Couplets pour les Amis Philanthropes

Ces Couplets ont été écrits par Defrenne, qui en était à ce moment le Vénérable, pour le solstice d'hiver 1835 de sa Loge des Amis Philanthropes.

Contrairement à son habitude, ce n'est pas à un maçon que Defrenne en a cette fois demandé la musique, mais à un profane (du moins à ce moment car il allait bientôt le devenir), Monsieur L. Raoux

COUPLETS

OFFERTS 

A la Respectable Loge des Amis Philanthropes

A L'Orient DE BRUXELLES ;

CHANTÉS

A LA FETE SOLSTICIALE DE LA ST.-JEAN D'HIVER,

LE 28e JOUR du 10e MOIS DE l'AN DE LA VRAIE LUMIERE 5835,

 (28 DÉCEMBRE 1835, ST. PROFANE)

MUSIQUE DE M. L. RAOUX.

 

1.

Quand Jéhovah, parcourant sa carrière, 
Sur nos travaux, plane du haut des Cieux, 
De ses enfans avides de lumière,
Il se complaît à dessiller les yeux. 
Pour démasquer l'imposteur fanatique, 
Sous le boisseau cachant la vérité, 
Il a recours au zèle maçonnique 
Des vrais élus, qu'instruisit sa bonté.

           

2.

Du Franc-Maçon la mission auguste, 
N'est-elle pas d'éclairer les humains ; 
D'être à la fois, et vertueux et juste, 
De tendre à tous de secourables mains ; 
Dans le péril, de montrer du courage, 
Sans s'émouvoir, d'affronter le danger ; 
De pardonner à celui qui l'outrage, 
Par des bienfaits, de savoir se venger ?

 

3.

Sans m'en douter, de notre ex-Vénérable, 
En peu de mots, j'ai tracé le portrait : 
Ami loyal, dévoué, charitable,
N'est-ce pas lui, ressemblant trait pour trait ? 
Peu soucieux des bourasques du Tibre, 
Il nous dota de l'Université,
Qu'à bonne enseigne, on appelle la libre
Et dont le plan, chez nous fut concerté.

 

4.

Il faut bannir des Temples maçonniques, 
Séjour de paix, d'union, de candeur, 
Tout l'odieux des débats politiques, 
Sujet fréquent de discorde et d'aigreur.

Qu'enfin chacun sans entrave, professe 
Sa foi, son culte, envers la déité ; 
Qu'il aille au prêche, ou fréquente la messe ; 
Sur ce point là, silence ... et liberté.

 

5.

Chez les amis de la philanthropie, 
Que de talens ont fixé leur séjour ! 
Non, ce n'est point une vaine utopie, 
Analysons leurs travaux de ce jour : 
Aux orateurs, qu'inspira le génie,
A des tableaux d'un fini précieux,
Ont succédé des morceaux d'harmonie, 
Entremêlés de chants délicieux.

 

6. 

Des traits hideux, que décocha l'envie, 
Par le mépris sachons nous affranchir ; 
Au bien comrnun consacrons notre vie, 
Et les méchans n'auront plus qu'à rougir, 
Dans un pamphlet impudent, éphémère, 
Certain reptile eut beau lancer son dard,
Nous nous rions de sa feinte colère, 
Le vrai Grand-MaÎtre est pour nous, De Stassart.

          

7.

Des malheureux occupons-nous sans cesse ; 
Nous le devons, même au sein du plaisir,
N'oublions pas, dans ces temps de détresse, 
L'infortuné, qu'il nous faut secourir.
Pour soulager la timide indigence, 
Ayons du zèle et de l'activité ; 
En exerçant la douce bienfaisance, 
Ne plaît-on pas à la divinité ?

Depuis six mois, Defrenne avait succédé comme Vénérable à Verhaegen, qui est en effet, comme mentionné au 3e couplet, le fondateur - peu soucieux des bourrasques du Tibre, c'est-à-dire du mécontentement de Rome - de l'Université Libre de Bruxelles, fondation à laquelle la Loge avait grandement contribué. Onze mois plus tôt, le 29 janvier 1835, la Loge avait d'ailleurs célébré cette inauguration par une grande fête et fait un triomphe à Verhaegen.

Le 4e couplet reflète sans doute les prémices d'un débat qui allait agiter l'Obédience pendant de nombreuses années, sur la question de l'(in)opportunité des discussions politiques et religieuses en Loge. Nettement plus conservateur, Stassart allait sur ce point s'opposer à Verhaegen, qui espérait que les Loges deviennent des officines du parti libéral.

Le 5e couplet fait allusion à la traditionnelle richesse de la Loge en artistes réputés, non seulement sur le plan musical mais aussi dans les arts plastiques : en 1834, la Loge avait créé son musée maçonnique orné de tableaux et sculptures offerts par des artistes membres de la Loge (on en dénombrait 20 en 1838). Ce thème se trouve également dans une autre chanson de Defrenne

Quelques mois avant cette fête, Stassart avait été élu (le 30 mars 1835) Grand Maître du nouveau Grand Orient de Belgique, à l’unanimité, même si certains lui auraient préféré le républicain Gendebien. Un journal avait dénoncé une franc-maçonnerie aux pieds du clergé et soumise au gouvernement et à la Cour, et c'est sans doute à cet événement que fait allusion le 6e couplet.

Le 7e et dernier couplet constitue le traditionnel rappel de l'obligation de philanthropie.

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