Frères
et Compagnons
de la Maçonnerie
Cliquez ici (midi) ou ici (MP3) pour entendre le fichier correspondant à cette partition
cliquez ici pour entendre le début de l'enregistrement par Bernard Muracciole mentionné en 2 ci-dessous.
Cette chanson est celle qui ouvre la Lire maçonne.
I.
Frères et Compagnons II. Le monde est curieux III.
Ceux qui cherchent nos Mots , |
IV.
On a vû, de tout tems, V.
L'Antiquité répond VI.
Joignons-nous main en main, |
Remarques :
1. Cette chanson est sans doute la plus célèbre de tout le chansonnier maçonnique. On la trouve dans tous les ouvrages. Une des premières à avoir été composée, elle a, sans changement significatif, traversé les siècles, et c'est encore aujourd'hui la plus (parfois la seule) régulièrement chantée (au moins en Belgique francophone).
Un
compositeur belge, Gilbert D., a d'ailleurs réalisé sur ce thème une
variation pour quatuor à cordes, que vous pouvez entendre (et dont vous
pouvez voir la partition) en cliquant ici.
Trois autres versions instrumentales sont disponibles sur :
|
2. La partition ci-dessus figure également, avec accompagnement de piano, et un texte légèrement différent, dans le CD-livre de Bernard Muracciole Vous avez dit ... chansons maçonniques? (Editions Edimaf, 16, rue Cadet, F-75009 Paris). Cliquez ici pour en entendre le début.
La chanson figure également au CD de Bernard Muracciole 275 ans de Chants maçonniques.
3. Le texte reproduit ici n'est qu'une des nombreuses versions qui circulent, et qui diffèrent généralement par quelques mots, par exemple :
"sans crainte jouissons" ou "sans chagrin jouissons";
"unissons donc nos mains" ou "joignons-nous mains en mains" ou "joignons-nous main en main" ou "joignons-nous main à main" ;
"que celles de nos Frères" ou "que les Santés des (ou de) Frères";
"le signal de nos verres" ou "un signal de nos verres"
"N'en seront pas plus sages ou "N'en seront point plus sages"
"Tenons-nous ferme ensemble" ou "Tenons-nous bien ensemble" ou "Tenons fermes ensemble"
"C'est vouloir de leurs dents Prendre la Lune dans sa course altiere" ou (comme à Sophonople) "C'est là du bout des dents Vouloir atteindre aux planettes altieres"
"Quitter sans peine leurs armes guerrieres" ou (comme à Sophonople) "Renoncer vite à leurs armes guerrieres"
"de juste et d'agréable" ou "de juste et vénérable", ou encore (comme à la version de Naudot) "de juste et d'équitable".
4. Une variante assez rare est donnée à la dernière page (p. 459) de l'ouvrage (Considérations filosofiques sur la franc-maçonnerie, 1776) dont nous reproduisons ci-contre le frontispice:
... Qu'il ne se voit sur les deux
hémisfères, Plutôt que de boire des santés, on voit des sociétés ... Faut-il voir là la signature d'une maçonnerie se voulant plus filosofique ? (le fac-similé de cet ouvrage est intégralement disponible sur le site de la Bibliothèque Nationale de France où il est référencé sous le n° N073131) |
5. Une autre variante intéressante est la suivante : le remplacement de
Rendons grace au Destin Du nœud qui nous assemble |
par : | Serrons
le noeud divin Dont l'attrait nous rassemble |
On trouve cette variante dans La Franc-Maçonne ou Révélations des mystères des Francs-Maçons par Madame ***, ouvrage édité à Bruxelles, 1744 (et dont le contenu, qui a été republié par Johel Coutura, a été rendu disponible sur le site masoniclib de Louis Trébuchet). La narratrice - émule de Lady Aldworth - y raconte comment, désespérant de pouvoir extraire de son mari les informations qu'elle convoite, elle soudoie une concierge pour pouvoir assister en cachette à une cérémonie (où les trois grades sont conférés à la suite, ce qui n'était effectivement pas rare à l'époque), dont elle fait un récit extrêmement circonstancié - et dont de nombreux détails (comme l'usage des mots de reconnaissance Longitudo, Latitudo et Altitudo, censés représenter les dimensions du bâtiment, respectivement pour les trois grades), à côté d'autres parfaitement réalistes, apparaîtront au lecteur moderne comme assez étonnants.
De deux choses l'une : ou histoire est vraie, et l'auteur pourrait alors être créditée, soit d'une mémoire absolument extraordinaire, soit d'un talent anachronique pour la sténographie (elle dit s'être munie d'une écritoire) ; ou il s'agit d'une plaisanterie d'un maçon, ce qui expliquerait que, pour induire les profanes en erreur (et pouvoir se gausser d'eux s'ils espéraient ainsi se faire reconnaître), y soit introduit un mélange de données correctes et fantaisistes. Nous penchons pour notre part vers cette deuxième hypothèse, quoiqu'il soit exact que les rituels de l'époque, comme l'explique Johel Coutura, n'étaient pas encore stabilisés, et qu'ils n'étaient parfois que des divagations qui n'ont pas été retenues et dont les traces se sont perdues.
Nous ne saurons donc sans doute jamais si la variante ci-dessus a été effectivement utilisée ...
6. Portant ici le titre de Chanson d'Union, cet air est plus connu sous le titre de Chanson (ou : Chant) des Apprentis (c'est le titre, avec l'orthographe Aprentifs, qu'il porte dans le chansonnier de Naudot, le plus ancien) ou même parfois (en raison de son premier vers), de Chanson des Compagnons - mais erronément ("Compagnons" doit en effet être pris ici au sens profane ; les chansonniers du XVIIIe donnent d'ailleurs en général aussi une Chanson des Compagnons qui est toute différente).
A l'époque, Frères et Compagnons désigne d'ailleurs l'ensemble des maçons, comme en témoigne la réponse (à une question classique) qu'on trouve par exemple en 1745 dans le Sceau Rompu : Mes Freres & Compagnons me reconnoissent pour tel (de nos jours, on entend plus souvent Mes Freres me reconnaissent comme tel ou Mes Freres et mes Soeurs me reconnaissent comme tel).
7. Le texte peut se comparer (particulièrement pour le dernier couplet) avec celui du Chant des Apprentis des Constitutions d'Anderson. La partition par contre, de Naudot, est originale.
8. La partition de cette chanson figure également, sous des formes musicales parfois quelque peu différentes :
au chansonnier de Naudot (p. 25), sous le titre de Chanson des Aprentifs ; on retrouve la même partition (à 2 voix) que celle de Naudot à la première édition (1771) du chansonnier de von Hymmen pour cette Loge, Freymäurerlieder mit Melodien.
au chansonnier de La Tierce, sous le titre de Chanson des Apprentifs
au Recueil de chansons des francs-maçons à l'usage de la Loge de Ste Geneviève (pp. 10 à 12), sous le titre de Chanson des Aprentifs
au recueil de la Veuve Jolly (pp. 17-9), avec le même texte que dans la Lire (suivi, pp. 20-2, de sa traduction en néerlandais par le Frère Z, traduction qui n'est pas identique à celle de la Lire)
aux Chansons pour les Santés de Le Bauld-de-Nans
au recueil de Telonius
et son texte, pratiquement dans tous les chansonniers, par exemple :
aux pages 37-9 du recueil de Sophonople
à un RECUEIL (si nous en croyons sa Table, puisque la page manque à l'exemplaire reproduit sur ce site) de 1782, ainsi qu'à de nombreux autres recueils de la même famille
à la partie francophone du chansonnier des 3 Globes (pp. 304-5 de l'édition de 1810)
dans le supplément de la Lyre Maçonne de Le Bauld, sous le titre Chanson ancienne de l'Ordre des Apprentifs
au recueil de Desveux en 1804
à deux chansonniers hollandais de 1806, tous deux inspirés de la Lire : celui de Holtrop (p. 441) et la Muse maçonne (p. 1)
dans la partie francophone du Free-mason's vocal assistant paru à Charleston en 1807 (p. 157)
aux pages 194 à 196 du Code Récréatif des Francs-Maçons du Frère Grenier (avec la mention : Air connu et consacré)
à un Thuileur (sic) de 1819
en clôture du recueil publié par Gentil en 1820 et intitulé Le Banquet maçonnique (pp.135-8), sous le titre Cantique de clôture et dans une version mêlée à des couplets de celle généralement connue sous ce nom
aux pages 280 à 282 de la Lyre de 1830, qui prétend - à tort - en avoir rétabli le texte original
en 1835 (colonnes 149-50) dans le n° 1 de L'Univers maçonnique, sous le titre Union fraternelle.
le recueil d'Orcel de 1867 contient (pp. 58-61), sous le titre Couplets d'obligation pour une Fête d'Ordre et de Clôture des Travaux, un ensemble de 11 couplets dont 4 proviennent de cette chanson-ci et les 7 autres sont ceux de la Nouvelle Chanson d'Union (qui se chante sur le même air)
La chanson (dans ses diverses versions) sera traduite en allemand, avec la même partition, dans le recueil de 1776 Vollständiges Liederbuch der Freymäurer mit Melodien (pp. 48-52). Mais ces textes figuraient déjà en 1745 (pp. 198-207), en traduction juxtalinéaire de la version francaise, dans Die offenbarte Freymaurerey (qui est une traduction de Pérau) : Par ailleurs, alors que jusqu'au début du XIXe siècle, les chansonniers imprimés en Allemagne pouvaient comprendre une partie en français (comme celui des 3 Globes mentionné plus haut), ce n'est plus le cas par la suite, et, par exemple, le Lieder-Buch für die grosse Landes-Loge von Deutschland zu Berlin und ihre Töchter-Logen de 1832 est entièrement en allemand ... à la seule exception d'une chanson francophone ... qui est précisément le Chant des Apprentis. On trouve aussi la chanson telle qu'à la Lire (au décalage de ton près) aux pp. 139-40 du recueil daté de 1812 et intitulé 62 Lieder mit Melodien zum Gebrauche der Loge zu den drey Degen in Halle, où elle est également la seule francophone de tout le recueil, qu'elle conclut d'ailleurs sous le titre Kettenlied (chant pour la Chaîne d'Union). Preuves supplémentaires du succès de ce chant ! On le trouve même en 1811 dans un chansonnier polonais ! |
Mais la toute
première parution de ce texte est encore antérieure d'un an au
chansonnier de Naudot (de 1737) : il figure en effet déjà - avec la
mention mise en musique par le Frère Papillon - à la toute
première traduction-adaptation en français des Constitutions d'Anderson,
parue à La Haye en 1736 (ci-contre à gauche).
On peut trouver cette traduction dans un recueil de textes réunis et commentés par Johel Coutura sous le titre Le parfait maçon, Les débuts de la maçonnerie française (1736-1748) et édité en 1994 par les Publications de l’Université de Saint-Étienne. |
Un extrait du texte est également cité dans le Vocabulaire des francs-maçons, à l'article Chaîne, article reproduit ci-contre et dont la partie en petits caractères est agrandie ci-dessous :
|
|
9. Sur le même air, ou sur un autre (figurant à la Lire Maçonne), peut également se chanter un autre texte, désigné à la Lire comme la Nouvelle Chanson d'Union et au Chansonnier de Naudot comme la Suite de la Chanson des Aprentifs.
10. La Lire donne également (p. 469) sur le même air une Chanson pour saluer le T. R. G. M., lorsqu'il visite une Loge, et son édition 1787 donne en plus une chanson en hollandois sur cet air également ainsi qu'un couplet pour le Député.
11. Dans les chansons des 3 Globes, on trouvera, toujours sur le même air, un texte (de 1777) tout différent : la Science.
12. La chanson (parfois réduite à ses 1er et dernier couplet, comme par exemple aux pp. 39-40 du Recueil de cantiques pour l'occasion de la Fête de l'Inauguration du Nouveau Temple de la Respectable Loge de Saint Jean de l'Espérance à l'Orient de Berne le 16e Jour du 10e Mois 5809) est souvent désignée aussi comme Cantique de Clôture faisant l'objet d'un Rituel particulier. Au Recueil précieux de la Maçonnerie Adonhiramite, on trouve un tel Cantique. On trouve dans de nombreux chansonniers (souvent la dernière du recueil) l'ensemble formé par le premier et le dernier couplets, présenté comme le cantique de clôture ou le cantique pour la clôture du banquet, comme par exemple à l'annuaire 1810 de la Clémente Amitié.
13. Le Recueil de Cantiques pour la Loge de la Parfaite-Union à l'Orient de Douay (1804) l'intitule Cantique de Clôture et en donne une version quelque peu différente : si le 1er couplet est classique, le 2e est (à deux vers près) le même que le 6e du Cantique de Clôture du Recueil précieux de la Maçonnerie Adonhiramite :
Profanes curieux
De savoir notre ouvrage,
Jamais vos faibles yeux
N'auront cet avantage.
Vous tâchez vainement (au lieu de : follement)
De pénétrer nos secrets, nos mystères (au lieu de : nos plus profonds
mystères)
Vous ne saurez pas seulement
Comment boivent les Frères.
Le 3e couplet est à nouveau classique (c'est le dernier, avec ses 8 vers, Joignons-nous main en main ...) mais s'y ajoutent un 4e et un 5e (dont les 4 derniers vers sont à nouveau Joignons-nous main en main), prélevés dans d'autres chansons, respectivement (couplet 7) la Nouvelle Chanson d'Union et (couplet 8) le Cantique de Clôture du Recueil précieux de la Maçonnerie Adonhiramite.
Et que cette
unité,
Qui parmi nous couronne les misteres,
Enchaine ici la volupté,
Dont jouïssent les Freres.
Joignons-nous main en main ...
A toutes les vertus,
Ouvrons nos coeurs, en fermant cette Loge,
Et que jamais à nos Statuts,
Nul de nous ne déroge.
Joignons-nous main en main ...
On trouve ailleurs, souvent sous le titre Cantique de Clôture, d'autres combinaisons de couplets classiques (comme par exemple ici, ici ou à la chanson qui clôture la Lyre maçonnique de 1809), ou tout simplement le premier, le dernier, ou (comme au recueil de Lille de 1807) ces deux réunis.
14. L'air est également utilisé par un Cantique de clôture pour une Loge d'adoption, figurant à la Collection de Cantiques de la Loge La Paix Immortelle
15. Le recueil d'Orcel de 1867 donne sur cet air un Cantique pour la Chaîne et la fermeture des Travaux de Table. On rencontre d'autres adaptations du Cantique de Clôture ici ou (dans une version très militante de 1874) ici.
16. Dans nos chansons du XXe siècle, on trouvera pour cette air trois nouveaux couplets, de composition récente.
L'expression est quelque peu désuète, et certains se sont interrogés à son sujet.
On trouve dans le Grand Littré de 1885 :
Familièrement : un rouge bord, un verre plein de vin jusqu'au bord. Boire des rouges bords. Boire à rouge bord.
Et Littré de citer Boileau (Satires, III) :
Un laquais effronté m'apporte un rouge bord
D'un auvernat (sic) fumeux qui, mêlé de lignage,
Se vendait chez Crenet pour vin de l'Ermitage.
On trouvait déjà dans la première édition (1694) du Dictionnaire de L'Académie française :
On dit, Boire à rouges bords, Quand on boit le verre plein.
18. Signalons aussi la curieuse similitude - tant pour le texte que pour la musique - avec une chanson des Compagnons du Devoir : Chanson de table pour la Saint-Joseph.
Ceux qui cherchent nos Mots,
Se vantant de nos Signes,
Sont du nombre des sots,
De nos soucis indignes
sont reproduits en 1746 aux pp. 39-40 du texte de Steinheil Le franc-maçon dans la république ou réflexions apologiques sur les persécutions des francs-maçons.
Ils y sont suivis de 4 vers venant (presque identiquement) d'une autre chanson :
Et si le vulgaire
Ride (sic) nos mysteres,
Ne disons mot,
L’ignorance est son lot.
20. Nous reproduisons ci-dessous deux partitions (pratiquement identiques) dans un graphisme plus moderne. La deuxième est tirée de la p. 33 de l'Histoire pittoresque de la franc-maçonnerie et des sociétés secrètes de Clavel.
21. Chose curieuse, sur une page du très riche site Poèmes satiriques du XVIIIe siècle et, avec la (très précoce) mention de date 1736 et sous les références $5650 et Bibliothèque Mazarine, manuscrit de Castries 3989, pp. 311-14, on retrouve la chanson, mais avec en prime un refrain (constitué par les 3 vers de la chanson Buvons, frères, buvons). Le tout avec la mention d'air Buvons, frères, buvons, air visible (sous le n° XLI) à la p. 16 de la partie partitions en fin du volume Les nymphes de Diane.
22. On est habitué à trouver des chansons maçonniques sur des airs profanes. Le contraire est plus rare mais nous en avons trouvé un exemple pittoresque en 1790 avec cette Ronde patriotique faite pour être chantée en assemblée de garde nationale ou de fédération [sur l']air de la ronde de la table des franc maçons (joignons nous mains en mains).
Les pages 1 à 5 de La Lire Maçonne contiennent :
(p. 1) la partition ci-dessus
(pp. 2-3) le texte en français (reproduit ci-dessus dans son orthographe originale) :
(pp. 4-5) la traduction en Hollandois, qui se chante sur le même air.
|