Les
chansons de la Veuve Courtin
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Mme
L.D.L., veuve Courtin, a publié en 1830 à Versailles, son ouvrage Elégies d'une octogénaire sur la mort de sa petite-fille, suivies de
l'Apothéose de l'Iton, de Poésies diverses, de Souvenirs sur l'Impératrice
Joséphine, la Cour de Navarre et sur plusieurs personnes distinguées.
Nous savons peu de
choses de cet auteur, sinon qu'elle s'appelait, de son nom de jeune fille, LANGUENEUR DE LONGCHAMP,
qu'elle est née en 1747, qu'elle a passé une bonne partie de sa vie à Evreux,
et que son fils (le père d'Herminie Courtin à laquelle est dédié l'ouvrage
de sa grand-mère) fut pendant plusieurs années l'un des premiers magistrats
de la capitale (serait-ce Eustache-Marie
Courtin ?).
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A la fin de
l'ouvrage, on trouve (pp. 167-177)
deux chansons (la seconde est la suite de la première) qui dénotent une
très bonne connaissance de
la maçonnerie :
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Il semble évident
que l'auteur, qui revendique - en écrivant
Je puis dire entre nous : Frère - la qualité de Soeur, a au
moins été membre d'une Loge d'Adoption, même s'il s'agit
nécessairement de souvenirs anciens puisqu'en 1830 l'activité de ces Loges
s'était pratiquement éteinte.
On sait que les
rituels des Loges d'Adoption, de caractère essentiellement biblique, n'avaient
guère de rapport avec les rituels proprement maçonniques -
réservés aux seuls hommes à cette époque - et ignoraient des
notions telles que celles évoquées dans cette chanson : outils opératifs, étoile
flamboyante, mythe d'Hiram ... même les très militaires poudre et canons
qu'elle évoque à propos des Santés n'étaient pas utilisés en Loges
d'Adoption, où ils étaient remplacés par des lampes.
Cette connaissance
de la maçonnerie proprement dite - et surtout cette affirmation d'y avoir effectivement participé - ne laissent donc pas d'intriguer : se vante-t-elle (sur base de confidences
reçues ou de lectures), ou a-t-elle effectivement participé - ce pourrait
être à la fin des années 1760 - à l'une de ces
Loges, réellement maçonniques tout en étant mixtes, qui semblent en certaines
régions avoir
précédé les Loges d'Adoption ?
Dans tous les cas,
elle montre qu'elle n'a pas
oublié l'esprit des Lumières, comme en témoigne l'épigramme anti-jésuitique
(conforme aux moeurs maçonniques de
l'époque) figurant à la
p. 121
:
LE NOUVEAU DELUGE.
POUR châtier l'oeuvre de ses mains,
Du Ciel, Dieu lâchant les écluses,
Submergea les pauvres humains
Qui vraiment étaient sans excuses ;
Mais quand il vit que ce fléau
N'amendait point notre hémisphère,
Ingrats, dit-il, dans sa colère,
Vous subirez un déluge nouveau :
Des fils de Loyola j'inonderai la terre,
Dont ils éteindront le flambeau.
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POT-POURRI
SUR LA FRANC-MAÇONNERIE.
A UN FRANC-MAÇON,
QUI ME DEMANDAIT UNE RONDE POUR UN BANQUET
EN LOGE, ME DISANT : VOUS SAUREZ TOUT CE QUI
PEUT ÊTRE RÉVÉLÉ A UN PROPHANE.
Air : Ma mère Barra.
ME traiter de profane ; eh ! vous n'y songez pas !
Quand de l'ordre fameux je fais le plus grand cas ;
Lorsque, sans me vanter, sans même être indiscret,
Je puis dire entre nous : Frère, j'ai le secret.
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Air : Le connais-tu, ma chère Éléonore.
Oui, du compas, du niveau, de l'équerre,
J'ai pénétré le sens mystérieux ;
Et mes regards, guidés par la lumière,
Ont su percer le voile merveilleux.
Air : Vous m'entendez bien.
HÉ quoi ! vous semblez confondu
De ce langage inattendu ;
Cédant à l'évidence,
Hé bien !
Respectez ma science :
Vous m'entendez bien.
Air : De la façon de
Barbari.
LONG-TEMPS avant vous j'entrepris
Le pénible voyage,
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Et malgré mes yeux obscurcis
On vanta mon courage ;
Je fus apprenti, compagnon,
La faridondaine, la faridondon,
Et de plus reçu maître aussi
Biribi,
A la façon de Barbari,
Mon ami.
Air : J'avais toujours gardé mon coeur.
J'osai fixer l'astre brillant
Que précède l'aurore ;
Phébé, de ton éclat touchant
Il me souvient encore.
Air : Du haut en
bas.
Je vis aussi
Débris d'un temple magnifique,
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Je vis aussi
Ce que l'on ne voit point ici,
Flambeaux, colonnes, mosaïque,
Autel, fauteuil, globe sphérique,
Je vis aussi.
Air : Femmes, voulez-vous éprouver.
Non loin j'aperçus scintiller
Superbe étoile flamboyante,
Dais, qu'on ne doit pas oublier,
Embelli de houpe élégante ;
Ainsi s'offrirent à mes yeux,
Sous le plus noble caractère ,
Signes et rits mystérieux,
Éternels garans du mystère.
Air : De tous les
Capucins du monde.
Frappé de l'étonnant spectacle,
Aisément je crus au miracle ;
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A tant de beautés j'applaudis ;
Mais je me tus, quand l'éloquence
Peignit à nos coeurs attendris
Les charmes de la bienfaisance.
Air des Pendus.
PUIS, sur la tombe honorable
De l'architecte admirable,
J'entendis le vénérable
Renouveler nos douleurs.
O souvenir exécrable
D'un méfait épouvantable !
Près la branche mémorable
Le mont sacré vit mes pleurs.
Air : N'en demandez pas
davantage.
EST-CE assez pour être certain
Que ceci n'est pas badinage ?
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S'il vous faut plus, je puis enfin,
Frère, vous offrir autre gage.
Touchez-moi la main,
Pressez et soudain .....
N'en demandez pas davantage.
Air : Une vieille qui roupille.
Depuis ce jour favorable
On me trouve infatigable,
Soit en loge, soit à table,
Répondre au moindre signal.
Pour fêter le vénérable,
Faut-il de poudre agréable
Charger canon redoutable,
Je ne crains point de rival.
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Concernant les
divers airs utilisés :
-
Ma mère Barra
: nous n'avons pas trouvé trace d'un air de ce nom, mais nous savons
que Joseph Barra est un opéra de Grétry (1794)
- A propos de l'air
Le connais-tu, ma chère Éléonore
-
Vous m'entendez bien est donné, sous le titre alternatif Où
allez-vous, monsieur l'abbé ?, par la Clé du Caveau sous le
n° 644
- A propos de l'air
A la façon de
Barbari mon ami
- Voir
l'air J'avais toujours gardé mon coeur
-
Voir
l'air Du haut en
bas ; cliquez ici pour
l'entendre
-
Voir
l'air Femmes, voulez-vous éprouver
-
Voir
l'air De tous les
Capucins du monde
-
Voir
l'air des Pendus
-
Voir
ici sur l'air
N'en demandez pas
davantage
-
Voir
l'air Une vieille qui roupille
Après avoir dans
ce pot-pourri mis les choses au point vis-à-vis du maçon qui avait eu
l'impertinence de la considérer comme une profane en lui demandant une ronde
maçonnique, notre poétesse lui donne cependant satisfaction, en titrant ronde
maçonnique par un profane un texte dont le style est en fait totalement
maçonnique et pas du tout profane (mais dont, bizarrement, l'air n'est cette
fois pas indiqué).
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RONDE MAÇONNIQUE.
PAR UN PROFANE.
Au nom de la fraternité,
Amis, je propose une ronde :
Dignes fils de la liberté,
Que chacun de vous me seconde.
Chargez, alignez vos canons,
Faisons feu tous en vrais maçons.
Honneur à l'ordre merveilleux
Emané du grand architecte ;
Dans ce banquet, jusques aux cieux
Portons sa gloire, et qu'on répète :
Chargez, etc.
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Que d'Isis le culte sacré
A notre voix se renouvelle ;
En ce jour, par elle inspiré,
Je sens qu'ici tout la révèle.
Chargez, etc.
De notre antique fondateur,
Dans nos jeux retraçons l'histoire:
Et que chacun au fond du coeur
Elève un temple à sa mémoire.
Chargez, etc.
Aux yeux des profanes mortels
Sachons dérober nos mystères,
Et de nos travaux solennels
Bannir à jamais les faux frères.
Chargez, etc.
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Guidés par le divin flambeau
Qui pour nous seul luit sur la terre,
Avant de toucher le niveau,
Prenons le compas et l'équerre.
Chargez, etc.
Sans cesse au grand oeuvre attachés ,
Redoublons tous de vigilance,
Et sous nos emblèmes cachés
Travaillons avec confiance.
Chargez, etc.
Respect aux lois, respect aux moeurs,
A l'autorité légitime ;
Mais guerre à mort aux oppresseurs :
Les épargner serait un crime !
Chargez, etc.
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Amour, justice, loyauté,
De tout maçon est la devise ;
Zèle ardent pour l'humanité
En tous lieux le caractérise.
Chargez, etc.
Buvons à ces nobles soutiens
De l'édifice incomparable ;
Jurons par nos secrets liens
De le rendre à jamais durable.
Chargez, etc.
Sexe charmant, sexe enchanteur,
À tes attraits rendons hommage.
Au Ciel, si nous devons un coeur,
Toi seul nous en apprend l'usage.
Chargez, etc.
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Célébrons tous avec éclat
L'illustre et digne vénérable ;
Par trois fois trois que le vivat
A son nom retentisse à table.
Chargez, alignez vos canons,
Feu (1) , mes amis, en vrais maçons.
(1) (Parlé) Feu, grand feu, le plus pétillant de tous
les feux.
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