Frédéric II de Prusse

 En cliquant ici, vous entendrez l'Allegro d'une sonate pour flûte et clavecin de Frédéric II (fichier midi de 24 Ko pour 3'45")

 

Non seulement je tolérerai les loges, mais c'est mon devoir de les favoriser  (Frédéric II)

Paradigme du despote éclairé du XVIIIe siècle, fondateur de la grandeur de la Prusse, ami des lettres, écrivain et  philosophe, protecteur de Voltaire, Frédéric II, roi de Prusse (1712-1786), dit Frédéric le Grand,  se piquait également de jouer et même d'écrire de la musique. Excellent flûtiste paraît-il, il donnait concert cinq jours par semaine avec sa chapelle musicale formée de musiciens réputés. Selon Gefen, il écrivit lui-même quelques concertos pour flûte, ainsi que 120 sonates, plusieurs symphonies, des airs de concert et des livrets d'opéra. 

Franc-maçon lui-même, il favorisa l'expansion de la Franc-Maçonnerie en Prusse.

Le 16 juillet 1774, il délivra à la grande loge provinciale d'Allemagne établie à Berlin des lettres patentes par lesquelles il lui accordait sa très-gracieuse protection, sauvegarde et faveur royale, ne doutant pas que cette marque de grâce spéciale ne lui serve d'aiguillon pour redoubler continuellement de zèle, aux fins de l'avancement, du bien-être et de la félicité humaines.

Cependant, selon Alec Mellor (dans son Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie et des Francs-Maçons, Belfond 1979), ... vu sous l'aspect maçonnique, le rôle de Frédéric II a été exagéré par nombre d'historiens. Il est exact qu'il fut initié dans sa jeunesse, le 14 août 1738, à Brunswick, à l'insu de son père, et qu'il fréquenta l'année suivante à la cour la loge Rhenisberg. Il est même possible qu'en juin 1740, il ait tenu loge à Charlottenburg et y ait initié son frère le prince Guillaume et trois autres personnages de haut rang, comme le rapporte le baron Jacob Bienfeld, l'un des fondateurs de la loge mère des Trois Globes, dans ses Lettres familières (1740). Là cependant se limite son rôle maçonnique actif. Le reste de son règne se borna à agréer des hommages.

... une société qui ne travaille qu'à faire germer et fructifier toutes sortes de vertus dans mes états peut toujours compter sur ma protection. C'est la glorieuse tâche de tout bon souverain ; et je ne discontinuerai jamais de la remplir. (lettre de Frédéric à la loge Royale York, 14 février 1777)

Outre les honneurs lui rendus dans les Loges prussiennes en tant que chef d'Etat, il dut à sa réputation de protecteur de la maçonnerie d'être également honoré plus tard en France. Plusieurs chansons de ce site lui sont donc dédiées ou le citent, elles sont mentionnées ici.

Médailles du Centenaire

Nous avons trouvé ces deux médailles du Centenaire, frappées respectivement en 1838 et 1840, et portant chacune une effigie de Frédéric, dans l'American Journal for Numismatics. Nous les reproduisons ci-dessous, avec des éléments de la description qui en est faite dans ce journal.

La première rappelle l'Initiation de Frédéric :

à gauche (avec les signatures C. PFEUFFER FEC. et G. LOOS DIR) : Buste avec la légende  FRIDERICVS PRINCEPS REGNI BORVSS. HERES ANNOS NATVS XXVI (Frederic, Prince et héritier du Royaume de Prusse, à l'âge de 26 ans).

à droite : trois figures féminines, surmontées d'une langue de lumière et representant Sagesse, Force et Beauté, entourent un autel ; celle de gauche, couronnée d'étoiles, et portant en bijou un double triangle, tient équerre et compas dans la main droite, et dans la gauche une corde à noeuds qui encercle trois fois la pierre cubique de l'autel ; celle du milieu, Minerve, porte en bijou un triangle flamboyant, tient un maillet dans la main droite et dans la main gauche une épée tendue vers l'autel ; celle de droite, voilée par l'arrière, porte en bijou une étoile flamboyante, tient dans la main droite un niveau et dans la gauche l'autre extrémité de la corde à noeuds, qui a trois lacs d'amour visibles en avant de l'autel. Celui-ci est entouré de trois colonnes et porte la lettre F ... et repose sur le mot GERMANIA. ; la légende est : RECEPTVS IN ORDINEM LIBERVM LATOMORVM NOCTE DIE XIV AVG. A. MDCCXXXVIII INSECVTA (reçu dans l'Ordre maçonnique la nuit du 14 août 1738). En exergue, CELEBRANDIS SOLLEMNIBVS SAECVLARIBVS ANNO MDCCCXXXVIII (célébration 1838 du centenaire).

La deuxième rappelle la fondation, sous sa présidence, des Trois Globes en 1740 :

Buste de Frédéric portant un collier avec équerre en bijou, avec la légende FRIDERICVS II BORVSS REX LATOMIAE CONDITOR BEROLINI ET PRIMVS III GLOBOR PRAESVL. (Frederic, Roi de Prusse, fondateur de la maçonnerie à Berlin et premier Grand Maître de la Loge des Trois Globes).

(avec les signatures G. LOOS. DIR. c. PFEUFFER FEC.)

un rideau drapé, dont le support est entrelacé avec une corde à noeuds portant un lacs d'amour, porte, sous un aigle prussien tenant dans ses serres l'orbe et le sceptre, le logo de la Loge des Trois Globes (trois mappemondes sur pied). Le rideau surmonte un pavé mosaïque et des rayons de soleil apparaissent à l'arrière. La légende est : SACRA LATOMORVM IN REGNO BORVSS. D. 13 SEPTEMB. 1740 INAVGVRATA  (les Rites de la maçonnerie inaugurés dans le Royaume de Prusse, le 13 septembre 1740). En exergue, SECVLARIA A SODALITATE TRIVM GLOBOR. CELEBRATA D. 13 SEPT. 1840  (centenaire célébré par la Loge des Trois Globes le 13 septembre 1840).

A l'instar de la plupart des historiens, Mellor considère par ailleurs comme purement légendaires les récits le décrivant comme un promoteur des Grandes Constitutions de 1786 du REAA.

ci-dessus : Frédéric le Grand présidant une Loge en 1740

ci-contre : son maillet de Grand Maître

Gérard Gefen donne dans son livre Les musiciens et la franc-maçonnerie d'intéressantes précisions sur les circonstances de l'initiation de Frédéric II : 

Dans les premiers temps, l'implantation de la franc-maçonnerie en Allemagne se heurta … à une certaine opposition. À Hambourg, le sénat de la cité hanséatique, alerté contre une société que l'on disait composée de " libres-penseurs, indifférentistes et libertins " lança contre elle une interdiction qui, au demeurant, resta lettre morte. Le plus puissant des souverains allemands, Frédéric-Guillaume Ier de Prusse, partageait ces préventions et, pendant l'été 1739, lors d'une croisière sur le Rhin, une âpre discussion l'opposa sur ce sujet à un prince allemand, membre d'une loge londonienne depuis 1725, le comte de Lippe-Bückenburg. Celui-ci ne parvint pas à convaincre le roi de Prusse mais, on va le voir, ce petit incident eut de grandes conséquences.

Quelques jours plus tard, le baron Oberg, Vénérable de la loge de Hambourg, reçut un message mystérieux du comte de Lippe. Ce dernier lui demandait de se rendre à Brunswick avec une délégation de sa loge, pour y initier "un illustre inconnu". Fort intrigués, les Hambourgeois acceptèrent l'invitation et, dans une célèbre taverne de Brunswick, rencontrèrent enfin le candidat : le prince héritier de Prusse en personne, alors âgé de vingt-sept ans. Celui-ci, que l'histoire allait connaître sous le nom de Frédéric le Grand, avait assisté à la discussion sur le Rhin et, contrairement à son père, il avait été conquis par les arguments du comte de Lippe.

Dans la nuit du 14 au 15 août 1739, les trois grades d'apprenti, de compagnon et de maître furent ainsi conférés pour la première fois à un musicien allemand.

ci-contre : Frédéric II avec Voltaire

L'admiration des maçons français pour Frédéric II en tant que protecteur de la maçonnerie est encore attestée au début du XIXe siècle par une chanson figurant à ce site.

Par ailleurs, on sait que le jour (7 avril 1778) de l'initiation de Voltaire à la Loge des Neuf Soeurs, 4 bustes décoraient la salle : ceux du roi Louis XVI, du duc de Chartres (Grand Maître du Grand Orient de France), d'Helvétius (un des initiateurs de la création de la Loge) et ... de Frédéric II.

Sur cette médaille éditée par le Musée maçonnique de Bayreuth, le profil de Frédéric avec la légende Fridericus D.G.M.B.D.P. ET S.B.N.

Frédéric et le pape

Selon Jean-Paul Decoeurtyte, dans une page de son site Compilhistoire, Frédéric II aurait, en 1741, écrit ce qui suit au pape Benoît XIV : 

Révérends Pères, j'ai appris de divers côtés, et notamment par les journaux, avec quelle ardeur vous brandissiez le glaive du fanatisme contre des hommes paisibles, vertueux et respectables, contre les nommés Francs-Maçons. Comme je fais également partie des chefs de cette respectable association, j'ai le devoir de repousser, dans la mesure de mes forces, la calomnie qui s'adresse à ceux-ci et de lever le voile épais qui fait paraître, comme un lieu de réunion de tous les péchés, le Temple érigé à toutes les vertus. Quoi donc ! Révérends Pères, voudriez-vous faire renaître ces siècles d'ignorance et de sauvagerie qui sont la honte de la raison humaine ? Ces siècles de fanatisme auxquels notre pensée ne peut se référer sans horreur ? Ces temps où l'hypocrisie assise sur le trône des tyrannies, entre la superstition et l'humanité, tenait le monde dans les chaînes et vouait au bûcher, sans aucune distinction, quiconque était seulement capable de savoir lire ? Vous ne vous contentez pas d'appliquer aux Francs-maçons l'épithète de saltimbanques, mais vous les accusez d'être des brigands, des scélérats, des supports de l'Antéchrist et vous excitez le peuple entier à exterminer cette engeance maudite. Les brigands, Révérends Pères, ne sont pas ceux qui reconnaissent, comme nous, le devoir de secourir les pauvres et les orphelins ; les brigands sont ceux qui les dépouillent, qui souvent captent leur héritage et se repaissent de leur butin au sein de l'orgueil et de l'hypocrisie ; les brigands sont ceux qui trompent les hommes, alors que les Francs-maçons cherchent à les éclairer. Les suppôts de l'Antéchrist porteraient probablement tous leurs efforts vers la destruction des lois du Très-puissant ; les Francs-maçons ne peuvent attenter à ces lois sans réduire en ruines leur propre édifice. Ceux-là pourraient-ils être qualifiés d'engeance maudite, qui cherchent leur plus grande gloire dans la diffusion des vertus qui forment l'homme probe ?

 

Ci-contre : Hommage à Frédéric II, en tête de la Sammlung Neuer Freymaurer-Reden, Oden und Lieder, in Teutsch und Französischer Sprache bey Verschiedenen Feyerlichen Gelegenheiten Gehalten in der Loge Zu Den Drey Weltkugeln zu Berlin (Recueil de discours, odes et chants maçonniques nouveaux, en langue allemande et française, pour diverses circonstances solennelles de la Loge aux Trois Globes à Berlin) publiée en 1777 par la Loge aux Trois Globes de Berlin.

La citation d'Horace 

hic ames dici Pater atque Princeps

(ici prends plaisir aux noms de père et de prince)

est extraite de ses Carmina (Odes), 1, 2.50-52.

Frédéric

Le (quelque peu grotesque) poème

NOBLESSE DES FRANCS-MAÇONS, OU Institution de leur Société avant le Deluge Universel, & son renouvellement après le Deluge 

paru à Francfort en 1756, contient en son chant XXXII un éloge appuyé de Frédéric et en particulier (p. 97) de son respect pour le libre-examen et de la protection dont il fait bénéficier la maçonnerie :

 Le Héros laisse au Ciel la suprême puissance.
Il le sçait, il le sent : La persuasion, 
L'examen libre seuls font la Religion,
A la grace appartient l'infaillible victoire,
Sur l'esprit qui se rend aux dogmes qu'il faut croire.
Sous ce sage Grand-Maitre en pleine liberté,
Et même en ses palais, vit la Société.
Elle n'est plus réduite, & des retraites sombres,
Et d'un gênant secret, à rechercher les ombres.
 Le suffrage imposant de Frère Fréderic, 
Nous assure par-tout l'estime du Public.

Retour à la table chronologique :

Retour à la table alphabétique :