Installation du Grand Maître Defacqz
Brouillé politiquement avec Verhaegen (qu'il a traité d'exalté), mécontent, dans le conflit avec les évêques, de n'avoir pu faire prévaloir son propre modérantisme auprès d'aucun des deux camps, critiqué de plus en plus vivement dans les Loges pour sa volonté de donner des gages au parti adverse, le baron de Stassart avait en 1841 résilié ses fonctions (pourtant à vie) de Grand Maître du Grand Orient de Belgique. En 1842, c'est Defacqz qui fut élu (à l'unanimité) pour lui succéder, Verhaegen gardant sa position de représentant. Pour leur cérémonie d'installation, Defrenne ne pouvait évidemment manquer de se fendre de quelques couplets, qui ont été imprimés. Il en demanda la musique à Raoux.
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Le texte nous semble traduire une certaine acrimonie vis-à-vis de Stassart - qui en maçonnerie voulait être pour Léopold Ier ce que Cambacérès avait été pour Napoléon - car c'est bien lui qui semble visé en tant que complaisant des cours et qui se trouve heureusement remplacé par un plébéien (dans sa célèbre lettre au ministre Nothomb, Defacqz s'était dit simple plébéien et fier de ce titre) : le fait de choisir un Grand Maître qui ne soit pas un aristocrate bien en cour est effectivement une grande première, et la possibilité de le faire est évidemment un résultat de la consécration de la liberté d'association (elle est reconnue par la Constitution que la Belgique s'est donnée une fois devenue indépendante), qui met, pour la première fois dans l'histoire, la maçonnerie à l'abri de tout arbitraire du pouvoir.
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COUPLETS.
1. Une pénible et longue expérience, 2. Cette leçon me parut salutaire, 3. Fut-il jamais de plus beau caractère
? 4. Au dieu des cours, qu'un autre
sacrifie, 5. Grâce à ces choix, nous nous sentons
renaître ; 6. Co-députés, en ce jour mémorable, 7. Le vieux Maçon, auteur de la bluette, |
Une figure de la maçonnerie belge : Defacqz Né à Ath, d'abord avocat, Eugène Defacqz (1797-1871) fit ensuite une brillante carrière dans la magistrature, ce qui le conduisit aux fonctions de premier président de la Cour de cassation. Il avait été membre du Congrès national et, à ce titre, avait participé à l'élaboration de la Constitution de 1831. Il joua un rôle dans les débuts de l'Université de Bruxelles. Anti-clérical affirmé, il fut en 1846 un des fondateurs du parti libéral avec Verhaegen. Mais, contrairement à lui, il était opposé à ce que l'action politique du parti se traduise dans l'activité des Loges. Initié en 1820 à la Loge bruxelloise l'Espérance, il s'y distingua rapidement : deux mois plus tard, il composait un cantique ; un an plus tard, il en composait un autre et était déjà Secrétaire de la Loge ! C'est lui qui, en 1838, fonda, également à Bruxelles, les Amis du Progrès, qui lui ont rendu cet hommage en 1845. Il fut Grand Maître du Grand Orient de Belgique de 1842 à 1853. En 1845, il défendit, dans une lettre restée célèbre, la franc-maçonnerie contre les attaques dont elle avait fait l'objet de la part d'un ancien maçon, le ministre Jean-Baptiste Nothomb (cette lettre est consultable ici ; on peut aussi lire le pamphlet Le maçon démasqué, ou réponse à M. Defacqz, Grand-maître des Francs-maçons Belges, conseiller à la Cour de Cassation, atteint de Jésuitophobie). |
Cette installation a fait l'objet d'une médaille dont on voit ci-dessous des photos et un dessin, trouvé dans The medals of the masonic fraternity described and illustrated (1880) et qui permet, malgré ses approximations, de mieux discerner certains détails, tels que l'inscription Biblia sacra sur l'autel. Les autres inscriptions sont les suivantes : EUGENE DE FACQZ GR. MAIT. DE L'ORDRE MAç. EN BELGIQUE ELU A L'UNANIMITE 11 J. 5 M. INSTALLE 8 J. 6 M. 5842. GR. OR. DE BELGIQUE. Il est à noter que statutairement son élection devait être à vie ; mais il n'accepta qu'un mandat de trois ans, qui fut cependant renouvelé plusieurs fois. Ci-dessous la description donnée (p. 82) par The medals of the masonic fraternity described and illustrated :
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