les Jésuites
En cliquant ici (midi) ou ici (MP3), vous entendrez l'air 745 de la Clé du Caveau
Defacqz, la Suisse et les jésuites En Suisse en 1844, un projet de loi d'expulsion des jésuites, auxquels on attribuait la responsabilité de troubles dans le Valais suisse, avait été repoussé de peu à la Diète, mais en 1845 le canton de Lucerne remit de l'huile sur le feu en leur confiant l'enseignement supérieur (de telles tensions entre catholiques et libéraux, portant notamment sur la question de l'expulsion des jésuites, allaient aboutir deux ans plus tard à la guerre du Sonderbund, après laquelle l'expulsion fut effective). Un ancien maçon, le ministre Jean-Baptiste Nothomb, accusa la franc-maçonnerie belge, et en particulier ses dirigeants Verhaegen et Defacqz, d'être à l'origine de cette agitation en Suisse et de préparer en Belgique une razzia de jésuites. Eugène Defacqz (le prénommé Eugène du dernier couplet ci-dessous), qui était à ce moment le Grand Maître du Grand Orient de Belgique, répondit par une lettre restée célèbre, qui est consultable ici et à laquelle répondit à son tour le pamphlet Le maçon démasqué, ou réponse à M. Defacqz, Grand-maître des Francs-maçons Belges, conseiller à la Cour de Cassation, atteint de Jésuitophobie. Dans cette lettre, Defacqz s'en était effectivement pris aux jésuites, qu'il qualifiait ainsi :
Il ne faisait par là qu'exprimer une opinion commune à beaucoup de maçons.
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Cette opinion et ces événements ont inspiré une chanson, que nous avons trouvée dans l'ouvrage (pp. 195-8) Maçonnieke Chansons in negentiende-eeuws Belgie de David Vergauwen (éditions ASP). Malheureusement, il y a manifestement beaucoup de fautes de transcription (que nous ne sommes sans doute pas arrivés à corriger toutes ci-dessous) dans la copie qu'il en donne :
Chassons, conspuons les Jésuites.
Pleins de morgue, d’ambition !
De Loyola les hypocrites,
Profanent la religion.
À la trop crédule jeunesse
Glissant la fausseté, l’erreur ;
Ils profitent de sa faiblesse,
Pour gâter son esprit, son cœur ;
Chassons, conspuons les Jésuites ...
Du mal cultivant la science,
Trompant la veuve et l’orphelin,
Ils baptisent la confiance,
De l’honnête homme à son déclin
Chassons, conspuons les Jésuites ...
À des parents dans l’infortune,
Par dol, fraude, captation,
Ils prennent toute la fortune
Pour eux est la succession.
Chassons, conspuons les Jésuites ...
Ils conspirent pour la puissance,
Jadis appartenant aux rois !
Son horrible obéissance ;
Pour ceux, on n’a point l’air de lois.
Chassons, conspuons les Jésuites ...
Le mensonge, la calomnie,
Voilà le fond de leurs discours;
En chaire dénions en furie,
De terreur ils ouvrent un cours
Chassons, conspuons les Jésuites ...
En chaire ils font pleurer les tombeaux
Ce sont les prises de Satan.
Ou de l’enfer les chauds flambeaux
Brûlant la mère avec l’enfant.
Chassons, conspuons les Jésuites ...
La morale de l’Évangile,
N’existe pas dans leur sermon.
L’injure alimente leur bile.
Dieu n'est ni bienfaisant ni bon.
Chassons, conspuons les Jésuites ...
Insatiables de richesses
Ils ne considèrent que l’or.
Jamais ils ne font de largesses
Que pour en obtenir encor.
Chassons, conspuons les Jésuites ...
Adeptes dans l'hypocrisie,
Ils combattent la vérité,
Par les armes de l’ironie,
Sans franchise ni loyauté.
Chassons, conspuons les Jésuites ...
Ils recherchent les connaissances
Pour eux et pour leurs spectateurs.
Les arts et toutes les sciences
On ne peut les chercher ailleurs.
Chassons, conspuons les Jésuites ...
D'Eugène le fouet satirique
Les a joliment châtiés !
Vu que la vérité les pique.
Ils sont tout rouge fouettés.
Chassons, conspuons les Jésuites ...
La critique des Jésuites constitue bien un thème (traité notamment par Bonneville, Ragon, Mirabeau et Lachambeaudie comme on le voit ici) très prisé dans la littérature et le chansonnier maçonniques au XIXe siècle. On peut en citer de nombreux autres exemples (voir par exemple 1, 2, 3, 4, 5, 6, 9, 11, 12, 13). Et l'on peut même voir aussi une chanson maçonnique espagnole du XXe siècle qui touche le même sujet : 7 Sujet qu'on retrouve évidemment aussi dans des chansons profanes, telle celle-ci (10) ou celle-ci qui est de Béranger (8). |
L'air indiqué par Vergauwen est celui du Curé de Pomponne.