Le pape et les francs-maçons
Nous avons trouvé cette impertinente chanson aux pp. 159-162 du recueil Loisirs lyriques de Robert-Dutertre, publié en 1866.
Le texte est bien dans la ligne d'autres de la même époque, consécutifs à la condamnation papale de 1865 qui avait provoqué des réactions diverses, allant de l'indignation à - comme c'est le cas ici - la moquerie. Le ton rappelle quelque peu celui d'une chanson belge des mêmes années.
Le style des injures prêtées au pape annonce celui des incroyables imaginations - auxquelles un autre pape, Léon XIII, se ridiculisera en leur prêtant une foi aveugle - de Léo Taxil.
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Robert-le-Diable est un opéra de Meyerbeer (1831) qui connut un succès triomphal. A la scène 2 du 3e acte, on entend une Valse infernale provenant de l’entrée des caveaux de l'enfer : le choeur chante
Noirs démons, fantômes,
Oublions les cieux ;
Des sombres royaumes
Célébrons les jeux.
Le choix de cet air (dont on trouvera également une utilisation ici dans le même esprit) n'est évidemment pas dû au hasard ...
En voici une interprétation historique et une plus récente (2000) :
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LE PAPE ET LES FRANCS-MAÇONS
(BALLADE)
Air : De la valse de Robert-le-Diable.
Pour rôtir vos âmes,
Le globe fourmille
Vos forfaits sans nombre,
Et là, dans cet antre,
Assis sur les cornes
Vos lèvres, rougies
Comme à des satrapes,
La ronde infernale
Dans la sarabande,
Ainsi, quand je prie
Oui, je me consume
Mais il reste une arme
Amorçons la poudre,
Il dit et s’empresse,
Et toujours la troupe |
Une réédition en 1875 La Muse républicaine a été un recueil, de poèmes et chansons principalement, qui a paru annuellement dans les années initiales de la Troisième République. On trouve sur Gallica les éditions de 1875, 1877, 1878, 1879 et 1880-1. Comme le nom le donne à penser, il était progressiste, ce qui explique sa sympathie pour la maçonnerie, sympathie qi'il affiche en se présentant, dans ses publicités, comme revue de poèmes, satires, chansons patriotiques et franc-maçonniques. Son directeur, Amaury-Louis Boué de Villiers (1834-1883 ?), accompagne d'ailleurs parfois sa signature de la triponctuation maçonnique. On trouve par exemple, en tête de l'édition 1877, un discours présenté le 7 juin 1876 par Boué à sa Loge ébroïcienne la Sincérité de l'Eure. Y figure aussi (p. 219-20) une fable intitulée LA ROUTINE, LE PROGRÈS ET LA RAISON (le titre indique la couleur ! le poème se termine d'ailleurs par une flèche contre Rome et les jésuites), dédicacée à Boué par Auguste Hazard, Rose-Croix (RC avec triponctuation). Dans le recueil 1875, aux pp. 179-181, on retrouve (sous la signature Robert Dutertre et avec seulement quelques changements dans la ponctuation) le texte ci-dessus, mais sans indication d'air (alors même que la table des matières le range dans les chants et chansons), et plus explicitement sous-titré Ballade maçonnique au lieu de Ballade. |