Gloria in excelsis

Les chansonniers maçonniques américains abondent en hymnes de nature religieuse, souvent dépourvus de la moindre référence maçonnique, et donc purement et simplement analogues à ceux qui sont chantés dans les temples protestants et dans les églises.

C'est le cas de ce Gloria, dont la musique est de Southard ; il figure aux pages 165-8 du recueil The Masonic Orpheus de 1870 et nous ne reproduisons ici que la première de ces pages, dans le seul but d'illustrer ce fait et d'introduire sur ce site un compositeur maçon peu connu.
 

Tenue maçonnique ou office religieux ?

A partir d'un point de départ identique, les premières Constitutions d'Anderson, les maçonneries anglo-saxonnes et les maçonneries continentales (en tout cas pour la plus grande part de leur composante francophone) ont évolué d'une manière totalement différente en matière de position vis-à-vis des religions.

La maçonnerie opérative, et les Constitutions d'Anderson qui se considèrent comme leur continuation, sont évidemment d'inspiration religieuse (elles proclament que le Grand Architecte de l'Univers est Dieu - mais qui à l'époque en Angleterre eût pu penser autrement, et surtout le dire ?) et chrétienne, et elles excluent dès lors - en tout cas en principe - l’accès de la maçonnerie aux athées stupides et aux libertins irréligieux (l'interprétation de cette consigne a fait depuis longtemps, et fait encore, l'objet de vifs débats dans le milieu maçonnique, particulièrement francophone).

Elles se caractérisent cependant par une grande tolérance. Née dans une Angleterre qui se remet à peine de terribles guerres de religion, et avec l’objectif sous-jacent de créer des liens d’amitié entre des personnes de communautés et convictions diverses - et c’est une des raisons pour lesquelles les débats religieux, comme les débats politiques, y seront interdits -, la maçonnerie andersonienne entend accueillir tous les croyants sans se mêler de leur religion : elle leur demande d’avoir une religion, mais ne veut pas savoir laquelle. La seule religion qu’elle impose aux maçons - tout en les laissant libres de leurs opinions particulières - est cette Religion sur laquelle tous les Hommes sont d'accord, c'est-à-dire, être des hommes bons et loyaux. L'intention des auteurs est-elle de désigner par là toute religion chétienne, ou rien d'autre que la simple religion naturelle ? Les opinions divergent. 

Toujours est-il qu'en Angleterre, des traditionalistes, mécontents qu’on ne prie plus en loge comme on le faisait dans les loges opératives, choisiront une interprétation restrictive ; après un long conflit (dit des Antients et des Moderns), ils finiront par l’emporter en 1813. Ce n'est donc plus une forme plus ou moins déiste de religion naturelle qui est exigée, mais une religion révélée. Même si elle admet de longue date des membres d'autres religions que chrétiennes, la Grande Loge unie d'Angleterre, précisément créée en 1813, rappellera en 1878 que 

le premier et le plus important Landmark est la croyance au Grand Architecte de l'Univers 

et elle durcira encore sa position en 1929 en publiant dans ses huit Principes de base pour la reconnaissance par elle d'une grande loge étrangère que 

la croyance dans le Grand Architecte de L'Univers et en Sa volonté révélée sont une condition essentielle de l'admission des membres  

(en 1989, une nouvelle version n'exigera plus que la croyance en un Être Suprême, ce qui montre bien à quel point est hypocrite le discours sur l'immuabilité des Landmarks).

Il ne faut donc pas s'étonner, dans les maçonneries anglo-saxonnes et apparentées, de voir les réunions de Loges prendre parfois le caractère de cérémonies religieuses.

Particulièrement à partir du XIXe, la maçonnerie francophone, pour sa part, se montrera en général plus fidèle à une interprétation large des principes initiaux d’Anderson et même, évoluant en sens contraire des anglo-saxons, elle s'ouvrira progressivement aux options philosophiques areligieuses. 

La manière la plus naturelle de respecter le landmark "ni politique ni religion" ne serait-elle pas finalement de s'abstenir d'évoquer en Loge quelque dieu que ce soit, et a fortiori de l'invoquer ?

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