Les chansonniers des Trois Globes
La Loge aux Trois Globes de Berlin a publié en 1777 cette Sammlung Neuer Freymaurer-Reden, Oden und Lieder, in Teutsch und Französischer Sprache bey Verschiedenen Feyerlichen Gelegenheiten Gehalten in der Loge Zu Den Drey Weltkugeln zu Berlin (Recueil de discours, odes et chants maçonniques nouveaux, en langue allemande et française, pour diverses circonstances solennelles de la Loge aux Trois Globes à Berlin). Il s'agit en fait essentiellement d'un rassemblement de fascicules (en général datés aussi de 1777, et ayant chacun leur numérotation propre), tous imprimés chez le même éditeur (George Jacob Decker à Berlin et Leipzig). Il confirme que, comme en témoignent d'autres ouvrages publiés à Berlin en 1781 et 1786, l'usage du français n'était pas rare à cette époque dans les Loges allemandes (les premières Loges berlinoises ont d'ailleurs été fondées par des Français, avec des noms français qui n'ont été traduits qu'ultérieurement). |
Le recueil comprend les éléments suivant :
- quatre en allemand, l'un prononcé dans la Loge Zum Flammenden Stern et les trois autres à Zu den drey Weltkugeln (les 3 Globes) ; le dernier, pour l'anniversaire du roi, est le seul imprimé en gothique
- deux en français (discours maçonniques du Frère de G***, membre de la Loge militaire de l'étoile Flamboyante : le premier est un Discours sur l'importance de la maçonnerie, prononcé dans la Loge françoise Frédéric aux trois Séraphins, le 9 d'avril 1776 ; le deuxième est un Discours sur les dangers du mauvais exemple, prononcé dans la Loge françoise Frédéric aux trois Séraphins, à la réception de mon frère cadet, le 6 de mai 1777)
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Une réédition en fac-similé de ce fascicule a été effectuée en 1998 par l'éditeur Christian Lacour-Ollé, aux éditions Lacour/Rediviva (cet éditeur a un catalogue extrêmement riche de textes anciens, tant maçonniques que régionalistes).
Ces cinq chansons sont reprises en 1782 (avec partitions) au recueil Vierzig Freymäurerlieder In Musik gesetzt vom Herrn Kapellmeister Naumann Zu Dresden (zum Gebrauch der Deutschen und Französischen Tafellogen).
O Vous dont le marteau
sublime
Affermit les vertus & térasse le crime,
Grand PRINCE que nous admirons,
Grand-Maitre que nous vénérons,
Digne à jamais de nos éloges !
Daignez recevoir de Vos Loges
Et du corps des Initiés
Ce petit don mis à Vos piés.
Veuille l'Architecte supreme,
Sur Vos beaux jours veillant lui-même,
Faire pleuvoir sur Vous
Ses bienfaits les plus doux.
Berlin ce 14 Avril 1777.
Cinq de ces six chansons sont reprises en 1782 (avec partitions) au recueil Vierzig Freymäurerlieder In Musik gesetzt vom Herrn Kapellmeister Naumann Zu Dresden (zum Gebrauch der Deutschen und Französischen Tafellogen) ; dans une Anmerkung (note) à ce recueil, Von Hymmen en attribue les textes et l'édition au Frère Burja, à ce moment Prediger in Petersburg (pasteur réformé à Saint-Petersbourg), qui est Abel Burja.
Il existe un second volume, qui ne comprend pas de chansons. Il n'est pas spécifique aux Trois Globes.
La même Loge est aussi, au début du siècle suivant, le promoteur d'un recueil édité à Berlin chez le même imprimeur et intitulé Vollständiges Gesangbuch für Freimaurer zum Gebrauch der Großen National-Mutterloge zu den drei Weltkugeln in Berlin, und aller mit ihr vereinigte Logen in Deutschland (chansonnier complet pour francs-maçons, à l'usage de la Grande Mère-Loge nationale aux Trois Globes à Berlin, et de toutes les Loges lui associées en Allemagne). Google-books a rendu disponible la deuxième (1804) et la quatrième (1810) éditions de ce recueil. Nous avons trouvé trace d'autres éditions en 1801 (qui doit donc être la première), 1806 (3e), 1813 (5e) et 1819, mais avons eu l'occasion de consulter seulement celles de 1804 et 1810, qui sont d'ailleurs identiques pour la partie qui nous intéresse ici. Dans les deux éditions consultées, ce chansonnier, dont la première partie (pp. 1-298) contient 460 Deutsche Gesänge, comprend également en deuxième partie (pp. 299-311) 18 chansons en français (Französische Gesänge), proportion qui montre bien que l'usage du français dans la Loge avait considérablement régressé à ce moment. Toutes les 11 chansons du recueil de 1777 se retrouvent parmi ces 18. |
Voici la table des chansons francophones figurant à ces deux recueils :
place dans le recueil 1777 | place dans le recueil suivant | (uniquement dans le recueil 1777) | place chez Naum. | |||
p. | n° | Titre | Incipit | commen- taire |
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B1 | 299 | 1 | A l'honneur du Roi | 138 | Ah quelle chaîne | ° |
299 | 2 | Art Divin, l'Etre Suprême | ** | |||
B6 | 300 | 3 | La sagesse ancienne (D9) | 142 | Autrefois Thèbes et Memphis | * |
B5 | 301 | 4 | Les symboles (D8) | 136 | Cachés dans leurs sanctuaires | * |
A4 | 301 | 5 | Les quatre saisons (D4) | 122 | C'est dans l'hiver que toute la nature | ° |
B4 | 302 | 6 | Le bonheur du sage (D6) | 130 | Chantons du Sage | * |
B3 | 302 | 7 | Les plaisirs de la maçonnerie (D7) | 132 | Dans ce charmant azyle | * |
303 | 8 | Dans nos loges bâtissons | ** | |||
A3 | 304 | 9 | La Science (D3) | 118 | L'éclat oriental | ° |
304 | 10 | Frères et compagnons de la Maçonnerie | ** | |||
305 | 11 | Frères et compagnons de cet ordre sublime | ** | |||
B2 | 306 | 12 | Allusion aux noms des 6 Loges réunies de Berlin | Jamais, jamais ne passera la gloire | * | |
307 | 13 | Les vrais biens sont peu durables | ** | |||
A2 | 308 | 14 | Exhortations (D2) | 116 | Nous vénérons de l'Arabie | ° |
308 | 15 | Parmi cette Société | ** | |||
A5 | 309 | 16 | Les plaisirs de la vie (D5) | 126 | Qu'un plaisir tout innocent | ° |
309 | 17 | Tous de concert chantons | ** | |||
A1 | 310 | 18 | L'emploi de la vie (D1) | 114 | Vivre, quel bonheur, mes Frères ! | ° |
Explication des commentaires dans la colonne de droite : Les chansons marquées ** sont des chansons courantes dans les chansonniers français du XVIIIe et font donc partie d'un patrimoine commun à toute la francophonie. Les chansons marquées * sont des chansons dont nous n'avons trouvé qu'une seule impression au XVIIIe, dans l'édition 1787 (et donc pas dans les précédentes) de la Lire maçonne. Les autres (marquées °) sont celles dont, dans l'état actuel de nos connaissances, nous n'avons trouvé aucune édition antérieure à celle-ci. Mais presque toutes, même parmi les plus rares, se trouvent reprises dans la Muse maçonne imprimée en 1806 à Amsterdam. Cela indique que les chansonniers berlinois étaient plus connus aux Pays-Bas qu'en France. Pour certaines chansons (n°s 1 et 12), le texte établit clairement qu'elles sont propres à l'Allemagne. Ci-contre : à la gravure figurant en frontispice de l'ouvrage, cette mappemonde, entourée d'attributs maçonniques classiques, rappelle les trois qui symbolisent la Loge des 3 Globes. |
Ces 18 chansons apparaissent sans titre, et sont numérotées selon l'ordre alphabétique de leur incipit (seul celui-ci est mentionné à la table des matières, p. 416).
Pour beaucoup, il est renvoyé à une Collection de mélodies (ou Sammlung von Melodien) que nous n'avons malheureusement pu encore identifier.
Les textes des 9 chansons marquées (D) dans la colonne 4 se retrouvent dans un petit recueil daté de 1783 et intitulé Douze Chansons pour la Loge aux vrais amis à Dresde, avec 3 autres qui sont parmi les plus connues dans les chansonniers français de l'époque (par exemple aux pages 1, 86 et 222 de la Lire maçonne).
Dans le recueil Vierzig Freymäurerlieder, Naumann a publié de nouvelles partitions pour 10 de ces chansons. Leur n° de page est indiqué dans la colonne place chez Naumann ci-dessus.