Cantique d'Apprentis

(Récit d'une Réception)

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Dans notre chapitre antimaçonnisme, nous présentons une des éditions (celle disponible à la Bibliothèque municipale de Lyon) de cette divulgation de 1748, L'ANTI MACON ou LES MYSTERES DE LA MAçONNERIE Dévoilés par un profane.

Il en existe d'autres, et notamment celle (image de gauche) qui a été rendue disponible sur Google-livres.

Alors que l'autre renferme aux pp. 85 ss. une chanson méchamment anti-maçonnique, celle-ci ne contient, à partir de sa p. 85, qu'un ensemble (pp. 85-113) de chansons et cantiques pleins d'aménité, qui - à l'exception d'un seul, le premier - figurent d'ailleurs dans de nombreux chansonniers maçonniques classiques.

C'est ce premier cantique, très enthousiaste, qui fait l'objet de la présente page ; il est absent de tous les chansonniers maçonniques (sauf un seul, l'édition dite F des chansonniers de Jérusalem), peut-être parce que son caractère de dévoilement (il constitue le récit d'une réception) le faisait considérer comme inadéquat dans une publication plus orthodoxe.

Une édition encore un peu différente contient la même chanson, mais dans une autre mise en page et avec Apprentifs dans le titre au lieu d'Apprentis.

C'est précisément ce qui fait son intérêt, de par le caractère vécu de la scène. La procédure de la réception est bien conforme à celle décrite aux pp. 71-5 du livre, et on remarquera à quel point elle est encore simple à l'époque : pas de porte basse, pas de voyages, aucun des 4 éléments ... et encore moins de corde et de chaînes, qui furent également introduits plus tard (et qui de nos jours sont souvent abandonnés). D'autres éléments traditionnels sont par contre déjà bien présents, comme le dépouillement des Métaux (définis très justement comme tout ce qui flatte la personne), le bandeau, la voûte étoilée, la remise du tablier et des gants, ...

Dans quel but ?

On trouve de tout dans les très nombreuses divulgations de cette époque.

Certaines se contentent de rapporter, sans porter de jugement, des informations récoltées, pas toujours exactes ; d'autres sont l'oeuvre de véritables ennemis de la maçonnerie, souvent bien informés ; d'autres encore (celle-ci par exemple ?), émanant de maçons, ne cherchent, en mêlant le vrai et le faux, qu'à lancer des profanes sur de fausses pistes pour les égarer, et éventuellement les ridiculiser quand ils tenteront, en vue de se faire passer pour maçons, d'utiliser ce qu'ils auront lu. 

Certaines aussi sont manifestement écrites par des maçons ou sympathisants, sous un couvert d'antimaçonnisme qui leur permet d'exprimer, sans être soupçonnables d'apriori favorable, un avis sur la maçonnerie qui en finale soit plus positif que négatif. 

C'est ce que dénonce le présent ouvrage quand il écrit (pp. 4-6) :

... leur motif, au contraire, a eu deux principaux objets ; le premier de donner le change au Public par une fausse confidence de prétendus secrets, revêtu de dehors spécieux, & par-là détruire la connoissance que l'on commençoit à acquérir de leurs Mystères par l'indiscrétion de quelques-uns de leurs Freres ... Le second objet a été de présenter leur Société sous une face avantageuse, en la décorant du nom d'Ecole de Vertu, afin d'engager quantité d'honnêtes gens à s'y faire recevoir, & ensuite faire rejaillir sur la Société même, le mérite personnel de quelques particuliers qui la composent, & par ce moyen la rendre respectable ...

... qu'on lise avec attention [cet ouvrage (i. e. le Parfait Maçon)], il ne sera pas difficile d'y reconnoître le but qu'il s'est proposé ; il ne l'a pas même caché assez finement, pour tromper des gens éclairés. En effet, pourquoi auroit-il annoncé au commencement de son Livre, que la perte d'une succession considérable, l'a rendu l'ennemi implacable des Franc-Maçons auxquels il impute cette perte, & que pour se venger il va rendre leurs secrets publics ; tandis que le résultat de cette vengeance consiste à se retrancher, sur la fin de son Ouvrage, dans les louanges de la Société Maçonne, que la vérité semble lui arracher comme malgré lui : On voit que cette prétendue haine n'a été imaginée que pour rendre l'Histoire panégiriste moins suspecte , & pour mieux réussir à tromper le public, tant dans les faux secrets qu'il lui a débité, que dans l'idée favorable qu'il a voulu donner de cette Société, à laquelle il déclare une guerre simulée ...

Il est donc parfois bien difficile de discerner les vraies motivations d'un auteur, qui peuvent être bien différentes : nuire à la maçonnerie, lui être utile, ou simplement exploiter la curiosité du public pour vendre du papier. Rien n'a finalement changé à ce sujet depuis bientôt 3 siècles ...

Il n'y a pas de mention d'air, et la versification est fort approximative.


 
       

 

 

 

 

 

 

 

Cantique d'Apprentis

Habillé en Profane,
Dedans l'obscurité ;
Quand un terrible Frere
Vint pour me dépouiller
De tout ce qui me flatte :
Je faillis à trembler :
Et c'est pour rendre hommage
A la Fraternité.

  
 

Un Frere Gentilhomme
Me presente à l'instant,
Il heurte à la porte
Par trois grands coups frapants :
Je voyage en esclave
Ayant les yeux bandés,
Pour demander lumière
A la Fraternité.

    
 

J'apperçois dans les Armes
Un Soleil éclatant,
Doux & rempli de charmes,
Et les Freres Assìstans
M'influant leurs lumières
Avec sincérité ;
Le tout c'est à l'usage
De la Fraternité.

    
 

En entrant dans le Temple
J'apperçois des beautés ;
De la tête au centre
Des étoiles semés :
Des ornemens superbes
De ce grand Salomon,
Qui servent à l'usage
Des chers Freres Maçons.

    
 

Je recois, Vénérable,
Vos précieux Presens,
C'est l'ornement antique
Accompagné des gants ;
C'est l'amitié pure
Des vrais Freres Maçons,
J'espere d'être digne
De porter ce grand nom.

    
 

L'homme jamais au monde
Ne fut plus satisfait,
Tant sur la terre & l'onde,
De ses charmans secrets ;
Tous sont si respectables
Et les mots si discrets,
Que je suis, Vénérable,
Au comble de mes souhaits.

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