suppression de la langue allemande l'ont poussé jusqu'à refuser cette langue dans ses relations officielles avec les autorités prussiennes. Et en 1834, le conseil de la Régence décide de ne plus délibérer sur les pièces rédigées en allemand et non accompagnées d'une traduction. Cette décision, bien que rapidement annulée, révèle un état d'esprit vis à vis de telle ou telle culture véhiculée par la langue. D'ailleurs, à l'administration de l'Athénée, Schrobilgen s'oppose à I'abbé Muller, directeur de 1821 à 1866 qui se sert de l'allemand dans ses rapports. En 1826, Mathieu Lambert Schrobilgen et Jacques Lamort (1785-1856) fabricant de papier et imprimeur de journaux, fondent Le journal de Ia ville et du Grand Duché du Luxembourg, réputé "pour son manque d'objectivité" assure Louis Lefèvre, parce qu'il réussit à faire disparaître dans les huit jours, son concurrent, le Luxemburger Wochenblatt de langue allemande. Bien qu’orangiste, le journal relate la Révolution belge ce qui faillit coûter à son directeur, ses fonctions de secrétaire de la ville mais Schrobilgen se place toujours en dehors de la mêlée malgré la volonté de J. B. Nothon (né en 1805) rédacteur du Courrier des Pays-Bas de l'entraîner à la suite des révolutionnaires. Les années de 1830 à 1839, sont difficiles à comprendre tant les courants orangistes, catholiques et libéraux interfèrent. En 1839, un nouvel état de choses force Schrobilgen à démissionner de ses fonctions de l'administration de l'Etat ; il obtient la place de greffier en chef de la cour. En 1841, Schrobilgen applaudit le refus du roi de ratifier le traité du Zollverein et accueille avec un calme relatif, son rétablissement quelques mois plus tard. Les appréhensions viscérales de Schrobilgen et de ses amis semblent vérifiées quelques décennies plus tard. Peu à peu, Schrobilgen se mue en petit bourgeois paisible. En 1848, il s'inquiète de la tendance vers un socialisme "rêve d'imagination en délire" et en souffre. En fait, il n'est révolutionnaire qu'en tant que fils de la grande Révolution.