Une Tenue de Nouvel An

pendant l'occupation de Vienne par la Grande Armée

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Ce document (notice n° FRBNF35157079) figure au catalogue de la BNF sous la cote FM IMPR-2677 (5). 

Il est intitulé

Cantique chanté le jour de la St. Jean d'Hiver, à un Banquet donné par les Frères de la Respectable Loge des Amis réunis sur les côtes de l’océan, en voyage, à l'Orient de Vienne conquise, le 31e jour du 10e mois, l'an de la Vraie Lumière 5805, 10 Nivôse an 14, sous le Maillet du Vénérable Frère Thevenin, Inspecteur général des équipages Militaires de la Grande Armée.

et est imprimé sur 3 des 4 pages d'un feuillet sans désignation d'imprimeur.

C'est encore une démonstration de culte napoléonien.

Le contexte historique

En 1805, la formation, à l'instigation de l'Angleterre, de la troisième coalition amène Napoléon à postposer son projet (dont la perspective s'éloignera encore après Trafalgar le 21 octobre) d'invasion de l'Angleterre pour engager, le 28 août, ses armées dans une course à l'est et, après son entrée à Vienne le 14 novembre et une série de succès couronnée par la victoire d'Austerlitz le 2 décembre, imposer à l'Autriche, le 26 décembre, le traité de Presbourg

Ce contexte historique est largement explicité dans le cantique - qui, en son dernier couplet, s'illusionne sur la reprise du projet d'invasion de l'Angleterre.

L'auteur des paroles, le Frère Naudet, avait accompagné sa loge calaisienne des Amis réunis sur les Côtes de l'Océan dans son expédition militaire.

Naudet donne le choix entre deux airs différents : l'air J'ai vu partout dans mes voyages et l'air de la pipe de tabac. Béranger donne le même choix pour sa chanson Un ange.

Thevenin 

Le Thevenin qui présidait la Tenue est, selon une fiche Bossu, Marie-Joseph-Pierre Thévenin, né à Paris le 8-9-1761, effectivement inspecteur général des équipements militaires, Vénérable en 1806 des Amis réunis sur les côtes de l’Océan et membre en 1808 de la Loge parisienne Impériale des francs chevaliers

Alexandre Thévenin, né à Die, (sans aucun doute son fils) était en 1804 selon cette autre fiche louveteau dans sa Loge. Et c'est sans doute aussi son épouse (sans doute Hélène BOREL 1767-1842) qui selon cette fiche-ci était en 1806 membre de la Loge d'Adoption Impériale des francs chevaliers. 

Selon la base Verlaine, Marie Joseph Pierre Thévenin, Colonel de Napoléon, fut fait prisonnier à la capitulation de Dresde en 1813 et décéda en 1815. La Revue historique de la révolution française et de l'Empire évoque (p. 71) un Marie-Joseph-Pierre Thévenin, membre de la respectable Loge de l'Heureuse Rencontre de Die, qui était sans doute entreposeur du tabac à Die. On en trouve une biographie détaillée à la p. 19 du Dictionnaire des officiers du train des équipages impérial par Villaume.

                      

        

CANTIQUE

 

chanté le jour de la St. Jean d'hiver, à un
Banquet donné par les Frères de la Respectable Loge des Amis
réunis sur les côtes de l’océan, en voyage, à l'Orient de
Vienne conquise, le 31e jour du 10e mois, l'an de la
Vraie Lumière 5805, 10 Nivôse an 14, sous le Maillet du
Vénérable Frère Thevenin, Inspecteur général des équipages
Militaires de la Grande Armée.

 

 

Air: J’ai vu partout dans mes voyages etc.
(Ou de la pipe de tabac).

 

 

 

 

1.

 

Amis après un long voyage,
Qu’il est doux de se réunir ! 
Qu'on est heureux après l’orage,
Lorsqu'on voit le tems s’éclaircir !
Pour notre étoile tutélaire,
Prenons le héros des Français ;
Et chantons aujourd’hui la guerre
Qui vient de nous donner la paix.

 

 

 

 

2.

 

Nos soldats sûrs de la conquête,
Semblaient languir dans le repos ;
Déjà la vengeance était prête,
Et nous allions fendre les flots ;
Lorsque par son or l’Angleterre 
Arma soudain le continent ;
Mais celui qui paya la guerre
En sera le mauvais marchand.

 

 

 

 

3.

 

Les braves de la Grande Armée
Ont fait des prodiges nouveaux ;
Et la voix de la renommée 
Affaiblira de tels travaux ;
Mais nos enfans liront l’Histoire,
Sans s’étonner de nos succès :
Napoléon à la victoire
A toujours conduit les Français.

 

 

 

 

4.

 

BONAPARTE a vengé la France ;
Et pour couronner ses bienfaits,
Son coeur se livre à la clémence,
Il accorde aux vaincus la paix :
S'il faut qu'un jour on se souvienne
Qu'ils ont été nos ennemis,
On leur rappellera qu'à Vienne,
Les Amis se sont réunis.

 

 

 

 

5.

 

Le feu dévorant de la guerre,
Doit s’éteindre dans son foyer ;
Sur les côtes de l’Angleterre 
Allons transplanter le Laurier ;
Notre héros saura confondre
La politique des Anglais ;
Et lorsque nous serons à Londres
Il faudra qu’ils fassent la paix.

 

Par le F. Naudet, M. de L. A. Loge des amis réunis sur les côtes de l'Océan.

Ce cantique traduit bien la mentalité triomphaliste des vainqueurs.

Cette mentalité ne faisait d'ailleurs que refléter celle qui sévissait à Paris et partout en France.

Trois jours avant, le 28 décembre, le Grand Orient avait lui aussi fêté la Saint-Jean d'hiver.

On y avait glorifié en musique deux sujets de réjouissance ; le premier était la signature, sur instruction de Napoléon, du fameux Concordat (qui serait presque aussitôt dénoncé) entre le Grand Orient et le REAA récemment apparu ; mais le deuxième, bien plus important, était, comme à Vienne, le triomphe de la Grande Armée et du Génie qui la commandait.

On retrouve d'ailleurs dans les deux textes quelques thèmes communs :

Texte viennois (Naudet)

Les braves de la Grande Armée ont fait des prodiges nouveaux ... Mais nos enfants liront l’Histoire, sans s’étonner de nos succès

Texte parisien (Grand Orient)

 Et toi, dont la gloire marque tous les pas, laisse un jour reposer l’histoire, ou l’avenir n'y croira pas

Texte viennois (Naudet)

chantons aujourd’hui la guerre qui vient de nous donner la paix.

Texte parisien (Grand Orient)

la paix du Monde doit coûter encor des combats

Texte viennois (Naudet)

BONAPARTE a vengé la France et pour couronner ses bienfaits, son cœur se livre à la clémence, il accorde aux vaincus la paix

Texte parisien (Grand Orient)

il suspend son tonnerre ; les Rois vaincus obtiennent leur pardon

Texte viennois (Naudet)

Lorsque par son or l’Angleterre arma soudain le continent ; mais celui qui paya la guerre en sera le mauvais Marchand.

Texte parisien (Grand Orient)

Vois ce qu'ont fait l’or et la trahison ? Te voilà seul, orgueilleux insulaire !

Texte viennois (Naudet)

Notre héros saura confondre la politique des Anglais ; et lorsque nous serons à Londres il faudra qu’ils fassent la paix.

Texte parisien (Grand Orient)

Prolonges-tu ta lutte téméraire ? Tremble ... Les Dieux portent Napoléon. Cède ; ou bientôt ce noble cri de guerre va retentir jusqu’au sein d’Albion : Vive Napoléon! ! ! !

 

Le triomphe viennois de Napoléon

Napoléon, nu et lauré debout de face, vêtu de la léonté, s'appuyant sur sa massue entre les villes de Vienne et de Presbourg - légende : Napoléon Emp. et Roi / prise de Vienne et de Presbourg MDCCCV.

légende : Napoléon Emp. et Roi / Actions de grâce pour la Paix ordonnées à Vienne par l'Empereur Napoléon le XXVIII décembre MDCCCV.

Napoléon reçoit les clés de Vienne

L'entrée de Napoléon à Vienne

A l'occasion de son 215e anniversaire, ce cantique avait déjà fait l'objet d'une présentation sur le blog du musée.

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