Réunion des Rits au Grand Orient de France 

 

Cet hymne, quelque peu triomphaliste, figure aux pp. 84-5 du Recueil de cantiques et de poésies, daté de 1807, de la Loge douaisienne de la Parfaite-Union, recueil qui figure, sous la cote Bibliothèque municipale de Lyon SJ R 335/30.3, dans les collections de cette Bibliothèque, laquelle nous a obligeamment autorisé à faire usage sur ce site des clichés (crédit photographique Bibliothèque municipale de Lyon, Didier Nicole) qu'elle nous en a fournis, et que nous avons adaptés pour les mettre aux normes du présent site.

Composé pour la Saint-Jean d'Hiver 1804, il date donc de la fin de cette année-là (ou peut-être de janvier 1805, la Saint-Jean d'Hiver ayant parfois lieu en ce mois à l'époque). Il suit dès lors de très peu la ratification, le 5 décembre 1804, du concordat entre le Grand Orient et la Grande Loge Générale Ecossaise tout récemment créée, et il la célèbre avec enthousiasme.

C'est sous la pression de Napoléon, soucieux d'unifier la maçonnerie française pour mieux la contrôler, que le Concordat avait été négocié et accepté malgré, de part et d'autre, des réticences qui n'attendaient qu'une occasion pour s'exprimer.

Sur les rétroactes et les suites (le concordat fut dénoncé dès le 6 septembre 1805) de cet épisode, le lecteur se rapportera utilement aux deux articles de Pierre Noël Les Grades bleus du REAA - Genèse et développements sur la partie REAA du très riche site Franc-Maçonnerie Française, et particulièrement au chapitre 2 du premier, intitulé L’année 1804 et le retour des « Américains ».

Un succès ... voué à l'échec 

Du succès ...

Le Concordat fut considéré comme un événement majeur et glorifié par le Grand Orient. Dans son Histoire de la fondation du Grand orient de France, Thory publie (planche 1) la gravure ci-contre, qu'il commente (p. 338) ainsi :

Médaille gravée au burin à l'occasion de la réunion du rite ancien et accepté au G. O. de France, faite en 1804. On en fabriqua vingt-une qui contiennent les noms des commissaires qui ont représenté les deux corps et stipulé les conventions de cette réunion.

... à l'échec

Aucune des deux parties n'était en réalité satisfaite de ce compromis qui n'avait été - en apparence - bien accueilli que pour complaire au pouvoir. Il ne fallut que 9 mois avant qu'il soit dénoncé, sans que l'Empereur - qui s'était probablement rendu compte dans l'intervalle que deux associations rivales lui seraient sans doute plus inféodées qu'une seule trop puissante - s'en formalise.

Cette rupture n'était que le prélude d'un conflit, par moments très violent, qui, au grand scandale de la plupart des maçons, allait durer des dizaines d'années (d'ailleurs, il n'est même pas complètement éteint aujourd'hui), et dont le présent site présente de nombreux épisodes (voir par exemple ici, ici, ici, ici, ici).

Parmi les causes de ce conflit et de sa permanence, on peut identifier :

  • en de multiples occasions, les susceptibiités et ambitions personnelles de nombreux hauts responsables, de part et d'autre ;
  • la volonté d'hégémonie du Grand Orient, n'acceptant pas d'autorité concurrente qui ne lui soit pas soumise ;
  • le complexe de supériorité des Ecossais, persuadés que leur pratique est la seule vraie maçonnerie et ne peut donc rendre compte à personne ;

Louis-Théodore Juge dans Le Globe explique comme suit une autre raison de l’incompatibilité entre le Grand Orient et le Suprême Conseil :

  • du côté du Grand Orient, les formes démocratiques de son gouvernement, dans lequel les ateliers ont la toute-puissance dont ils délèguent volontairement l'exercice à quelques frères par eux librement choisis et investis par eux et pour un temps donné de toute leur autorité,
  • du côté du Suprême Conseil, une sorte d'oligarchie aristocratique dans laquelle quelques frères revêtus à vie d'un pouvoir sans bornes et sans contrôle, choisissent seuls les frères qui doivent partager avec eux la suprême puissance, et dans laquelle aussi les ateliers n'ont aucune espèce d’influence ni de pouvoir.

La Parfaite-Union était de longue date un fer de lance de la réaction écossaise contre le Grand Orient de France. Cela explique l'enthousiasme qu'elle manifeste ici devant cet événement. Mais le texte laisse entrevoir clairement la raison de la mésentente profonde, qui n'avait été que provisoirement mise sous le boisseau de par la volonté napoléonienne, et qui allait bientôt resurgir pour marquer, depuis lors, l'histoire de la maçonnerie française : le complexe de supériorité écossais selon lequel l'écossisme est la seule vraie maçonnerie en dehors de laquelle il n'existe que des maçons de seconde zone (de nos jours, ce complexe est malheureusement encore souvent inculqué systématiquement aux pratiquants du REAA par des thuriféraires de ce rite).

           

Le Frère Delalande est l'auteur du texte.

Le Frère Mastrick est également le compositeur de deux chansons du recueil de Douai de 1804.

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