Pot-pourri maçonnique (et républicain ?)

 

Le Pot-pourri maçonnique chanté au banquet de la Loge du Septentrion à l'Orient de Gand le 28e jour du 12e mois 5837 (28 février 1838), dont on voit ci-contre l'en-tête, est consultable ici.

Le  signataire C. F. est Charles Froment.

Il s'agit évidemment d'une réaction, très vigoureuse, à la condamnation de la maçonnerie par les évêques belges, début janvier ; la Loge en question est un leader du clan orangiste, et le texte marque donc son attachement à la dynastie (mais celle des Pays-Bas).

Le texte a été aussitôt publié dans le n° 61 du 2 mars 1838 du Messager de Gand (feuille orangiste dont Froment était un collaborateur).

Il a aussi été récupéré dans la 58e livraison (mars 1838) de Les Euménides, recueil de pamphlets et de libelles sur les hommes et les choses en Belgique (pp. 156-161). Mais comme cette très anticléricale revue était, elle, républicaine, elle a transformé le titre et le texte pour en faire un Pot-pourri maçonnique-républicain.

On trouvera ci-dessous la comparaison des deux textes (les différences sont en mauve) ; un point de convergence entre les deux, malgré leurs différences idéologiques, est l'hostilité au roi Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, traité de Cobourgien et détesté tant par les uns (qui le considéraient comme un usurpateur) que par les autres (qui lui auraient préféré un régime républicain).

Le vers Que nous importe, ou Malines, ou la Mecque constitue une proclamation de tolérance religieuse très commune à l'époque (cfr par exemple le Chrétiens, payens, ne formez plus de secte de Legret, le Fils de Jésus, ou Mahomet de Delorme ou le N'attendez pas que je m'explique sur Mahomet et sur Jésus de Cuvelier de Trye).

Dans la colonne de droite, nous avons placé des liens vers les airs mentionnés.

Nous n'avons pu décoder l'allusion qui fait l'objet de la note de bas de page ; il doit s'agir d'un membre de la Loge que la circulaire des évêques avait aussitôt convaincu de renoncer à la maçonnerie.

Version originale du Septentrion  Version imitée par les Euménides

Pot-pourri maçonnique

chanté au banquet 

de la Loge du Septentrion à l'Orient de Gand,

 le 28e jour du 12e mois 5837.

 

Le frère se lève avec majesté :

Air : Dies iræ, dies illa. 

(Chant grégorien dans toute son expression.)

Dies iræ, dies illa !...
Où l'évêché nous déclara
Qu'en masse..... on nous étuvera !

(Là-dessus un ah! partant du coeur du frère et du choeur de l'auditoire.)

Air : La faridondaine.

Car, vous savez, mes bons amis,
Que le roi de Maline
Au diable nous a tous promis,
Pour garnir sa cuisine.
Il nous menace du chaudron,
La faridondaine, la faridondon,
Dans un réquisitoire écrit
Biribi
A la façon de barbari
Mon ami.

Air : Ah ! ça ira....

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
La famille entière
A la chaudière !
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
A tous les maçons, il en cuira !

RÉCITATIF A VOLONTÉ.

Les jours gras sont finis, le carême commence,
Le pieux carnaval va reprendre son cours ;
Et l'autre carnaval n'a duré que trois jours !
Des deux dominos noirs, voilà la différence.

Air : T'en souviens-tu...

 (Avec componction.)

Dans le tombeau vient, hélas ! de descendre
Le mardi-gras, roi de peuples si gais :
L'Etna romain a fait pleuvoir sa cendre
Sur mille fronts, de plaisir fatigués.
Voici venir les jours de pénitence ;
Ingrat troupeau, du bercail détaché
Nous qu'Engelbert a crossé d'importance,
Confessons-nous, - car nous avons péché !

CHOEUR DES PERVERTIS

Air de Robert : Noirs démons, fantômes.

Maudits par les prônes,
Narguons Lucifer,
Et pavons d'aumônes
Le seuil de l'enfer !

(Le frère reprend sur le même ton et avec la même humilité.)

Quand le brouillard captive sa paupière,
Quand, s'égarant dans un horizon noir,
Un malheureux cherche en vain la lumière
Que lui ravit la calotte Eteignoir ;
Nous lui disons : l'ignorance est impie,
Dieu pour ses fils n'a fait rien de caché,
Pour plaire à Dieu, bravez la sacristie....
Confessons-nous, - car nous avons péché !

CHOEUR DES PERVERTIS.

Maudits par les prônes,
Narguons Lucifer, 
Et pavons d'aumônes
Le seuil de l'enfer !

(Le frère reprend :)

Quand vint l'hiver, - cet hiver homicide,
Aux dards aigus, hérissés de glaçons,
D'épanchemens, votre main fut avide,
De l'indigent vous sentiez les frissons.
Or, on nous dit que tout bon prêtre évite
Tout malheureux à sa robe accroché :
Samaritains, nous blessions le lévite ;
Confessons-nous, - car nous avons péché !

CHOEUR DES PERVERTIS.

Maudits par les prônes,
Narguons Lucifer,
Et pavons d'aumônes
Le seuil de l'enfer !

(Nouvelle reprise du frère.)

Des vieux Nassau nous portions la bannière,
Nous la portions, - haute - et le front levé,
Loin d'adorer, le front dans la poussière
Un roi chétif - le dessous d'un pavé !
L'église en vain nous ordonnait d'y croire,
Nous tenions, tous, notre coeur attaché
A l'espérance ainsi qu'à la mémoire.
Confessons-nous, - car nous avons péché !

CHOEUR DES PERVERTIS.

Maudits par les prônes,
Narguons Lucifer,
Et pavons d'aumônes
Le seuil de l'enfer.

Air : Le bon roi Dagobert

Le bon roi Cobourgien
A tout prendre, est franc-maçonnien,
Mais le grand Engelbert
Dit à ce nouveau Dagobert ;
Sire, les maçons
Sont des polissons ;
Vous êtes leur chef,
Craignez notre bref.
« Comment ? reprit le roi,
» Je n'suis pas plus maçon que toi... »

Air : J'ai pris goût à la République.

(Ceci doit être chanté d'une voix piteuse.)

« Je suis.... ce que veut la Belgique,
» C'est-à-dire... l'épiscopat ;
» Je suis un merlan pacifique
» Tout prêt à mordre à votre appât.
» Ainsi que l'épouse chérie,
» Objet de mes premiers regrets,
» J'enterre la maçonnerie,
» Sauf à dire ; toi que j'aimais ! »

Air : Ah le bel oiseau !

(Ceci chanté sans allusion à Léopold.)

Mais qu'importe un roi d'un jour ? 
Francs-maçons, ferme à l'ouvrage !
Mais qu'importe
un roi d'un jour ? 
Bâtissons ... pour le retour !...

Le village à la cité
Depuis sept ans fait la guerre,
Amis de l'égalité
N'abandonnons pas l'équerre.

Car qu'importe un roi d'un jour ? 
Francs-maçons, ferme à l'ouvrage !
Car qu'importe un roi d'un jour ? 
Bâtissons pour le retour !...

La raison fait des faux pas,
L'édifice au loin chancelle,
Ayons en main le compas,
Et sur le dos la truelle.

Car qu'importe un roi d'un jour ? 
Francs-maçons, ferme à l'ouvrage !
Car qu'importe
un roi d'un jour ? 
Bâtissons pour le retour !...

Que le roi chéri de tous,
Malgré le souffle du prêtre,
En
revenant parmi nous,
Puisse encore nous reconnaître !

Car qu'importe un roi d'un jour ? 
Francs-maçons, ferme à l'ouvrage !
Car qu'importe
un roi d'un jour ? 
Bâtissons pour le retour !...

Air : De la Parisienne.

Accordons un chant funéraire
A Coeur-de-Poule, ancien pompier,
Nous lui disions : Soyez un frère ;
Il nous dit; « Je suis marguillier.
» Voici venir le jour de Pâque,
» Et puis, j'ai ma stalle à St-Jacque,
» Et le goupillon
» Me donne un frisson,
» Ni plus, ni moins, ni plus ni moins qu'un
bataillon,
» Qu'un
bataillon de cosaques ! » (1)

Air : Je suis Français, mon pays avant tout.

Sur nous, amis, du très-saint archevêque,
Le pistolet, je pense, a fait long feu :
Que nous importe, ou Malines, ou la Mecque,
A nous tous, qui croyons en Dieu ?
D'un prince aimé célébrons la naissance,
Et si Dieu proscrit nos souhaits,
S'il trouve un crime à
la reconnaissance,
Qu'il nous le dise au moins en bon français !

C. F.

(1) Il a fait la campagne de Russie, où il a été blessé, on ne sait trop si ç'a été de froid ou de peur.

IMITATION.

POT-POURRI MAçONNIQUE-RÉPUBLICAIN.

 

 

Le frère se lève avec majesté :

AIR : Dies iræ, dies illa. (Chant grégorien dans toute son expression.)

Dies iræ, Dies illa !..
Où l'évêché nous déclara
Qu'en masse..... on nous étuvera !

 

(Là-dessus un ah! partant du coeur du frère et du choeur de l'auditoire.)

Air : La faridondaine.

Car, vous savez, mes bons amis,
Que le roi de Maline
Au diable nous a tous promis,
Pour garnir sa cuisine.
Il vous menace du chaudron,
La faridondaine, la faridondon,
Dans un réquisitoire écrit
Biribi
A la façon de barbari
Mon ami.

Air : Ah ! ça ira.....

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
La famille entière
A la chaudière
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
A tous les maçons, il en cuira !

RÉCITATIF A VOLONTÉ.

Les jours gras sont finis, le carême commence,
Le pieux carnaval va reprendre son cours ;
Et l'autre carnaval n'a duré que trois jours !
Des deux dominos noirs, voilà la différence.

Air : T'en souviens-tu. (Avec componction.)

Dans le tombeau vient, hélas ! de descendre
Le mardi-gras, roi de peuples si gais :
L'Etna romain a fait pleuvoir sa cendre
Sur mille fronts, de plaisir fatigués.
Voici venir les jours de pénitence ;
Ingrat troupeau, du bercail détaché
Nous qu'Engelbert a crossés d'importance,
Confessons-nous, - car nous avons péché !

 

 CHOEUR DES PERVERTIS

Air de Robert : Noirs démons, fantômes.

Maudits par les prônes,
Narguons Lucifer,
Et pavons d'aumônes
Le seuil de l'enfer !

(Le frère reprend sur le même ton et avec la même humilité.)

Quand le brouillard captive sa paupière,
Quand, s'égarant dans un horizon noir,
Un malheureux cherche en vain la lumière
Que lui ravit la calotte-éteignoir ;
Nous lui disons : l'ignorance est impie,
Dieu pour ses fils n'a fait rien de caché ;
Pour plaire à Dieu, bravez la sacristie.....
Confessons-nous, - car nous avons péché !

CHOEUR DES PERVERTIS.

Maudits par les prônes,
Narguons Lucifer, 
Et pavons d'aumônes
Le seuil de l'enfer !

(Le frère reprend :)

Quand vint l'hiver, - cet hiver homicide,
Aux dards aigus, hérissés de glaçons,
D'épanchemens, votre main fut avide,
De l'indigent vous sentiez les frissons.
Or, on nous dit que tout bon prêtre évite
Tout malheureux à sa robe accroché :
Samaritains, nous blessions le lévite ;
Confessons-nous, - car nous avons péché !

CHOEUR DES PERVERTIS.

Maudits par les prônes,
Narguons Lucifer,
Et pavons d'aumônes
Le seuil de l'enfer !

(Nouvelle reprise du frère ;)

Des vieux Flamands nous portions la bannière,
Nous la portions, - haute - et le front levé,
Loin d'adorer, le front dans la poussière
Un roi chétif - le dessous d'un pavé !
L'église en vain nous ordonnait d'y croire,
Nous tenions, tous, notre coeur attaché
A l'espérance ainsi qu'à la mémoire.
Confessons-nous, - car nous avons péché !

CHOEUR DES PERVERTIS.

Maudits par les prônes,
Narguons Lucifer,
Et pavons d'aumônes
Le seuil de l'enfer !

Air : Le bon roi Dagobert

Le bon roi Cobourien
A tout prendre, est franc-maçonnien,
Mais le grand Engelbert
Dit à ce nouveau Dagobert ;
Sire, les maçons
Sont des polissons ;
Vous êtes leur chef :
Craignez notre bref.
« Comment ? reprit le roi,
» Je n'suis pas plus maçon que toi... »

Air : J'ai pris goût à la République. (Ceci doit être chanté d'une voix piteuse.)

« Je suis.... ce que veut la Belgique,
» C'est-à-dire... l'épiscopat ;
» Je suis un merlan pacifique
» Tout prêt à mordre à votre appât.
» Ainsi que l'épouse chérie,
» Objet de mes premiers regrets,
» J'enterre la maçonnerie,
» Sauf à dire : toi que j'aimais ! »

 

Air : Ah le bel oiseau ! (Ceci chanté sans allusion à Léopold.)

Mais qu'importe, au reste, un roi ?
Francs-maçons, ferme à l'ouvrage !
Mais qu'importe,
au reste, un roi ?
Nous bâtissons pour la loi !......

Le village à la cité
Depuis sept ans fait la guerre,
Amis de l'égalité
N'abandonnons pas l'équerre.

Car qu'importe, au reste, un roi ?
Francs-maçons, ferme à l'ouvrage !
Mais qu'importe, au reste, un roi ?
Nous bâtissons pour la loi !......

La raison fait des faux pas,
L'édifice au loin chancelle,
Ayons en main le compas,
Et sur le dos la truelle.

Car qu'importe, au reste, un roi ?
Francs-maçons, ferme à l'ouvrage !
Mais qu'importe, au reste, un roi ?
Nous bâtissons pour la loi !......

Et que l'ère chère à tous,
Malgré le souffle du prêtre,
En renaissant parmi nous,
Puisse encor nous reconnaître !

Car qu'importe, au reste, un roi ?
Francs-maçons, ferme à l'ouvrage !
Mais qu'importe, au reste, un roi ?
Nous bâtissons pour la loi !.....

 

Air : De la Parisienne.

Accordons un chant funéraire
A Coeur-de-Poule, ancien pompier,
Nous lui disions : Soyez un frère ;
Il nous dit; « Je suis marguillier.
» Voici venir le jour de Pâque,
» Et puis, j'ai ma stalle à St-Jacque,
» Et le goupillon
» Me donne un frisson,
» Ni plus, ni moins, ni plus ni moins qu'un
escadron,
» Qu'un
escadron d' cosaques ! » (1)

Air : Je suis Français, mon pays avant tout.

Sur nous, amis, du très-saint archevêque,
Le pistolet, je pense, a fait long feu :
Que nous importe, ou Maline, ou la Mecque,
A nous tous, qui croyons en Dieu ?
Républicains, que notre ère s'avance !... 
Et si Dieu proscrit nos souhaits,
S'il trouve un crime à
notre renaissance,
Qu'il nous le dise, au moins, en bon français !

(1) Il a fait la campagne de Russie, où il a été blessé, on ne sait trop si ç'a été de froid ou de peur.

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