Dialogue entre un maçon et un profane

 Cliquez ici pour entendre le fichier de cette partition, séquencé par Christophe D. 

Cette chanson occupe les pages 12 à 21 de la Lyre maçonne pour les travaux et les banquets (1786) de Le Bauld-de-Nans.

Nous ne l'avons encore trouvée dans aucun autre chansonnier.

Le principe d'un tel dialogue se retrouve dans plusieurs chansons du XVIIIe, comme ici (en version féminine), ici ou ici.

En général le profane s'y montre falot, tant il se laisse facilement et rapidement convaincre par la raison maçonnique (à un point qui touche même au ridicule dans cet exemple du XIXe). 

Mais dans ce cas-ci - et on se rappellera que Le Bauld est un intellectuel subtil - la construction n'est pas aussi simpliste, et le profane, qui ne croit pas aux grands mots qu'il considère comme chansons et comme chimères, apparaît comme un personnage moins inconsistant, et même pas du tout dénué de bon sens dans la mesure où sa critique du verbalisme maçonnique peut sembler fondée.

Il est à remarquer que le but de la maçonnerie sur lequel ils se mettent finalement d'accord est de faire à jamais régner la paix dans l'Unívers, ambition rarement exprimée au XVIIIe.

La première page de la partition porte la mention :

Musique de l'air : Aimer avec ardeur de l'Erreur d'un moment. On a noté ici le dernier couplet à cause de la fin qui est en Duo.

L'erreur d'un moment ou La suite de Julie est un opéra-comique (1773) de Dezède sur un livret de Jacques-Marie Boutet de Monvel (1745-1812). Nous n'y avons pas trouvé d'air Aimer avec ardeur mais bien un air (également parsemé de nombreux oui-dà) Sentir avec ardeur. On en trouve la partition (qui correspond à celle donnée par Le Bauld) aux pp. 23-32 de cette édition.

                       


DIALOGUE

ENTRE

UN MAçON ET UN PROFANE.

 

 

 

 

Mineur.      le profane

Je dís de vos leçons,
Sans nul mystère,
Chers Francs-Maçons,
Chansons.
Votre nom de Frere
N'est qu'une chimere ;
Je dis de vos leçons,
Sans nul mystère,
Chers Frans-Maçons,
Chansons.

Majeur.     le maçon.

Tu te trompes bien en cela.

le profane

Oui dà !

le maçon.

Oui dà.

le profane

Preuve-moi ça.

le maçon.

La vertu le prouvera.

le profane

Grands mots ! helas !
Je n'y crois pas.

le maçon.

Chez nous la Nature
Brille toujours pure.

le profane

Oui dà !

le maçon.

Oui dà.

le profane

Tu dis cela.

le maçon.

L'amitié sous cet appui-là, 
Vient dans nos bras, 
Et n'en sort pas.

 

 

 

 

 

II.

le profane

Mineur. L'amitié n'est qu'un nom, 
Une Chimère, 
Du Franc-Maçon 
Chanson. 

le maçon.

Dans ce Sanctuaire
Viens à sa lumière,
Dissiper ton erreur,
Qu'elle t'éclaire :
C'est le bonheur
Du coeur.

Majeur.       le profane

L'amitié n'a point ce don-là.
Oui dà, oui dà,
Je connais ça.
Légers comme les Amans,
Amis du tems
Sont inconstans.
L'homme fuit la gêne,
Le plaisir l'entraîne ;
Dès qu'il s'en va,
Tout finit là.
Avec ce fragile lien,
Tout votre bien
Devient à rien.

 

 

 

 

 

Ill.

Mineur.      le maçon.

Tu ne connus jamais
L'amitiê pure ,
Ni ses bienfaits
Parfaits.
Dans ton ame obscure,
Tu lui fais injure ;
C'est sa seule faveur
Qui nous assure
Le vrai bonheur
Du coeur.

Majeur.       le profane

Me dis-tu bien vrai dans cela ?

le maçon.

Oui dà ; oui dà. 

le profane

Prouve-moi ça.

le maçon.

Le plaisir trompe tes pas. 
Tu vas, tu vas, 
Et n'y vois pas.
Mais tu suis le vice
Dans le précipice 
En pleine nuit, 
Il te conduit. 
Ton coeur n'est jamais satisfait,
Et toujours fait
Nouveau souhait.

 

 

 

 

 

IV.

Mineur.    La vertu nous conduit ;
C'est la lumière 
Qui jour et nuit, 
Nous luit.
L'amitié sincère
A ses feux s’éclaire.
Et c'est de sa faveur
Que pour le Frere 
Naît le bonheur 
Du coeur.

 Majeur.       le profane

L'amitié nous rend contens-là ?

le maçon.

Oui dà.

le profane

Oui dà.
Je sens cela. 
Mais bornez-vous aux Maçons 
Le fruit heureux de ses leçons ? 

le maçon.

Si jamais sa flame
Animait ton ame ,
Tu connaîtrais
Ces grands secrets : 
Et tu verrais que les vertus 
Sont parmi nous ses attributs.

 

 

 

 

V. 

 Mineur.    Ce que des citoyens
L'on doit attendre,
Fait nos plus saints
Liens.
Nous aimons défendre
L'Humanité tendre.
Pour éloigner ses maux,
Tout entreprendre ,
Sont nos plus beaux
Travaux. 

Majeur.       le profane

Les vertus seules font cela.

le maçon.

Oui dà.

le profane

Oui dà.
Je dis cela. 

le maçon.

Je m'applaudís de mes leçons. 

le profane

Je sens le prix de tes leçons.

le maçon.

Chantons,

le profane

Chantons,

ensemble.

Les Francs-Maçons.
Ordre que j'encense,
Sois ma récompense;
Marque le cours
De tous mes jours.
Dans l'Univers, par tes bienfaits,
Fais à jamais
Regner la paix.

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