L'Acacia et l'Oranger

 

Cette chanson, qui porte le même titre qu'une autre datant elle de 1821, fait partie des quatre qui ont été exécutées comme chants de récréation après les diverses santés, en conclusion de la Fête maçonnique solennelle offerte à Bruxelles le 30 juillet 1825 au Grand Maître le Prince Frédéric à l'occasion de son mariage.

Le thème est récurrent dans les Loges belges pendant la période hollandaise (entre 1815 et 1830), dès 1818 : on fait révérence à la maison royale d'Orange pour lui rendre grâces de la protection qu'elle accorde à la maçonnerie. En 1830, dans la première version de la Brabançonne, c'est sur un arbre différent de l'acacia qu'on va tenter - sans succès - de greffer l'orange : l'arbre de la Liberté.

L'interprète, le Frère Defrenne, est également une grande figure de la future maçonnerie belge.

Le couplet 5 fait allusion à la rose, symbole de l'amour et fleur préférée de Cythérée (autre nom d'Aphrodite, mais il fallait bien donner une rime à Sprée), et pour comprendre l'allusion à la Sprée, il faut se rappeler que l'épousée était Louise de Prusse.

Le vers 2 du couplet 3 fait allusion à la traditionnelle antipathie - qui se généralisera plus tard à l'ensemble du clergé belge - entre jésuites et francs-maçons. Ce couplet sera partiellement réutilisé par Ruysch.

La maçonnerie était à l'époque interdite dans l'Empire austro-hongrois et (depuis peu) au Portugal : c'est ce qui explique l'allusion (couplet 2, vers 4-5) au fait que près du Danube, on ne veut pas de l'acacia qui se plaisait au bord du Tage

Quant à la France, évoquée en termes quelque peu sybillins (La Seine ! Je n'ose y songer ...), il faut savoir qu'après la chute en 1821 du ministre Decazes qui l'avait protégée, la maçonnerie, dont le pouvoir se méfie car il la soupçonne d'activités subversives, est étroitement surveillée et en butte aux attaques cléricales. WARGNY (p. 112) écrit d'ailleurs, à la date du 15 août 1825 (soit 2 semaines après la fête dont il rend compte) :

Est-ce à cet événement que fait allusion en 1827 le Frère Jules Roze quand il écrit (p. 13) dans sa Réfutation succincte de la dénonciation aux cours royales des clubs menaçants de la franc-maçonnerie :

Sans doute aucun de nous n'a oublié les craintes que nous fit éprouver le parti jésuitique en France, qui voulait marquer sa réapparition récente par l'anéantissement de l'ordre maçonnique ; mais aussi avec quelle joie avons-nous vu nos craintes dissipées ...

 

     

l’Acacia et l’Oranger.

Paroles du Frère Loth, avocat, chanté par le Frère Defrenne.

1.

Frères Maçons, chantons ensemble,
Au lieu d’un sombre alléluia,
Dans ce beau jour qui nous rassemble
Les vertus de l'acacia !
Arbre chéri de l’Amérique,
Chez nous il n’est point étranger ;
Et sa tige dans la Belgique
Aime à croître sous l'oranger.

2.

En Europe pour sa culture
On rencontre des champs ingrats ;
Sur le Tibre il est sans verdure,
Près du Danube, on n’en veut pas.
Il se plaisait aux bords du Tage ! . . . .
La Seine ! . . . . je n’ose y songer ;
Dans ce pays tout fait ombrage.
Mais il fleurit sous l'oranger.

3.

Fier de son antique origine,
Malgré messieurs de Loyola,
En Belgique il a pris racine
Et rien ne l’en extirpera.
On dit que comme l’aubépine
Il pique et cause du danger ;
Mais pouvons-nous craindre une épine
Qui disparaît sous l'oranger ?

4.

Chez un peuple qui les honore
Nos princes régnent sans danger ;
Mais s’il pouvait renaître encore
Quelque nuage passager ;
L'acacia sous son feuillage,
Où nous irions tous nous ranger,
Braverait aisément l’orage
En s’unissant à l'oranger.

5.

D’une fleur qu’aux bords de la Sprée,
De ses mains, pour les demi-dieux
Cultivait exprès Cythérée,
L’amour vient d’embellir ces lieux;
Puisse au gré d’un peuple fidèle,
L’hymen bientôt dans son verger,
Donner une branche nouvelle
À la tige de l'oranger !

Le 3e couplet servira d'inspiration à Ruysch.

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